Chapitre 14 : Jules

20 3 0
                                    

Nous détalons sans pour autant courir très vite. La vitesse baisse, c’est normal. Chacun est épuisé. Le problème, c’est que l’homme est loin, mais toujours visible. Si nous nous arrêtons, il nous rattrapera. Je demande à tout le monde un sprint de plus, mais les jambes cèdent. Marie s’écroule, haletante. Baptiste s’appuie sur ses genoux. Il attrape son téléphone au fond de son sac.

— Nous ne pourrons… Pas courir éternellement. La police doit nous aider, dit-il dans un soufflement.

Il a raison. La fuite est utile lorsque nous connaissons l’arrivée. Ici, nous ne faisons que retarder l’inévitable. Un avenir que seul le meurtrier peut contrôler. Il approche. Doucement. Il pourrait accélérer sa course, mais il ne le fait pas. Il aime nous voir morfler.

Baptiste s’excite sur son téléphone. Je le sens mal. Il crie.

— Merde ! Plus de batterie.

J’ouvre mon sac. Forcément, le mien est caché sous mes vêtements. Je l’attrape, puis l’allume.

— Je l’ai éteint avant de monter dans la voiture hier. Il devrait avoir encore pas mal de batterie. Nous devrions reprendre notre course, il se rapproche.

En effet, son pas lent nous permet de lui échapper. Pourquoi fait-il ça ? Quel est son but à la fin ! Je croise le regard de Justine, complètement dans le vague. Elle semble déboussolée par les derniers évènements. Je préfère ne rien dire pour l’instant. L’unique objectif actuel est la survie.

Je me retourne, tandis que notre cœur s’affole. Derrière les joues rougies de Marie, je vois le tueur à quelques mètres. Il s’est mis à courir !

— Ne vous retournez pas et courrez !

Tous comprennent plus ou moins. Baptiste ne respecte pas mes recommandations. Ses yeux se perdent sur son agresseur. Ni une ni deux, il accélère le pas en entraînant Marie avec lui. L’adrénaline le suit. Pourvu qu’elle dure.

L’écran d’accueil s’affiche enfin sur un loup à trois têtes. J’ai toujours adoré la mythologie. Je me dirige dans mon journal d’appel et je compose le dix-sept. Aucune tonalité. Aucun réseau.

La course est éprouvante. Nous sommes à bout de forces. Une idée jaillit pendant un moment de lucidité. Je me rappelle d’un prof que j’ai eu. Un de ses cours plus exactement. Lorsque nous avons un problème urgent, il faut composer le… Mince, le… Cent douze !

Je tape très rapidement et esquive de justesse un arbre. J’appelle, puis patiente quelques secondes avant d’être pris par un opérateur.

— Je suis poursuivi par un psychopathe, moi et mes amis ! Venez nous… En aide, dis-je en haletant. Nous sommes dans une forêt. Il a un couteau de boucher en main. S’il vous plaît !

J’analyse les visages fatigués et meurtris de mes amis.

L’assassin est à une cinquantaine de mètres. Nous courrons à la même allure. Il faut conserver cette cadence. Nous le devons.

— Très bien, restez calme. Qui a-t-il autour de vous ?

Il est marrant lui ! Je suis dans une forêt !

— Des arbres partout. Nous sommes épuisés. Faites… Venir la police ou quelqu’un. Vite ! Un de nos amis est mort, merde !

Cette dernière information semble faire bouger les choses. L’opérateur est plus tendu. Il reprend, avec une locution plus rapide que précédemment.

— Je vous ai localisé, continuez de courir. Nous vous envoyons une patrouille immédiatement. Elle devrait être sur place dans quinze minutes maximum. Essayez de vous rapprocher du sentier pour qu’elle vous repère plus aisément.

Je rêve ! Quinze minutes ! Pas le choix. Nous devons tenir.

— Nous tiendrons. Sauvez-nous.

Je raccroche et me rends compte que Justine m’a devancé de plusieurs mètres, tandis que Marie et Baptiste ont de plus en plus de mal à avancer. Ils s’arrêtent, incapable d’avancer davantage.

— Qu’est-ce que vous faites, allez !

Ils ne peuvent même plus répondre, mais je vois dans leurs yeux qu’ils abandonnent. Ils offrent leur vie à Satan.

Justine, effrayée, en profite pour me demander :

— Que t’a dit la police ?

— J’ai appelé le cent douze. Ils arrivent dans quinze minutes environ.

Je regarde derrière nous. L’homme a disparu. Un frisson parcourt mon échine. Il peut se trouver n’importe où. Il est même sûrement en train de nous observer à l’heure qu’il est. Un vrai fou.

La forêt semble interminable. Longue et infranchissable. Elle nous sourit de toutes ses dents. J’implore Baptiste et Marie de continuer, lorsque j’entends Justine hurler.

— Jules ! Là-bas !

Je suis la direction qu’indique son doigt et découvre avec horreur que l’assassin émerge d’un arbre, à une trentaine de pas de nous et fonce en galopant, machette vers le ciel.

— Allez ! Allez !

— File-moi… Ton arme, me supplie Baptiste. Laisse-moi.

J’ouvre grand les yeux. Je ne peux pas l’abandonner, non. Pas lui, pas Marie. Personne ! Mais il insiste. Le tueur se rapproche. Il a changé d’arme. Une sorte de sabre. Il fouette l’air. Mes amis sont exténués. Je n’ai pas le choix et désespère de ne pas pouvoir les aider. Mon cœur cogne tellement fort. Je pleure des larmes salées. Justine est dans le même cas que moi.

Ce qui est étrange, c’est que, quelques fois, les arbres bougent. J’ai l’impression de distinguer d’autres tueurs. Je secoue la tête. L’ensorcellement doit cesser. Nous devons continuer.

Difficile lorsque, après seulement vingt mètres, vous entendez des hurlements bestiaux en provenance des amis que vous avez lâchement abandonnés. J’imagine des nuages de sang maculer les taches de rousseur de Baptiste et les longs cheveux bruns de Marie. Un cauchemar éveillé, voilà ce que je vis.

Je suis terrifié, abattu et mon corps souffre à mesure que les pas défilent. Des courbatures noient mes jambes d’une souffrance atroce. Je respire difficilement et regarde ma montre. Deux heures trente-cinq. Encore dix minutes maximum à tenir.

J’espère être bon à cache-cache cette fois-ci.

Cardiaque (Thriller) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant