Chapitre VIII - Une absence inquiétante

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Un vent soufflait entre les maisons de Gap ce jeudi soir. Il était 18h30, le soleil avait presque disparu, et Milla le regardait s'en aller par la fenêtre de son salon qui donnait sur la ville. Depuis trois jours, à chaque couché du soleil, elle interrogeait le ciel de son regard plissé : pourquoi Alia n'était-elle pas revenue en cours depuis ? Lui était-il arrivé quelque chose de grave ? Et si c'était le cas, l'enseignante semblait être la seule au courant, devait-elle prévenir quelqu'un ? N'était-ce pas son rôle de professeure principale ? Toutes ces questionnements restaient éternellement sans réponse.

Hier soir, elle était même retournée dans le bar où elle avait découvert que son élève travaillait. Elle connaissait l'ennui et le manque d'intérêt que cette gamine pouvait ressentir au lycée, donc finalement qu'elle ne soit pas revenue était prévisible. Mais l'enseignante avait aussi remarqué l'épanouissement de cette dernière lorsqu'elle se trouvait derrière le bar et la rigueur dont elle pouvait faire preuve dans ces moments là.

Alors, elle supposait qu'Alia n'était certes pas retournée en cours, mais qu'elle travaillait certainement toujours. Pourtant, lorsqu'elle demanda à Maeve si la jeune serveuse était venue travailler cette semaine, elle fut surprise, inquiète même, d'entendre que cette dernière avait demandé des jours de repos sans vraiment préciser sa date de retour.

Toutes ces préoccupations qui ne cessaient de déconcentrer l'enseignante étaient arrivées à leur paroxysme : elle devait y mettre un terme. Elle quitta alors la fenêtre par laquelle elle admirait le couché du soleil et s'approcha du casier proche de son bureau dans le salon. Elle l'ouvrit, saisit la pochette des dossiers de ces élèves de terminale, dont le proviseur faisait une copie à chacun des professeurs principaux en cas de problème -comme ce genre de problème en déduisait l'enseignante- et parcourut les feuilles jusqu'à y trouver le nom d'Alia Garnier.

Elle trouva ce qu'elle cherchait : le numéro de téléphone du tuteur légal, la maman de l'élève. Il s'agissait probablement d'un fixe en vu du début du numéro. Elle saisit immédiatement son téléphone, tapa chacun des chiffres et se figea un instant.

Que devait-elle dire à cette femme ? Elle n'en savait rien; et si la maman d'Alia devenait furieuse contre sa fille de manière excessive ? Elle ne voulait surtout pas causer plus d'ennuis à cette gamine que ce qu'elle en avait déjà; et si sa mère devenait même violente ? Après tout, elle ne connaissait rien des problèmes d'Alia, était-elle battue ? Alors que son monologue intérieure s'éternisait, elle secoua la tête pour y mettre fin, et appuya sur le bouton vert sans réfléchir. Elle entendit un premier bip, puis un deuxième, et un troisième. Les battements de son coeur s'accéléraient, elle avait l'impression de redevenir une ado craintive et timide sans vraiment en saisir les raisons. Enfin au quatrième son, le téléphone décrocha et puisque personne ne parlait, elle se lança :

- Hmm, bonsoir je suis Madame Santini, la professeure principale de votre fille, dit elle d'un ton faussement assuré.

Elle fut surprise lorsqu'elle entendit un long souffle de lassitude de l'autre côté du téléphone et fronça les souricils.

- Bonsoir madame, vous ne vous adressez pas à la mère mais à la fille, commença la voix que l'enseignant reconnaissait, cette voix grave. Et vous pourrez joindre ma mère, quand Kant fera l'éloge du mensonge... (-pour ainsi dire jamais-)

Un léger rire s'échappa des lèvres de la professeur : cette gamine avait décidément un humour étonnant à son âge, enfin c'était une adulte après tout.

- Mmh, je vois et je suppose que tu préfères me donner aucun détail supplémentaire ? s'intéressait sincèrement l'enseignante.

- Euh, hésita Alia étonnée de ce soudain tutoiement, il n'y a pas grand chose à ajouter... se résonna-t-elle. La jeune fille avait failli en dire davantage surprise par la proximité inattendue, peut-être insignifiante mais qui l'avait touchée quelque part, qu'avait établie sa professeure avec ce « tu ».

Plus que ma moraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant