DIX-SEPT - entre le 27 et 28 février

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Mois de février, de la nuit du vendredi à samedi qui suivit le mercredi.

Sa respiration saccadée martelait le miroir. Ses doigts devenus blancs accrochaient le rebord du lavabo, tentaient désespérément de s'ancrer à la réalité. Ses poumons inspiraient, avaient du mal à expirer. Elle avait chaud. Des sueurs froides la parcouraient.

- Emma ? Qu'est-ce que tu fais debout à cette heure ?

Elle n'était pas seule, ça allait recommencer. Ils étaient là, leurs ombres l'encerclaient. Elle les voyait dans le reflet du miroir. Ils se rapprochaient pour l'engloutir. Elle posa sa main sur son ventre, eut un hoquet. Elle le ressentit partir.

- Tout va bien, ma chérie ?

Des pas s'avancèrent, une main se posa sur son épaule, des bras l'encerclèrent. Des doigts se posèrent sur ses cheveux pour les caresser... Emma se débattit comme elle put, son corps cogna le lavabo. L'étreinte se resserra, tenta de l'entrainer plus loin.

- Ma chérie ! Emma ! C'est moi !

Sa mère reçut un coup dans les côtes et écarta sa fille d'elle, la retenant quand même à bout de bras. Elle vit alors ses yeux, les si beaux yeux de sa fille, perdus dans la vague, le flou. Ils la regardaient sans la voir, saisis d'une terreur indescriptible.

- Emma, c'est Maman, reprit-elle plus doucement. C'est Maman, Emma.

Elle ramena sa fille contre elle, sans prendre garde aux coups portés, terrifiée à l'idée qu'elle ne se blesse. Elle la serra fort contre elle, plus fort qu'elle ne l'avait jamais fait, qu'elle n'aurait cru pouvoir le faire. Elle tenta vainement de la consoler, murmura des paroles apaisantes en espérant que sa chérie finisse par l'entendre.

Le regard perdu de la mère croisa celui du père qui venait d'arriver, alarmé par les cris. Il les observait dans l'encadrement de la porte, les bras ballants. Il n'osait pas s'approcher. Il aurait voulu aider sa femme, mais il était comme bloqué.

Les membres d'Emma se figèrent un long moment, tremblant. Puis elle fondit en sanglots. Incontrôlables, inarrêtables. Son corps était près de lâcher et sa mère devait pratiquement la soutenir. Elle continua à murmurer des mots doux, à lui frotter tendrement le dos et les cheveux auburn qu'elle lui avait donné.

- Maman ?

La jeune fille semblait surprise de la retrouver en face d'elle. Ses yeux écarquillés, elle voulut faire un pas en arrière. Mais sa mère redoubla de paroles réconfortantes, resserra l'étreinte qu'elle avait un peu relâchée, épuisée du combat qu'elles avaient dû mener.

- Oui, ma chérie, c'est moi, c'est Maman. Tout va bien, je suis là...

Emma s'effondra alors dans ses bras, les larmes ruisselant sur son visage.

- Maman... réussit-elle à articuler entre deux inspirations.

Désemparée, la mère ne savait pas quoi faire, passa sa main dans la chevelure moite de sa fille, vint nicher sa tête larmoyante dans son cou.

- Ce n'était qu'un cauchemar, affirma-t-elle, hésitante. Un simple cauchemar, tout va bien maintenant, je suis là.

Les bras d'Emma se refermèrent autour du corps légèrement meurtri de sa mère. Cela rassura cette dernière autant que ça la dérouta. Voilà des mois que sa fille refusait tous contacts. Elle ne savait pas comment réagir. Apparemment, elle la couvait de trop, ses collègues le lui disaient tous les jours. Elle devait lui laisser plus de liberté et tout reviendrait à la normale. Ce jour-là plus que jamais, elle en doutait.

Elle sentait qu'il s'était passé quelque chose. Quelque chose de grave.

- Maman ?

La voix tremblante et désespérée de sa fille, d'un timbre à la limite du fautif, la glaça.

- Oui, ma chérie ?

- J'ai fait une bêtise, Maman... Je suis désolée...

***

Dans les yeux de sa mère, il y avait toujours une lumière...

NIETSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant