Un Garçon Nu Dans Un Lit

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C'était déroutant. Cela faisait plusieurs minutes qu'ils étaient scellés dans cette posture, les lèvres inséparables, les nezs plaqués entre eux, leurs fronts indécemment unis. Il avait fermé les yeux quelques temps, pour profiter inconsciemment de cette proximité, de cette délicieuse et inconnue sensation de quelqu'un tout contre soi ; lorsqu'il les avait rouvert, il avait été envahi par une impression étrange, un sentiment de pression dans son corps comme il ne l'avait jamais ressenti. Il respirait profondément, sa pomme d'Adam jouait à cache cache dans sa gorge. Fudo était assis, comme si de rien était, sur son bassin.

Le brun ouvrit d'ailleurs les yeux, croisa son regard perdu, et hésitant entre s'accorder le plaisir de cette rencontre inconcevable et y mettre un terme.

Kido le sentit se redresser sur son ventre, et il déglutit. Leurs lèvres s'étaient séparées, leurs regards accrochés hurlaient toute la douleur que c'était. Fudo se lècha les lèvres sans le quitter des yeux, semblant souffrir de la désunion autant que lui ; l'élève modèle dut se faire violence pour ne pas saisir l'autre garçon par les poignets et attraper ses lèvres fuyardes, ses lèvres qui s'envolaient.

《Je vais te dire une chose. Une chose qu'on ne dit pas quand on est un bon garçon bien élevé, quand on a un minimum de bon sens. Alors avant tout, tu dois savoir que ce qui se dit sur les toits doit rester sur les toits. C'est la seule règle de cet endroit.》

Kido hocha doucement la tête ; le brun était d'une beauté insolente, dans la lumière urbaine, le vent dans les cheveux, cet air sérieux et incertain qu'il ne lui connaissait pas. La lune donnait à sa peau une blancheur onirique, et ses yeux bleus noyés dans la pénombre brillaient d'une culpabilité et d'une sorte d'appréhension saisissante.

《Je veux faire l'amour avec toi.》

Fudo avait prononcé ces mots dans un langage que Kido avait cru ne jamais pouvoir comprendre ; il avait parlé d'amour, avec amour. Il le fixait, le visage hanté d'appréhension, les yeux reflètant à la fois une profonde certitude et un désir illégitime. Kido déglutit ; il mourait tout simplement d'envie de goûter à cette peau aux airs de voie lactée, sentir ce corps de porcelaine glisser contre le sien comme on le voit si bien dans les films, prendre à bras le corps cette passion inconnue et tentatrice. Son être entier frissonait à cette idée, Fudo contre lui, dans cette union cadencée, peau contre peau, front contre front, et les soupirs qui se mêlent... Pourtant Kido n'était pas sûr de ce qu'il devait répondre. De ce qu'il devait être ; lui-même, ou ce qu'on lui disait d'être, et au fond, si ce n'était pas la même chose. Il se sentait pris entre quatre murs.

《Je ne sais pas faire l'amour.》répondit-il alors, concsient du ridicule de son aveu.

Il savait la théorique, vaguement, du moins il la devinait. Mais voilà, Fudo avait utilisé un langage d'amour pour dire "faire l'amour", ça changeait tout. Ce n'était pas une action qui résulte en une démarche égoïste. C'était quelque chose de magique, d'insensé, un complexe impossible à définir par des mots humains autrement que par "faire l'amour". C'était ce qui s'en rapprochait le plus, et comme beaucoup de ce que disait Fudo, ce n'était pas si faux.

《C'est normal. Ça s'apprend. En une seconde, en un mois, en dix ans. Parfois en toute une vie. Il faut apprendre. Doucement. Comprendre chaque geste. Comprendre chaque mot.》

Fudo inspira profondément et se leva, son corps d'adolescent brisé dans la lumière lunaire. Kido admira un moment sa silouhette fine, son air de pouvoir s'envoler à tout instant, son air de n'être jamais assez haut. Il saisit la main que lui tendait son comparse our se relever à son tour, et déglutit discrètement lorsque Fudo noua leurs doigts effrontément. Ils abandonèrent le balcon et le murmure incessant de la ville, la nuit et les couleurs, les voix et les klaxons, ils abandonèrent le monde. La cabane était un lieu hors de tout, du temps, comme de l'espace. C'était un lieu comme on n'en trouvait qu'une fois dans sa vie ; l'endroit d'où le jour se lève, l'endroit où les oiseaux migrent, l'endroit où les codes et les problèmes perdent leurs sens.

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