Chapitre 5

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Anastasia est surprise de l'entendre faire cette révélation. C'est la première fois qu'il le dit de manière aussi cache. Le roi secoue la tête en silence. Anastasia est gênée.

- Vu qu'on est en famille et que l'on a décidé de parler sincèrement ce soir, il serait temps que vous nous disiez où vous en êtes aujourd'hui, rajoute la reine, souhaitant crever l'abcès le plus rapidement possible. Nous en avons discuté mon époux et moi, nous pensons que nous ne devrions plus vous obliger à rien. Anastasia, Louis si vous voulez vous séparer et divorcer, vous avez notre bénédiction.

Ils sont tous surpris à table, sauf le roi. Ils en ont effectivement parlé mais ils n'ont jamais convenu de dire une telle chose aux enfants au dîner de ce soir. Il joue le jeu que sa femme a décidé de lancer.

- ....

Même Louis, qui en général a de la répartie, reste silencieux. Il ne montre pas qu'il est choqué comme les deux autres, mais il fixe son père avec un regard plein de questions. Il doit bien sentir que ce n'est pas son paternel qui a voulu lancer ce sujet. Il se tourne vers sa belle-mère qui fixe uniquement Anastasia. Louis se tourne vers sa femme, qui reste pétrifiée. Il s'exprime pour eux deux.

- C'est à nous d'en discuter et de vous dire ce que nous allons faire. Nous avons passé l'âge de devoir demander la permission.

- Je sais bien, mais j'ai envie d'entendre ce qu'elle a à dire à ce sujet. Tout le temps c'est toi qu'on entend parler. Vous êtes deux dans cette relation et on ne sait jamais ce qu'elle veut ou pense. Parce qu'à chaque fois qu'on essaie de la confronter, tu la protèges. Je respecte le fait que ce soit ton rôle. C'est ta partenaire, ton épouse.

Il ne rajoute rien à ce qu'elle vient dire. Il ne va pas se mentir, il a envie de savoir ce que pense Anastasia également. Ce qu'elle veut, où elle en est à leur sujet. Il reconnaît que le courage lui manque pour lui poser la question directement.

- Je vais être sincère avec toi Anastasia. C'est la première fois que je te parle ainsi, que nous parlons tout court sérieusement. Je n'étais pas fan à l'idée de votre mariage. J'aurais préféré qu'il épouse d'autres personnes. Mais le roi et ton père ont mis en place cette union et il m'a demandé de te laisser le bénéfice du doute. Je l'ai soutenu dans son plan. Oublions tout ce qui s'est passé entre vous, mettons le de côté. Tu nous, non tu lui as fait vivre des semaines difficiles. Personnellement, je ne comprends pas comment il peut te supporter encore. Sûrement parce qu'il est amoureux, bref. Le mieux serait que vous vous sépariez, vous pourriez retrouver l'amour et être réellement heureux. Vous avez énormément donné tous les deux pour cette relation et j'ai l'impression qu'elle s'est essoufflée.

- Mère...

Clovis qui ne dit jamais rien, vient d'intervenir. Même lui peut se rendre compte de la cruauté et de la violence des propos dits. Il aime bien Anastasia. Il voit bien qu'elle souffre, mais il faut aussi qu'elle s'exprime.

- Je ne fais qu'exprimer mon avis. Je ne l'empêche pas de parler si elle veut dire quelque chose.

Tous les regards se tournent vers elle à cet instant. Elle est prise de nausées et quitte la table subitement. Elle se dirige vers les toilettes les plus proches et vomit plusieurs fois. Elle arrête et sent sa tête tourner. L'impression de suffoquer tout à l'heure disparait peu à peu. Elle entend des pas se rapprocher d'elle par l'arrière. Des mains soulèvent sa chevelure, pendant qu'elle finit de vomir.

- C'est bon...

- Allons dans ta chambre.

Il l'aide à se relever, ils avancent un peu et il remarque qu'elle n'arrive pas à avancer. Il décide de la porter. Elle pose sa tête contre son torse et finit par s'endormir, bordée par son odeur familière et rassurante. Il la dépose sur son lit en arrivant.

Quand elle se réveille, Louis est assis sur une chaise à ses cotés. Il dort calmement. Elle regarde par la fenêtre, il fait encore nuit noire dehors. Elle ne sait pas combien de temps elle a dormi, mais elle n'a jamais aussi bien dormi.

Le départ soudain d'Anastasia a mis fin au repas rapidement. Clovis est retourné dans sa chambre. Le roi lui a dit de passer le voir demain pour qu'ils discutent ensemble. Il n'avait clairement pas envie mais il n'avait pas son mot à dire. Le couple royal retourne dans leur chambre en silence.

- Tu avais besoin d'humilier Clovis de la sorte ?

- Humilier ? Ce n'est pas de ma faute si il ne veut pas me regarder. S'il a peur de répondre de ses actes. Je t'ai dit que tu le pourrissais trop.

- Il vit des moments difficiles.

- C'est pour cela qu'il passe son temps à boire, faire la fête et baiser n'importe qui ? Son épouse est surprise qu'il soit au courant. Bien sûr que je me suis informé vu qu'il ne vient plus me voir. Je sais aussi que tu as dû demander de l'aide à son frère parce qu'il ne t'écoute plus.

- Il est venu ce soir de sa propre initiative.

- Parce qu'il me craint encore assez. La situation est en train de t'échapper. Elle est obligée de conserver le silence, parce qu'elle sait qu'il a raison. Son fils part en vrille et elle ne sait pas comment l'aider. Elle se sent démunie. De plus, je peux savoir le but de ton petit monologue ?

- J'en ai marre qu'on la chouchote tous. Elle a perdu un seul enfant.

La colère perce dans la voix de la reine avant que les larmes n'apparaissent sur son visage. Le roi comprend maintenant pourquoi sa femme est aussi sensible à la situation de Anastasia. Elle a elle-même fait plusieurs fausses couches avant d'accoucher de Clovis. Les circonstances ne sont pas les mêmes mais elle connaît elle aussi la douleur de perdre des êtres précieux. Il la prend dans ses bras et la console. C'est aussi pour cela qu'elle est aussi gentille et qu'elle gâte autant Clovis. Elle a eu du mal à l'avoir. Personne ne connaît mieux sa douleur que lui. Lui et Louis, car il est au courant. Clovis est son enfant miracle. A l'époque, personne n'avait jamais su pour les enfants perdus et encore aujourd'hui tout le monde l'ignore, les règles et les mœurs étaient moins ouverts qu'aujourd'hui. L'image qu'elle voulait donner d'elle, ne lui permettait pas de partager de telles nouvelles. Elle avait subi les moqueries au sujet d'absence d'enfants dans leur couple pendant de longues années. Elle n'avait pu pleurer qu'avec lui et surtout à l'abri des regards. Voir Anastasia pouvoir exprimer si facilement ses émotions, la rendait verte de rage. Mais surtout elle était énervée parce que cette dernière ne saisissait pas sa chance et ne faisait rien pour avancer. D'autres l'avaient vécu et n'avaient eu d'autres choix que de passer à autre chose sans pouvoir réellement en parler.

- Vous avez une expérience similaire. Je sais que tu ne voulais pas être méchante quand tu lui parlais tout à l'heure. Tu voulais juste la secouer un peu. Je n'ai pas l'impression que ça ait marché. Peut-être changer d'approche pourrait améliorer la situation. Lui parler de ton expérience personnelle.

- Je ne suis pas sûre...

- Tu peux au moins essayer. Parle lui comme si elle était ton enfant.

- Tu vas être aussi doux avec Clovis ?

- Je ferais de mon mieux en tout cas pour ne pas le braquer. Nos enfants sont tous grands, aujourd'hui la seule chose que l'on puisse faire pour eux c'est de les guider et de leur parler franchement.

- Tu n'as pas tort. Tu ne m'en veux pas pour...

- Je ne pourrais et je ne t'en ai jamais voulu pour ces grossesses. Ce n'est pas de ta faute. Cela n'a jamais été de ta faute.

Il la sent s'apaiser dans ses bras. Elle avait besoin d'entendre ses mots, il lui avait dit à l'époque mais elle ne l'avait pas cru. Elle n'était pas encore prête à les entendre. Maintenant oui, le temps avait fait son travail.

L'emprise De L'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant