𝑴𝒂 𝑮𝒖𝒆𝒓𝒓𝒆

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La guerre. Un mot qu'on entend bien souvent quand on nous conte l'histoire de nos ancêtres, allant du saint Empire Romain agrandissant sans fin son territoire, et même encore plus loin, jusqu'à la seconde Guerre Mondiale, le conflit le plus meurtrier de l'histoire. On en parle en permanence, et pourtant elle nous paraît si lointaine. Comme si nous ne pourrions jamais en être victime. Qui imagine se retrouver au milieu d'une guerre en Corée du Sud ? Celle contre la Corée du Nord est terminée depuis longtemps, même si des tensions entre les deux pays persistent. Une troisième Guerre Mondiale ? On parle de monde alors que tous les pays n'étaient pas impliqués, c'est simplement un terme pour donner plus d'importance aux grandes puissances et pour flatter leur égo.

Quand on entend un enfant dire qu'il connaît la guerre, qu'il l'a vu et même vécue, personne ne le croit, personne ne le prend au sérieux. Cet enfant est pris pour un menteur, quelqu'un en manque d'attention, qui ne cherche qu'à faire son intéressant en voulant se démarquer des autres. Et pourtant... À l'échelle d'un enfant, la guerre peut être bien moins vaste que ce que l'on imagine. Quand on demande à deux de ses camarades, en train de se battre, d'arrêter de se faire la guerre, il la voit tout de suite d'un œil différent. Et quand le soir, en rentrant chez lui, il voit ses parents se battre, tout comme ses camarades, il a l'impression d'être à la guerre.

Je fais partie des personnes connaissant la guerre. Et à de multiples reprises, on m'a ri au nez quand je le disais, étant petite. Je ne comprenais pas pourquoi on se moquait de moi quand je disais que mes pères se faisaient la guerre à la maison, alors que tout le monde prenait la maîtresse au sérieux quand elle demandait à deux enfants de ne pas se faire la guerre. Maintenant je sais pourquoi, mais maintenant il est trop tard. Les gens sont trop petits d'esprit, ils ont la mémoire longue quand ils le souhaitent, et quand il s'agit de se moquer de quelqu'un ils n'hésitent pas à utiliser des choses datant de dix ans plus tôt.

Je vois encore ce qu'il se passe chez moi comme une guerre. J'ai toujours l'impression, même après des années, d'être sur un champ de bataille lorsque je rentre et vois mes deux pères hurler l'un sur l'autre. Après tout dans les guerres, deux camps s'affrontent, peu importe le nombre de partisans. Mes deux pères s'aiment, à la folie, ils se le crient du matin au soir en se jetant dessus tout ce qui leur passe par la main. Ils ne font juste pas passer le message comme les autres. Rien de plus étonnant, ils étaient tous deux militaires et se sont rencontrés sur un champ de bataille, alors qu'ils étaient dans des camps opposés. Comment ont-ils pu fonder une famille ? Je me le demande chaque jour. Mais, bien que je n'ai pas la réponse, je me retrouve tout de même à devoir vivre avec eux. Les êtres les plus insupportables que je connaisse.

Je ne suis pas majeure, alors je ne peux pas partir de chez moi. Ce sont mes tuteurs, et je dois leur obéir. Et pourtant je suis aussi utile que la décoration qu'il y a chez moi. Et tout ce qui est présent dans cette maison finit balancé par l'un à la tête de l'autre. Et je n'y fait pas exception. Combien de fois me suis-je retrouvée poussée contre l'un ou l'autre, à grand renforts de « tu te démerdes, c'est ta fille pas la mienne ! » ? Trop pour que je ne les compte. Qu'ils viennent voir, ceux qui me traitent de mythomane, si je ne la connais pas la guerre ! En attendant, en cours d'histoire, il m'arrive même d'apprendre des choses aux professeurs sur les techniques d'intimidation.

On me prend pour une grande fan d'histoire, on pense que je passe mes soirées à me renseigner sur internet. Mais ce que je sais, je l'apprends sur le terrain comme le diraient certains. Et comme personne ne me croit, je reste seule dans mon coin, à me demander à quelle scène je vais avoir le droit en rentrant le soir. Mieux vaut être seul que mal accompagné. Telle est ma devise. Et j'en ai la preuve parfaite chez moi, puisque je reste convaincue que mes deux figures paternelles seraient bien mieux dans des maisons séparées, ou même dans l'armée, là où ils se sont rencontrés, à se pointer de leur mitraillette.

𝑺𝒘𝒆𝒆𝒕 𝑻𝒆𝒙𝒕𝒔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant