Chapitre 12 : Baptiste

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Au moment où nous nous sommes enlacés, j'ai de nouveau entendu un grattement sinistre autour de notre bâtisse de bois. Nous sommes restés seuls, sans bouger, pendant quelques minutes que j'ai pris pour des heures.

L'intrus réagissait différemment. Premièrement, il ne semblait pas avoir de couteau de boucher. Mais quelque chose de plus léger. Je ne comprends toujours pas ; pourquoi nous ?

Mes sens sont décuplés. Je perçois chaque bruissement, chaque coup de vent, chaque geste de mon agresseur.

Justine est terrorisée. Marie semble paralysée. Je suis seul face à quelqu'un d'enragé. Il joue avec nous. Il souhaite nous faire souffrir. Il se délecte de la douleur dégagée. La peur le rassasie.

Soudain, alors qu'il allait défoncer la porte, il arrête immédiatement et court en s'éloignant dans la forêt. Je ne comprends rien. Je m'écroule à terre en tremblant de tout mon être.

Un dernier phénomène vient s'abattre sur mon esprit meurtri. Trois coups secs résonnent. J'ai peur. Une voix familière retentit jusqu'à mon âme.

- C'est Hercule et Jules, ouvrez-nous.

Je rassemble mes ultimes forces et soulève la planche de bois. Les visages harassés et transpirants de mes amis me font face.

Dès qu'ils entrent, je m'effondre dans leurs bras.

- Que s'est-il passé ici ? demande Hercule en fixant la rainure créée par l'agresseur au couteau de boucher.

Justine parvient à articuler des morceaux de phrases. Elle n'arrête pas de se frotter frénétiquement les manches.

- Quelqu'un est arrivé. Il faisait peur. J'ai... J'ai cru... Et ensuite... Le gros couteau. La fin. Je... Hercule, j'étais terrifiée, dit-elle en étranglant presque son frère.

Ce dernier semble davantage choqué et perdu qu'avant. Une chose a changé en lui. Moins de confiance, plus de terreur. Ses yeux s'écarquillent lorsqu'il comprend. Il répète de meilleure manière en me regardant, tandis que je tiens compagnie à Marie, recouverte par une couverture.

- Si j'ai bien compris, vous avez été attaqués par un gars avec un gros couteau ? Comment cela est-il possible ? Il était à nos trousses, c'est impossible qu'il puisse se démultiplier.

- Ils peuvent être deux, tu sais. Et il s'agissait d'un couteau de boucher plus exactement, réponds-je.

La lueur d'espoir quitte définitivement le visage d'Hercule. Il se laisse tomber après avoir déposé Justine sur son duvet.

- Je ne comprends pas... chuchote-t-il.

Jules relève sa remarque et s'assied à côté de lui.

- Tu ne comprends pas quoi ?

Hercule le fixe, les yeux rougis par la tristesse. Il articule péniblement :

- Je... Je suis désolé.

Jules fronce les sourcils. L'incompréhension pèse également sur mes épaules. Je ne le suis plus. Où veut-il en venir ?

Alors que je sens que des révélations vont surgir, un grattement effroyable retentit à l'extérieur de la cabane. Puis un cri. Un hurlement. Une plainte. Ensuite, un déchirement. Des aboiements terrifiants. Je ne sais pas si je peux considérer ces bruits comme humains.

Le calme revient. Nous respirons tous bruyamment. Des pas lourds s'éloignent. Au bout de quelques instants, Jules rompt le silence et écarquille les yeux.

- C'est quoi cette mare de sang !

Une flaque noire filtre à travers la porte. Jules s'avance, prudent, légèrement voûté. Il ouvre. Jamais il n'aurait dû. Des relents gastriques me font vomir. Heureusement que Justine et Marie sont comateuses, même si cela signifie qu'elles sont en état de choc. L'horreur me saisit quand je me rends compte que nous avons la chance d'être tous rassemblés.

Pour combien de temps ? Non, je ne dois pas penser à ça. Une réelle menace pèse sur nous.

Jules me devance et prononce la question à laquelle nous avons pensé tous les deux, après avoir pesté sur le responsable de ces atrocités :

- Qui est-ce putain ! hurle-t-il, affolé.

Hercule enfouit ses mains dans son visage, puis louche sur le cadavre démembré qui nous reluque avec effroi, ses yeux noirs grands ouverts et sa bouche démontrant la souffrance endurée. Le frère de Justine inspire un grand coup.

- Préparez vos affaires. Nous partons immédiatement. Si vous obtenez du réseau sur le chemin, appelez la police.

Il est vrai que je n'ai pas pensé à consulter mon téléphone, malgré l'ampleur des agressions subies. Je m'empresse d'ouvrir mon sac. Je parviens difficilement à faire remonter la fermeture éclair. Je m'énerve. Le stress est puissant. Mon corps est faible et désemparé.

Jules, qui commence à se douter de quelque chose, se tourne vers Hercule et lui demande à nouveau, plus sèchement cette fois-ci :

- Qui est-ce, Hercule ?

Il ferme les yeux. Je réussis à ouvrir et attraper mon téléphone. Quinze pour cent de batterie. Mon regard se tourne vers Jules. Hercule baisse la tête. D'instinct, je tremble, puis renvoie mon attention sur l'écran allumé dans mes mains. Aucune barre de réseau. Merde !

Hercule me crucifie sur place. Il inspire, puis expire en tremblant sa lèvre inférieure. La tension est palpable. Un conflit intérieur se met en branle. Mon cœur tambourine atrocement. Je m'affaisse littéralement sur le sol en entendant la voix, presque caverneuse de mon ami.

- C'est notre agresseur.

Un silence de plomb s'installe entre nous. Seule la nature nous tient compagnie. Et, sans aucun doute, les liens qui vont se détruire dans un instant.

Espérons que nous ne finirons pas comme ce pauvre homme devant la porte. Qui aura le corps suffisamment solide pour échapper à la mort ?

Cardiaque (Thriller) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant