Chapitre 55

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Sa mère rayonnait à chaque fois qu'ils se revoyaient et elle lui apprenait plein de choses différentes : se battre, parler le français, jouer aux dames, faire des balades à vélo... Elle lui avait dit qu'elle ne pouvait pas le faire avant, contrainte par le protocole et le genre d'enseignement qu'il devait recevoir en tant que futur héritier. Il a remarqué avec du recul, que sa mère voulait lui en enseigner la liberté avant qu'il ne doive se conformer au carcan que lui dicte son rang et sa naissance.

- Ta mère et moi étions amoureux, elle m'a épousé sachant qui j'étais et quel genre de rôle, elle allait devoir mener plus tard. Mais la réalité a brisé les ailes de liberté et la joie de vivre qui était en elle petit à petit. Je la voyais de moins en moins heureuse et j'étais impuissant. Elle dépérissait dans cet environnement que nous connaissons et dans lequel nous vivons, pouvant devenir vite toxique surtout pour une étrangère. Elle voulait retrouver la paix, le calme et le bonheur. Je voulais la revoir aussi heureuse, c'était mon vœu le plus cher donc je l'ai écoutée et je l'ai suivie dans sa folie. J'ai épousé la mère de Clovis, nous vivions ensemble, mais mes seuls moments de joie, consistaient à revoir ta mère. Ces moments se sont rarifiés avec le temps, du fait de ma prise de fonction et de mon nouveau mariage. La presse s'en est mêlée, la jalousie de ta mère également. La mère de Clovis avait bien conscience au départ que je n'étais pas fou amoureux d'elle, il s'agissait d'un mariage d'intérêt purement. Nous passions de plus en plus de temps ensemble, vu qu'elle m'accompagnait et vivait dans le palais à mes côtés. Petit à petit, nous sommes devenus amis et nous avons appris à nous apprécier. La pression d'avoir un enfant ensemble pour consolider notre union augmentait avec le temps. J'en parlais à ta mère, mais à chaque fois, nous finissions par nous disputer. Elle me disait que je tombais amoureuse de cette femme, que ce n'était pas ce que nous avions décidé. Je lui disais qu'elle était la seule dont j'étais amoureux.

Louis a un sentiment de déjà-vu en entendant son père s'exprimer. Il ne sait pas pourquoi, comme s'il avait déjà entendu les mêmes mots ou qu'il avait déjà vécu une situation similaire. La réponse apparaît dans un flash, c'est ce qu'Anastasia lui reproche avec Olivia. Sauf que lui n'est pas doublement marié à Olivia.

- Ta mère a commencé à me menacer de relever la supercherie, des années plus tard. Tu imagines bien l'incidence que cela aurait pu avoir. Louis n'arrive même pas à imaginer la situation, en dehors du fait que les dégâts seraient considérables, et probablement irréparables. Je l'ai suppliée de ne pas faire cela, mais elle n'arrivait plus à se cacher et me voir prétendre devant tout le pays être heureux avec ma nouvelle femme. Elle était à l'origine de ce plan farfelu, mais elle m'en voulait à ce moment d'avoir suivi ses consignes et de nous avoir mené à une telle situation.

Louis se rappelle quand ses visites à sa mère s'espaçaient de plus en plus et il avait l'impression de voir sa belle-mère gagner les faveurs de son père. Il savait, il ressentait que plus jamais sa mère ne reviendrait à sa place. Elle lui disait souvent, qu'elle ne voulait pas revenir, mais il la connaissait assez bien pour distinguer quand elle mentait, bien que n'étant qu'un enfant.

- Nous avons eu Clovis, ç'a été la goutte d'eau qui a débordé du vase pour elle.

Il se rappelle encore la jalousie qu'il avait vécu toutes ces années, à partir de la naissance de Clovis. Il avait été envoyé en internat, il voyait encore moins sa mère. Quand il rentrait pendant les vacances, il ne pouvait qu'impuissamment constater la prise de pouvoir grandissante de sa belle-mère. Elle ne le maltraitait pas, mais elle faisait tout pour mettre son fils sous la lumière. Il s'était senti très seul, sans aucune aide, il avait dû se débrouiller pour mériter le respect et l'intérêt des gens. Son père n'avait jamais été très présent, il ne le voyait presque plus. Lorsqu'ils se voyaient tous les deux, il venait pour rendre compte de ses progrès à son père. Pour ne pas souffrir plus que nécessaire, il avait dû dissocier le père et le géniteur. Quand sa mère était vivante, il avait un père. La mort de sa mère l'avait confronté à son géniteur. Il n'était plus son fils, il était le prince héritier. Son père ne le regardait que de cette façon et sa mère lui demandait de tout faire pour surpasser les attentes du monde dans lequel il vivait pour que personne ne puisse l'oublier. Elle lui disait qu'elle continuait à vivre au travers de lui, ça le rendait fier. Il se sentait confier une mission importante. Sa mère lui avait dit de ne faire confiance à personne, de ne croire personne, de ne montrer ses larmes et ses faiblesses à personne. De peur de se faire trahir et d'en souffrir horriblement, comme elle le faisait. Il ne voulait pas avoir mal comme elle, donc il avait appliqué ses consignes à la lettre.

- Plus Clovis grandissait, plus le fossé entre ta mère et moi se creusait. Quand ma relation avec la mère de Clovis avait commencé à changer, je suis allée discuter avec ta mère. Je lui ai avoué ce qu'il se passait, je lui ai demandé pardon d'être faible et de vouloir céder à la tentation. Elle m'a rejeté avec mépris et m'a dit qu'elle s'en fichait d'un ton froid. Elle m'a dit que si je ressentais de la tentation, que je n'avais qu'à céder, que c'était le genre de permission que je recherchais en venant la voir. Comme quand, je l'avais trompée pendant ta grossesse. Nous avons eu une grosse dispute ce jour-là.

- Ma mère était fière, très fière. Elle ne vous aurait jamais montré que vos actions lui faisaient autant de mal.

- Après cela je suis rentré, découragé. Je lui ai envoyé des messages pour tenter de réparer la situation, elle ne m'a jamais répondu. Toutes mes tentatives de réconciliation, elle les a envoyés à la poubelle. Je ne voyais plus aucun moyen de sauver notre relation. J'ai arrêté de la poursuivre, je me suis concentré sur mon travail. C'est à ce moment qu'elle a commencé à faire des crises et à faire du mal aux gens autour d'elle. J'ai dû la faire interner un moment. Il se rappelle quand il n'a pas vu sa mère pendant quasiment un an. Tu ne l'as pas vue pendant plus d'un an environ. Quand sa mère était revenue, elle n'était que l'ombre d'elle-même et pourtant, elle continuait à parler de son père avec amour. Après cela, elle a exigé que je revienne auprès d'elle ou elle a dit qu'elle divulguerait tout. Ce n'étaient plus des menaces en l'air, comme les fois précédentes. Petit à petit, certains secrets du palais d'à l'époque ont été révélés au grand public. Ce n'étaient pas des secrets de grande ampleur et très compromettant, mais cela m'a fait revoir la dangerosité de ses menaces. Je lui ai posé la question, elle m'a dit que c'était elle, l'instigatrice. Je devais l'arrêter, cela devenait entre elle ou moi. La reine m'a conforté dans l'idée qu'elle devenait trop dangereuse et trop instable pour ne pas être mise hors d'état de nuire.

- Ma mère souffrait. Il se rappelle encore le genre de crise qu'elle faisait par moment. Elle l'avait déjà blessé violemment lors de l'une d'entre elles. Elle l'avait étranglé, le confondant avec son père sûrement. Elle disait qu'ils avaient le même regard. Elle avait failli le tuer même. Mais il ne pouvait pas lui en vouloir parce qu'il ne voyait qu'une femme triste et malade. Tu m'as dit que c'était sa maladie qui la faisait agir de la sorte.

- Je ne savais pas comment te dire, que ta mère devenait folle. Je ne pouvais pas t'en parler, tu n'étais qu'un enfant.

- Vous ne m'avez jamais permis d'être un enfant. Aucun d'entre vous. Je ne servais qu'à vos machinations, elle comme toi. Il n'a jamais tutoyé son père, même pas en privé. Ce dernier a dû mal à cacher son choc, c'est l'une des rares fois où il a vu son fils aîné aussi émotionnel. Alors ta prétendue considération actuelle ou passée tu peux la garder. Est-ce que la reine est au courant de la manière dont est morte ma mère ?

- Non, j'en porte le blâme entier. Elle pense qu'elle est morte de sa maladie comme tout le monde.

Louis n'arrive même pas à le regarder en face actuellement. Il est trop sous le choc. Actuellement, il pense comme son frère, que son père devrait payer pour ses méfaits. À la poubelle la pitié et les grandes déclarations, il brûle de colère. Mais d'un autre côté, aussi inexplicable que cela puisse l'être, il se sent redevable envers lui. Il a assisté au dépérissement de sa mère pendant toutes ces années et il ne pouvait rien faire, avant qu'elle ne tombe réellement malade. Il commençait à avoir peur de sa mère et de la folie que la rongeait et cela il ne pouvait en parler à personne. Quand sa mère s'est éteinte sans souffrance, il s'était senti soulagé et était convaincu que c'était pour le mieux. Aujourd'hui encore, il continue de le croire.

L'emprise De L'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant