DIX-HUIT - 28 février

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Mois de février, l'après-midi du samedi qui suivit la nuit de vendredi à samedi.

La pluie s'abattait durement au dehors. Elle rebondissait sur le sol, fracassait les vitres, obligeait les passants à courir se mettre à l'abri. Ce jour-là, les parapluies étaient inutiles. Le vent soufflait trop fort. Si fort que la fenêtre derrière laquelle Emma se tenait tremblait violemment, menaçant de valser.

Elle avait eu de la chance, la tempête s'était levée peu après qu'elle se soit réfugiée dans le haut d'un immeuble. Elle était arrivée au kot de Yanis depuis une petite heure. Ils étaient censés aller courir mais la première goutte était tombée, suivie de nombreuses autres. Ça n'avait pas pour autant découragé Emma. Ils seraient rentrés trempés de toutes façons. Mais Yanis n'avait pas été du même avis. Ils se seraient chopés la crève, ou renversés par une voiture. On ne distinguait rien sous les nuages opaques. La pluie flouait la vue.

Comme pour donner raison au jeune homme, un petit accident s'était formé au pied de l'immeuble. Un automobiliste n'avait pas remarqué une voiture sortir d'une priorité de droite. Rien de grave, pas de blessé si on oubliait les carrosseries embouties. Les conducteurs avaient d'abord tenté de s'arranger à l'extérieur. Leur visage s'étaient déformés par les cris poussés essayant de couvrir le bruit du vent. Ils remplissaient désormais les constats dans un des deux véhicules, au sec.

Un sachet plastique fut porté haut dans le ciel, tourbillonnant jusqu'à l'étage où la jeune fille observait. Il obstrua le paysage le temps d'une seconde, redescendit pour se plaquer contre une poubelle renversée, repartit dans l'autre sens, disparut, perdu dans la grisaille lointaine.

Emma se pencha, appuyant ses coudes contre le rebord, collant presque son nez à la vitre fébrile pour chercher l'objet du regard. Peine perdue.

- Tu regardes quoi ?

Elle sentit une tête se poser sur son épaule, essayant de regarder dans la même direction, et se crispa inconsciemment. Le corps brulant de Yanis s'était collé au sien, laissant une angoisse incontrôlable monter de son bas ventre, nouer ses entrailles.

Le cauchemar de la nuit précédente était encore bien trop ancré dans son esprit. Il avait été violent. Elle ne parvenait plus à différencier le réel de ses vagues souvenirs. Tout se mélangeait.

Elle se tourna vers lui, en profita pour se décoller légèrement. Leur visage étaient proches. Des mèches de jais cachaient en partie les grands yeux en amande de son copain. Ils se fixaient dans l'espace clos de la petite chambre. Leurs souffles se mélangeaient, il approcha sa bouche. Elle entrouvrit le sienne pour mieux respirer, attirant le regard sur cette dernière, le laissant interpréter le signal de travers. Elle manquait d'air.

Yanis déposa ses lèvres sur les siennes et elle eut l'impression d'étouffer.

Coincée entre un corps et un mur, une fenêtre, des images voulaient remonter. De l'herbe. Du froid. Une main se posa sur sa taille. Elle était incapable de bouger, anesthésiée, s'abandonna. Sous la pression légère, sa bouche s'ouvrit en plus grand, une langue passa, caressa ses dents, se mêla à la sienne. La nuit glacée hérissait les poils de sa peau. Elle posa ses mains sur le torse, dernier espoir de garder ses distances, repousser le danger. Une fois encore, ses intentions furent mal comprises. Des doigts glissèrent sur ses hanches. Des rires. On s'agrippait à elle.

À bout de souffle, Yanis s'écarta quelques secondes, le temps de reprendre sa respiration, restant à quelques centimètres d'elle. Il voulut revenir mais elle réussit à lâcher un souffle de mot.

- Attends...

Le visage de Yanis s'immobilisa dans son élan et, doucement, elle se dégagea, tâchant de reprendre sa respiration.

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