Chapitre 13 : Jules

22 4 0
                                    

Nous courons sans nous arrêter. Les révélations d’Hercule sont trop délirantes. Pourquoi nous a-t-il fait ça ! Payer un comédien pour nous faire peur, c’est une connerie sans nom ! Surtout qu’un réel danger nous pourchasse dorénavant et qu’il a éliminé le pauvre acteur.

Apparemment, cela devait simplement pimenter nos liens. Nous rendre plus forts. Vivre des sensations époustouflantes. Tout était prévu. Il n’y a que lui qui avait établi le plan, et c’est amplement suffisant. Nous aviserons après. L’heure n’est pas à la réconciliation, mais à la survie.

Heureusement que les autres ont été attaqués. Imaginez que notre ravisseur se soit pointé au moment où tout le monde dormait. Ça aurait été une vraie boucherie. Un massacre mortuaire. Un cimetière d’adolescents. Mais une question me lacère les lèvres. Je la soulève entre deux respirations :

— Qui est-il et que veut-il, à la fin !

Marie et Baptiste sont à la traîne, à quelques pas derrière nous. Leur visage est démantelé par le souffle qui manque. Ils souffrent pour avancer. Tenez bon.

C’est Justine qui me répond finalement. Hercule court sans réellement porter attention à ce qu’il y a devant lui. Et c’est mieux ainsi.

— Un fou, c’est tout ce qu’il y a à retenir !

Nous progressons sans parvenir à nous repérer. De la sueur goutte le long de mes tempes. Mon cœur bat à vive allure. Je me rappelle des entraînements douloureux à l’armée et puise dans mes ressources. Courir fait partie de la vie. Je dois sauver mes amis. J’ai signé pour empêcher le crime, d’une certaine façon. Coûte que coûte.

Hercule, soudainement réveillé, mais aussi à bout de souffle, reconnaît la route.

— C’est bon, c’est par là !

— Attendez… Une minute. On en… Peut plus réclame Baptiste en parlant de lui et de Marie. Elle souffre d’un mal… De tête.

— Nous n’avons pas une minute, nous sommes bientôt arrivés, courage ! dit Hercule en continuant sa progression.

Ce comportement ne lui ressemble pas. Me serais-je trompé sur son compte ? Était-ce un réel ami ? Je me rapproche de lui nonchalamment.

— Hé ! C’est à cause de toi tout ça. Ils ont bien le droit à une ou deux minutes de répit.

Il semble affolé. Pour la première fois de ma vie, je vois un regard noir émerger des profondeurs de son âme. Ses yeux bleus se transforment en une mer de lave.

— Demande à tes amis de me rejoindre le plus rapidement possible à la voiture. Je ne les attendrai pas, dit-il d’une manière étrangement calme et monotone.

Je lâche un regard triste et incompris à Justine. Elle est aussi déstabilisée que moi. J’aide Marie à marcher et Justine s’occupe de Baptiste.

D’ailleurs, je remarque ses yeux verts beaucoup plus intensément qu’avant. Une chose me chiffonne, puis je comprends. Elle a perdu ses lunettes ! D’où ses migraines. Je ne sais pas à quel moment. Le plus important c’est d’arriver entier jusqu’à la voiture. Et là, je comprends l’essentiel. Il veut jouer avec nous, non ? Peut-être même nous voir nous entre-tuer ? Non, Hercule !

Une idée germe en moi. J’espère qu’elle ne s’avère pas exacte. Je dépose Marie sur le sol et court sans informer au préalable mes camarades qui tentent de me suivre sans en voir le but. Je dois le rattraper. La sortie n’est plus très loin désormais. Les branches m’irritent les bras. Je pince ma langue. Non, ne pas souffrir. Je glisse, tombe, me relève aussi vite. Un point de côté me transperce. Je persévère, puis réussis à sortir de la forêt. À une cinquantaine de mètres, Hercule est au volant de la voiture, assis sur le siège conducteur. Je distingue sa touffe blonde. Aucune émotion n’imprègne son visage.

— Sors de là !

Il ne m’entend pas. Ou ne souhaite pas reconnaître ma voix. Je me fais violence et prends sur mes jambes qui n’en peuvent plus. Mais c’est trop tard. La folie le gagne. Il démarre. Je perçois le rugissement du moteur, suivi par un léger tic-tac. Oh non, j’ai raison. Hercule !

Je saute derrière un buisson en admirant une dernière fois la tête désespérée de mon ancien ami. L’état de choc imprègne son visage. Puis l’explosion retentit, faisant vibrer le sol. Une vague de fumée noie l’atmosphère dans laquelle je me cache. J’entends, presque immédiatement un cri déchirant à l’intérieur des bois. Celui de Justine.

Pendant un instant, je vois son cadavre avec le tueur devant elle, mais non. Elle sort de la forêt en contemplant, impuissante, les débris de la voiture. De notre échappatoire. Elle s’écroule à terre.

À ce moment, je suis certain qu’il est là. À se délecter de cette scène horrifique. Une sœur qui comprend que son frère a perdu la raison, et ensuite sa vie. Sans doute à cause des remords. Se dire que l’on a failli emmener ses amis rejoindre les cieux n’est pas simple à supporter. Un sentiment qui n’a pas été soutenu par Hercule. Aujourd’hui, Ses restes calcinent dans les flammes.

Au loin, un sifflement retentit. Une silhouette se dégage à côté de la voiture lorsque la fumée se dissipe, un couteau de boucher en main. Cette fois-ci, je peux enfin distinguer notre assassin. Une cagoule parsemée de trous aussi petits que des billes recouvre intégralement sa tête.

Il sort une cigarette de sa poche et l’allume. J’attends qu’il relève la partie basse de sa cagoule. Au lieu de ça, il plaque l’embout enflammé sur son masque et fait brûler le tissu. Il ne semble pas souffrir. Un fou. Non, un psychopathe.

Je détale vers les autres et les implore pour la énième fois de me suivre au cœur de la forêt. J’espère que tous les trous ne correspondent pas à ses victimes. À ce rythme-là, je peux en compter facilement une vingtaine.

Je me retourne. Une ombre nous suit. Il ne s’arrêtera pas tant que nous serons encore en vie. C’est une véritable chasse à l’homme. Un jeu pour lui, un calvaire pour nous.

Espérons que nos téléphones puissent capter quelque chose. J’ai l’impression que seuls Baptiste et moi en disposons. Marie et Justine ont dû les oublier dans le monospace ou à la cabane. Espérons que nous puissions nous en servir. C’est notre dernier recours. Plus de voiture. Plus d’Hercule. Plus de souffle.

Nous sommes à bout. Et notre tueur est bien décidé à en profiter.

Cardiaque (Thriller) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant