Chapitre 11 - La petite mort

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Un petit vent frais caresse son visage. Gabrielle ouvre les yeux sur un endroit qu'elle ne reconnaît pas. La lumière éblouissante lui fait plisser les yeux. Elle a du mal à distinguer les éléments qui l'entourent. Elle ne voit que de la lumière, partout. Aveuglante.

Sous ses doigts, elle distingue de l'herbe, se demandant si elle est toujours sur le terrain de football. Elle a en tête ce qu'il vient de se passer avec Gwen et elle ne comprend pas trop ce qu'il se passe. La mutante tâte immédiatement son corps pour se rendre compte que les lianes ne sont plus là. Oh mon dieu ! Je suis morte ! panique-t-elle alors que son souffle s'emballe. Mais ? On respire pas quand on est mort ? Qu'est-ce que c'est que ce bazar ?

La sorcière a donc réussi. Elle s'est vengée. Elle l'a tué. Enfin, c'est ce que croit l'ancien médecin en regardant ses mains qu'elle commence à distinguer. Puis elle réalise soudain que si elle est morte, il y a de grandes chances que Bucky se trouve également ici... Elle se met alors à l'appeler de toutes ses forces mais aucune réponse ne lui revient. Autour d'elle, la lumière s'apaise. Laissant entrevoir une grande silhouette s'approcher. Silencieuse, la forme devient de plus nette. Révélant un jeune homme aux traits fins. Une fois à la hauteur de Gabrielle, il tend une main et l'aide à se relever.

— Bonjour, prononce-t-il d'une voix très douce.
— Bonjour ? répond la femme avec méfiance. Où suis-je ?
— En sécurité.
— Est-ce que je suis morte ?
— Non, pas le moins du monde, rit l'homme.
— Alors c'est quoi ici ? La salle d'attente de la mort ?
— Non plus. Mais, crois-moi. Ce n'est pas très important de le savoir.

Plus elle détaille le visage de son interlocuteur, plus Gabrielle se dit que ses traits lui sont familiers. Elle n'arrive pas à lui donner d'âge, mais il semble bien jeune. Il sourit et cela apaise directement la canitie. Il y a quelque chose de rassurant dans son regard. Comme une sensation coutumière, une impression de déjà-vu qui la rassérène.

— On se connait ? demande la mutante en essayant de se souvenir où est-ce qu'elle a bien pu rencontrer cette personne au préalable.
— Très peu.
— Ah ? s'interroge-t-elle, suspicieuse. J'ai bien l'impression de vous connaître mais je n'arrive pas à savoir où. Est-ce que vous êtes un ancien patient ? Je vous ai aidé ? Vendu quelque chose ?

L'homme rit. Il a des petites fossettes aux joues. Ses cheveux, couleur gaie, sont coiffés en bataille et ne semblent pas vraiment avoir de mouvement fixe. Ses yeux sont d'un joli vert foncé. Son visage est comme... Angélique.

— Et bien... Nous nous sommes brièvement connus... Il y a seize ans.

À cet instant précis, l'esprit de Gabrielle s'illumine, lui apportant la réponse à ses questionnements. Elle a l'impression que son cœur s'arrête. Elle retrouve soudainement à qui il lui fait penser : Zack. Ses mains se portent à sa bouche. Les larmes envahissent ses yeux et un sentiment de vide envahit son thorax. Délicatement, la mutante vient effleurer le visage du jeune homme.

— Bonjour maman.
— Eliott ? murmure-t-elle en tremblant.

L'ancienne rousse n'arrive pas à retenir les sanglots qui la submergent tout à coup. L'émotion le gagne également. Et les frôlements de leurs doigts sur les bras de l'autre se transforment subitement en une étreinte émouvante. La canitie n'en revient pas. Elle peut le toucher, il est réel. Il existe. Elle tient dans ses bras son enfant perdu depuis tant d'années. Il est là, devant elle. Concret. Souriant. Et tellement beau.

— Oh mon Dieu... Mon bébé... Tu est... C'est fou ! sanglote-t-elle en sentant ses genoux se dérober avant d'être soutenue par le jeune homme. Tu étais si petit la dernière fois que je t'ai vu. Si tu savais comme je m'en veux tellement de ce qu'il s'est passé. Je me suis toujours dit que c'était à cause de mes pouvoirs qu'il t'était arrivé quelque chose.
— Ce n'est pas ta faute, la rassure-t-il en accompagnant sa descente jusqu'au sol. Et tes pouvoirs n'ont rien à voir avec ça. C'est le destin qui a fait les choses. C'est comme ça, c'était écrit !
— C'est tellement injuste, s'émeut la femme. On avait tellement envie de te rencontrer. Mais pas comme ça, dans ces conditions. Tu devais grandir avec nous.
— On ne peut pas changer le passé. Ça ne sert à rien de le blâmer indéfiniment. Toi ou papa n'êtes en aucun cas responsable de ce qu'il m'est arrivé. Je veux que tu t'en persuades. Et regarde, nous nous rencontrons enfin, malgré tout.
— Mais comment c'est possible ? Je veux dire, comment est-ce que je peux te voir en vrai ?
— Tu sais très bien que la magie rend tellement de choses possibles.
— Si je ne suis pas morte, mais que toi tu l'es...
— Pour faire simple, on peut dire que nos deux plans astraux se rencontrent pour un court moment.
— Un court moment ?
— Oui, malheureusement. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Tu dois retourner arrêter Gwen.
— Je ne peux pas, se lamente l'ancien médecin en baissant la tête. Elle est trop forte. J'ai mal partout, je suis si fatiguée.
— Il est important de la stopper. Et il n'y a que toi qui peut le faire.
— Je n'ai pas très envie d'y retourner. J'ai... J'ai tué Bucky.
— Tu te cherches des excuses maman. Surtout qu'il est encore vivant pour le moment !
— Quoi ? C'est vrai ? Mais pourtant je n'arrivais pas à le ressentir.
— Il est très sérieusement blessé. Tu dois l'aider lui aussi car ses blessures sont extrêmement sérieuses.
— Je ne sais pas si je vais y arriver.
— Tu n'es pas seule. Je vais t'aider.
— Tu peux le soigner ?
—Non, je ne peux rien faire dans ta réalité. Je n'y appartiens plus. Mais je peux t'aider, toi. Depuis seize ans, je ne t'ai jamais quitté. Je t'ai accompagné et influencé dans de nombreux choix que tu as dû prendre.
— C'est marrant. Il n'y a pas longtemps, une femme m'a parlé de toi. Que tu étais mon ange gardien.
— Nona... Quelle femme adorable ! Elle a la capacité de communiquer avec les différents plans astraux. Je lui ai expliqué pourquoi j'étais attaché à toi.
— Elle m'a dit que tu avais fait entrer Bucky dans ma vie.
— Disons que je t'ai poussé à intervenir lorsque vous vous êtes rencontrés, la première fois où tu lui as sauvé la vie.
— Tu as influencé d'autres choses dans ma vie ?
— Principalement des rencontres ou des évènements qui pouvaient te rendre heureuse. Qui ouvriraient ton cœur.
— Mais pourquoi tu n'es pas intervenu avec ton père ?
— J'ai essayé, au début. Mais votre chagrin ne vous rendait pas réceptifs. Je n'ai pas influencé votre séparation, mais je ne m'y suis pas opposé non plus. Il y a des épreuves dans la vie qu'on ne peut pas maîtriser.
— J'ai mis du temps à m'en convaincre.
— Elles construisent les personnalités et nous rendent plus ou moins sensibles à la vie ou aux personnes que l'on croise. C'est parce que tu sais ce que tes pouvoirs sont capables de faire dans de mauvaises circonstances que tu es aujourd'hui capable de te maîtriser. Tu ne redeviendras pas celle que tu as été. C'est ça, la rédemption. Et c'est ce qui vous lis, avec James. Vous vous comprenez car vous avez vécu des émotions similaires.
— Il me comprend.
— Plus que tu ne le crois.
— Mais il veut me contrôler.
— Non, il veut te protéger. Il tient à toi.
— Moi aussi je tiens à lui... Et ça fait bien longtemps que je n'ai pas tenu à quelqu'un comme ça. Personne depuis ton père en fait.
— Par contre maman, nous n'avons pas beaucoup de temps. Tu dois absolument maîtriser Gwen. Ou elle fera des dégâts immenses.
— Oula, ça me fait bizarre de t'entendre m'appeler maman, rit-elle.
— Je vais t'aider. Je vais te partager mes pouvoirs.
— Pardon ? Des pouvoirs ? bugge la canitie.
— Je n'ai pas hérité que de ton regard, maman. J'ai aussi reçu quelques aptitudes de ta part. Ces dons se transmettent depuis bien longtemps dans notre famille. Disons que je participe à ton héritage.
— Ma grand-mère avait donc raison ?
— Mais, ce ne sont pas des pouvoirs tels quels, que je vais te transférer. Ça, je ne peux pas. Je vais te partager leur énergie. Avec ça, tu devrais être totalement en capacité de maîtriser Gwen. 
— Ta grand-mère sera heureuse d'apprendre qu'il y a une part d'hérédité dans mes capacités.

Les Barrières de la Mémoire 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant