NEUF

91 16 73
                                    

Février, une nuit.

Fébrilement, la jeune fille ramassa ses affaires, serra son haut plus fortement contre sa poitrine pour tenter de la cacher. Son soutien-gorge avait disparu. Elle le chercha du regard mais elle voyait flou. Plusieurs préservatifs usagés jonchaient l'herbe fraîche de la prairie. À moins que sa vue ne se soit dédoublée ?

Les larmes suintaient aux coins de ses yeux. Elle voulait rentrer chez elle.

Grelottant, trempée par la rosée qui l'avait accompagnée pendant son inconscience, elle n'avait pas beaucoup de souvenir de sa soirée. Ana n'était pas rentrée tard, elle travaillait le lendemain. Yanis avait absolument tenu à lui parler mais elle ne savait plus de quoi. Il était déjà loin et son discours peu compréhensible, surtout avec le bruit ambiant. Ensuite, elle avait papillonné dans quelques groupes et ...

Black-out.

Pourtant, elle n'avait bu que deux verres. De cela, elle s'en souvenait parfaitement.

Ses jambes étaient parcourues d'une sensation bizarre. Le sol tanguait. Dans un spasme, elle se pencha et vomit. Pas grand-chose, une simple bile âcre, jaunâtre qui lui laissa un goût amer dans la bouche, le fond de la gorge.

Elle venait de se réveiller, sans parvenir à comprendre pourquoi elle se trouvait dans un champs. Elle s'était levée avec difficulté, perdue et courbaturée. Ses premiers pas, chancelants, lui avait permis de tourner sur elle-même dans l'espoir de se repérer.

Le ciel était dégagé mais des nuages menaçants bordaient l'horizon. Elle ne devait pas tarder à rentrer chez elle. Elle voulut se saisir de son téléphone. Cependant, ce dernier n'était plus dans la poche de son pantalon. Les larmes se firent plus grosses, sa respiration s'accéléra. Irrégulière, manquant parfois une inspiration. Elle était perdue au milieu de nul part, quelques vêtements manquants, tout comme son seul moyen de communication.

La panique montait.

Un reflet du soleil attira son regard, son cœur rata un battement. Il était juste là, à moitié caché entre les hautes herbes, à côté de la petit flaque de vomis qu'elle venait de créer. Son téléphone n'avait pas disparu. Elle s'en empara, désespérée. Malheureusement, l'écran resta obstinément noir, vide de batterie. Il lui renvoyait son sinistre reflet aux yeux cerclés de son mascara noir qui avait coulé.

Un bruit aigu lui arracha un sursaut. Elle se retourna brusquement vers un chêne gigantesque au tronc large. Ce n'était que des oiseaux. Des petits moineaux qui pépiaient joyeusement entre les branchages. Mais cet arbre, son écorce noueuse...

Des rires s'élevèrent autour d'elle. La jeune fille se tourna, encore et encore à la recherche de leur source. Des blagues grasses heurtaient ses oreilles, mais elle était seule. Dans le ciel, le soleil s'était éteint, laissant place à une nuit opaque. De grandes mains l'agrippèrent. Elle aurait voulu hurler à l'aide. Le son resta coincé dans le fond de sa gorge tandis qu'un corps se collait.

Elle ouvrit les yeux, inspirant violement afin de sortir de l'eau.

Elle avait chaud. Ils étaient là, l'encerclaient dans l'obscurité...

Elle se débattit violemment pour échapper à leurs bras, à ses draps qui l'emprisonnaient. Gribouille poussa un iaulement plaintif. Il se déplia pour mieux se lover contre sa maîtresse qui se calma quelque peu face au contact.

Ses cheveux lui collaient à la nuque, ils devaient s'être mêlés à l'herbes humides... Non, elle n'était plus dans la prairie, elle était chez elle, dans son lit. C'était la sueur qui plaquait ses cheveux contre sa peau.

Elle devait respirer, ce n'était qu'un cauchemar, pas – plus – la réalité. Tout se confondait. Elle se revit rentrer chez elle après avoir marché plusieurs kilomètres, sans sous-vêtements, honteuse et terrifiée. Frigorifiée. Elle avait besoin de se laver, de se savonner à s'en arracher la peau. D'effacer toutes traces, toutes preuves, de ce qu'il s'était probablement produit...

Allongée sur le dos, elle dû prendre sur elle pour ne courir sous la douche. Elle ne pouvait pas réveiller ses parents au beau milieu de la nuit. Elle se tourna sur le côté, lentement, afin de se calmer. Sa main se posa sur le ventre de son chat et ses doigts s'emmêlèrent à sa fourrure, l'agrippant comme on s'accroche à la réalité. Il recommença à ronronner paisiblement et elle se recroquevilla autour de lui, ne referma pas les yeux de la nuit.

***

T'étais habillée comment ? T'es sûre de pas avoir envoyé de mauvais signaux ? T'avais bu quoi ? Il était tard ? T'étais seule ? C'était où ?

C'est horrible à dire mais, si tu es victime d'une agression sexuelle, ne te lave pas de suite. On ne peut pas toujours croire une personne sur parole, il faut des preuves. Dans les films et séries, on voit parfois la victime les faire disparaître elle-même à grands coups d'eau et de savon. Dans la vraie vie, pour que ça ait une chance d'être condamné, il faut directement se rendre au service de médecine légale de l'hôpital le plus proche ou consulter le plus vite possible un médecin. En Belgique, les CPVS (Centres de prises en charge des violences sexuelles) sont ouverts sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Parles-en à quelqu'un de confiance. Il existe également des numéros gratuits et anonyme comme la ligne d'écoute téléphonique au numéro vert 0800 98 100 du lundi au vendredi de huit heures à dix-huit heures en Belgique et le SOS Viol Femmes Informations 0800 05 95 95 en France. Il ne s'agit pas des seuls. Tu n'as rien fait de mal. Ce n'est pas à toi d'avoir honte.

NIETSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant