En cet instant, je suis certain que nos cœurs sont compressés. Torturés à cause d’une histoire idiote. Sans doute que nous ne sommes pas les seuls à avoir eu vent de cette légende puérile. Ou même y en a-t-il des tas d’autres ! Chacun pourrait imaginer ce qu’il voudrait, ça paraîtrait crédible dans ce genre d’endroit sordide.
J’ai l’impression qu’il fait plus froid à l’intérieur qu’à l’extérieur. L’humidité est présente. Dans les coins nous trouvons des crottes séchées. Peut-être que quelqu’un est venu les balayer ? Mais à ce moment-là, pourquoi ne pas les mettre dehors ? Je commence à me faire des films.
Je vois le regard perdu de Marie qui se contente d’analyser sans comprendre comme une formule de mathématique qu’on ne peut résoudre. Un problème indéchiffrable. Baptiste est tendu. Justine suit son frère de près, et moi je suis coincé entre toute cette chaleur humaine.
J’ai rapidement fait le tour de notre nouvelle villa pour la nuit.
Hercule examine les quelques meubles qui habillent la pièce principale. Bien sûr, à part une table ancienne et quatre chaises dont trois avec un pied en moins, il n’y a pas grand-chose de plus. Si, des placards en piteux état avec évidemment rien dans leur antre. Heureusement que les filles ont passé la matinée à nous faire deux sandwichs chacun !
Quand j’y repense, je me dis que c’est un défi stupide. Mais bon, nous sommes réunis et, comme le dit si bien Hercule, il ne devrait rien nous arriver. Et pourquoi devrait-il se passer quelque chose de grave ? Je chasse une nouvelle fois ces pensées néfastes de ma tête. Mais elles reviennent vite au galop lorsque Baptiste prend la parole :
— Vous êtes sûrs que c’est une bonne idée ? Je ne le sens pas les gars…
Hercule s’assoit en tailleur au centre de la pièce, et tout en répondant, sort une boîte de cartes.
— Je vous ai dit de ne pas vous inquiéter. Ce n’est qu’une nuit, on est tous ensemble. Il est dix-neuf heures. On peut se faire une partie de Loup-garou pendant une petite heure et ensuite manger autour d’un feu de camp en se racontant des histoires d’horreurs, non ? Ça nous changera un peu de nos soirées basiques devant un film ou une série. Alors ?
J’inspire calmement, moi qui n’ai pas l’habitude de l’inconnu et me dis que de toute façon on ne peut pas reculer. Je m’assois près d’Hercule qui m’envoie un sourire, puis suis tout de suite rejoint par Justine qui, j’imagine sans le faire exprès, touche mes doigts avec les siens, puis les enlève en rougissant légèrement. Je préfère lui reparler plus tard, lorsque nous ne serons que tous les deux.
Baptiste et Marie nous analysent et tentent de lire notre regard tout en se tenant la main. Ils s’assoient enfin. Au moins, les idées noires ont quitté notre esprit. Mais pour combien de temps ?
Une fois qu’Hercule a bien réexpliqué les règles pour tout le monde, la première partie peut débuter. Il serait inintéressant de vous conter la façon dont se sont déroulées les différentes parties. Je vous avoue seulement être déçu de ne pas avoir gagné. Mais ce sentiment a vite été éteint par les bruits extérieurs. En plein milieu de deuxième manche, alors que Justine a réussi à tous nous berner sur son rôle de loup-garou, un orage éclate. On pourrait penser qu’il s’agit d’une pluie tout à fait banale, quoique un peu drue. Mais non. Un sentiment né en moi. La colère. Je ne saurais l’expliquer. Il est vrai qu’un temps de la sorte est peu commun vers la fin mai, mais c’est comme les professeurs sympas à l’université, il y en a toujours, même s’ils sont peu nombreux.
Là, mon impression est différente. Et je ne pense pas être le seul à le ressentir. Pourtant, la météo indiquait un temps splendide ce week-end. Je sais que l’erreur est humaine, cependant les moyens augmentent de jour en jour. Je ne saurais expliquer davantage ce que je ressens.
Quoi qu’il en soit, c’est à mon tour de décider pour qui je vote et je suis encore et toujours un pauvre paysan. Jouer à cinq, c’est bien, mais vite ennuyeux. Hercule a décidé de n’inclure qu’un loup-garou, un chasseur, deux paysans et une petite fille.
Les parties s’enchaînent. Ma montre m’indique rapidement dix-neuf heures trente. L’orage continue de gronder. Entre-temps, nous avons calfeutré le carreau brisé avec un sac poubelle que j’ai attrapé avant de partir. Nous avons de la chance ; l’eau ne traverse pas encore le bois, mais c’est une question de temps. Une nuit sera bien suffisante à mon goût !
Marie est dorénavant couverte d’un manteau de fourrure. Jamais je n’aurais pensé à prendre aussi chaud ! Hercule, toujours aussi beau gosse, est couvert d’une simple veste. J’attends le jour où il tombera vraiment malade. Justine, Baptiste et moi sommes emmitouflés dans un pull que nous avons pensé à emmener.
D’un seul coup, un frisson parcourt mon échine. Je ne suis pas capable de distinguer l’extérieur puisque la seule fenêtre disposée dans la cabane est recouverte d’un voile noire. Je plonge mon regard sur la forme bombée du sac poubelle, causée par le fracas du vent. Puis, l’image disparaît, envolée par ce temps maussade. Des bruits de pas martèlent mon esprit. La fatigue me prend aux tripes.
Aujourd’hui, alors qu’il est trop tard, je regrette de ne pas m’être levé pour regarder à travers le sac poubelle. Aujourd’hui, je suis certain que deux gros yeux noirs m’auraient fixé avant de filer à toute allure entre les arbres malmenés par d’effroyables bourrasques.
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Cardiaque (Thriller)
Misterio / SuspensoCroyez-vous aux légendes ? À ces histoires généralement effrayantes ? Si oui, vous tombez bien. Jamais il ne vous lâchera. Jamais il n'arrêtera. Ce qu'il veut, c'est se venger des humains. Une fois à l'intérieur, attendez en pleurant votre mort. Jam...