2 | Chapitre 8

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Mercredi 29 mai 2019

Monaco, 23h30

PDV omniscient

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PDV omniscient

Julia: J'ai peur de lire celui là

Ses doigts glissaient le long de ces pages abimés par le temps. L'encre noir était toujours intact malgré les nombreuses larmes qui avaient coulé en écrivant ces lignes il y a 2 ans. En ces quelques pages de cette étape de sa dépression, sont résumés le moment le plus traumatisant de sa vie. Elle a longtemps pensé ne jamais arriver à en sortir, ne jamais arriver à pouvoir écrire cette partie, qu'elle mourrait avant. Et pourtant, elle a fini par le faire et elle se retrouvait là aujourd'hui, assise au milieu de cette pièce remplie de cartons, à relire ces pages comme un gage de guérison.

Charles: Je peux pas imaginer à quel point tu souffres, je ne pourrai jamais. Mais ce que je suis sure c'est que tu n'as jamais été aussi proche de guérir, tu fais des choses que je n'aurai pas été capable de faire. C'est ta dernière ligne droite

Julia: Oui, je sais bien. Cette page va être compliquée, que ce soit pour moi mais aussi pour toi. J'ai écris tout ce que je ressentais, ce sont pas les feuilles que j'écrivais pendant, ce sont celles que j'ai écris après. Je ne les ai jamais relu mais je me souviens qu'elles sont très dures

Charles: Je suis là, il prend sa main dans la sienne. Il faut que ça te fasse du bien à toi. Alors surement qu'après l'avoir lu tu vas te sentir encore plus mal, mais tu vas avancer après ça, tu vas grandir et tu vas guérir

Julia: Ouais, elle baisse la tête. C'est la partie sur ma dépression, les moments les plus compliqués que j'ai vécu. Personne n'est au courant d'à quel point j'avais mal, ce carnet était le seul à le savoir. T'es la seule personne à qui je peux te dire ça.

Charles était complètement désemparé, qu'est ce qu'il pouvait faire d'autre à part lancer le regard le plus réconfortant qui soit à son amie ? Son pouce caressait le dos de sa main, elle ne serait pas capable de se lancer dans cette lecture sans lui. Julia appréhendait beaucoup ce moment. Ça allait être si dur pour elle, elle était sur le point de replonger dans les choses qu'elle s'était forcé à oublier ces dernières années. Ses doigts glissaient le long de ces feuilles pour percevoir la rugosité de l'encre sur celles-ci.

⚠️⚠️
Certains passages du carnet traitent de sujets sensibles, notamment de dépression, d'auto-mutilation, de sexe, d'alcool,....
Si vous y êtes sensibles, reprenez la lecture juste après ce smiley🦋🦋

La dépression la douleur,
Le 4 août 2017.

Aujourd'hui, c'est le cœur lourd que j'écris dans ce carnet, comme si ça faisait une éternité que je ne l'avais pas fait. C'est un peu le cas en vérité. Ce chapitre sera certainement le plus long, le plus dur et le plus compliqué à écrire, parce que je vais raconter l'histoire de ma vie depuis plus de 2 ans.
Environ 1 an après la mort de mon père et de ma tante, j'ai été diagnostiqué dépressive, puis dépressive sévère. J'ai vécu les moments les plus compliqués de ma vie, alors que je pensais les avoir déjà vécu.
Une fois que la colère s'est effacée de mon corps, un immense vide a pris place au cœur de ma poitrine. Les premiers jours j'étais obsédée par celui-ci à tel point que je ne pensais plus qu'à ça. Pourquoi il était là ? Est-ce qu'il va partir un jour ?
Puis au fur et à mesure, il a commencé à faire partie de moi comme si il était devenu un organe, essentiel à ma survie.
Au début, j'ai commencé par m'isoler, non pas volontairement, mais je n'avais plus envie et je n'avais plus le besoin de voir des gens. La solitude me réconfortait. Et puis au fur et à mesure, je n'étais plus capable d'avoir d'interactions sociales jusqu'à arriver à ne plus être capable d'effectuer des tâches simples du quotidien.
Ma vie était un perpétuel défi où chaque moment de la journée était une épreuve.
Que ce soit le réveil, me brosser les dents, me faire à manger, me doucher, ou même juste parler était parfois tellement difficile que certains jours je ne faisais rien. Aucun endroit n'était plus réconfortant que mon lit.
Mais le plus dur durant cette période, c'était le dégoût que j'avais envers moi-même. Je n'étais plus capable de me regarder dans une glace. Je me brossais les dents dos au miroir pour ne pas avoir à supporter ce teint livide, ces joues creusées, ces yeux bouffis, ce corps squelettique. Je me haïssais de vivre, je me détestais d'être en vie. Je me réveillais tous les matins en espérant que ce jour-là serait le dernier. Je me dégoutais. Alors, la seule façon que je trouvais pour me venger de moi-même, pour combler le vide était de me faire du mal. Ça allait de la cigarette, à la brulure volontaire, jusqu'à la lame de rasoir. J'avais besoin d'avoir mal, j'avais besoin de ressentir quelque chose d'autre, j'avais besoin de me sentir en vie, j'avais besoin de voir mon corps souffrir.
Les soirs où la dose de médicaments anesthésiait trop mes émotions, j'allais en boite, je buvais, je fumais, je dansais jusqu'à ce que mes pieds saignent, jusqu'à que mes chevilles se tordent. Je rentrais avec des hommes que je ne connaissais pas, je couchais avec eux. Ils ne m'ont jamais respecté, je n'étais qu'un objet pour eux, un trou dans lequel ils pouvaient satisfaire leur plaisir pendant quelques minutes. Je me faisais insulter, frapper, cracher dessus, sans jamais dire non. Parce que même si ça me faisait mal, la douleur était une émotion et j'avais besoin d'en ressentir. Les médicaments les avaient complètement supprimés, ça me rendait folle.
La douleur était devenue un besoin et non quelque chose que l'on doit fuir. Cette douleur qui n'a aucun sens, un brouillon d'émotion qui se mélange dans un corps, ça n'a aucun sens. Tu me manques papa, tu me manques tata et pourtant j'en parle si peu. La nuit est ma seule confidente, la lune est la seule gardienne de mes démons. Mais c'est quand le soleil traverse mes rideaux que je me rappelle à quel point mon corps ne supprote pas ce manque.
Je n'étais plus capable de contrôler mon propre corps ou mes propres pensées, je n'avais que le vide. Mon existence se résumait à un gigantesque trou noir dans lequel tout ce qui l'approchait disparaissait. Mon âme, ma tête souffraient alors je cherchais à compenser cette douleur par une bien réelle, physique.
Chaque jour était une épreuve et j'espérai qu'il soit le dernier. Je ne voulais plus vivre, je ne voulais plus être malade. J'étais fatiguée de devoir faire autant d'efforts ne serait-ce que pour boire. Je n'étais même plus capable de m'occuper correctement de mon frère, est ce que je méritais vraiment de vivre ? Alors je recommençais, cigarette, briquet, lame, alcool, sexe. J'étais une bombe à retardement, une âme qui se croyait déjà éteinte.
J'entendais des « ça va passer », « le temps guérit » et pourtant j'avais l'impression d'être au fond d'un puit dans lequel personne ne m'entendait crier à l'aide alors que je me déchirai les poumons. J'étais incapable de réellement appeler à l'aide, j'avais honte. J'avais honte de vivre, de ne rien ressentir, de tout. J'en voulais à mon entourage de ne pas voir ce que je ressentais, quand on ne peut pas lire sur mes lèvres, il suffit parfois de plonger ses yeux dans les miens pour voir l'enfer qui s'y cache. C'était facile de me dire que tout ira bien, que le temps guérira mes blessures, mais quand ?
Alors, comme pour évacuer toute la douleur de mon être, je me suis mise à écrire, des lignes que je brule, des mots qui m'auraient bien trop fait souffrir de garder. Sur mon papier, j'écrivais combien mon âme pleure, au combien mon âme souffre, au combien mon âme tremble. Je la laisse glisser sur le papier, en lui racontant tout ce que je ne suis pas capable de dire à haute voix.
Mais, tout est différent maintenant. Je ne serai plus jamais cette jeune fille enjouée, qui n'avait que peu faire du lendemain, de son futur qui voulait juste vivre. Elle a été jeté dans un tourbillon jusqu'à l'enfer, le genre de tourbillon qu'on ne devrait pas avoir à vivre si jeune.
Maintenant, quand je lève les yeux, les soirs où la douleur est trop forte, j'observe ce ciel qui devient orange, traversé par les derniers rayons du soleil, comme si ma famille se réunissait dans les cieux pour tenter de l'apaiser. Je ne peux que penser à eux, que penser au nombre de fois où j'aurai pu leur dire je t'aime mais que je ne l'ai pas fait. Mon monde a changé, de nouvelles étoiles ont rejoint le ciel et que je le veuille ou non, la vie n'aura plus la même odeur. Les feux d'artifices n'auront plus jamais les mêmes couleurs, les vagues n'auront plus la même saveur. Mais, les étoiles n'auront jamais autant brillé. Ils font partis de ces étoiles qui apparaissent bien avant la nuit noire, les premières à veiller sur nous.
Le 2 février et 21 mai 2014 mon monde s'est écroulé. On n'est jamais prêt à voir partir ceux qu'on aime, peu importe si on s'y attendait ou non. Je n'étais pas prête. Mon âme ce jour-là s'est séparée de son corps, elle le savait, elle savait que j'aurai bien trop mal. Comment est-il possible d'avoir autant mal à ce point mais de rester en vie ? Comment est-possible que ma poitrine brule autant ? Comment est-ce possible que mes larmes paraissent sans fin ? J'ai pleuré, j'ai hurlé, pourtant j'avais l'impression que ça n'était jamais suffisant, rien n'arriverait à apaiser cette douleur. Et alors que je pensais déjà avoir touché le fond, la minute d'après me rappelait que je pouvais encore m'enterrer, je m'enfonçais de jour en jour, d'heure en heure. Elle m'a rendue folle, à tel point que j'étais plus capable de ressentir, j'avais tellement eu mal qu'il n'était plus possible de ressentir autre chose.
Mon monde s'est arrêté de tourner ce jour-là et avec eux, ils ont emporté mon âme. J'espère qu'un jour j'arriverai à passer au-dessus de cette douleur, qu'elle s'apaisera et que je pourrai enfin vivre, puisque jusqu'ici je n'ai fait que survivre.
Mon pire ennemi n'a jamais été les autres comme je l'avais toujours pensé, non. Mon pire ennemi c'était moi.

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Les larmes de la monégasque coulaient à flot sur son visage et sa poitrine brulait. Son âme était en feu, au milieu d'un gigantesque incendie incontrôlable, son coeur saignait. Elle ne contrôlait plus la douleur qui l'habitait. Elle avait mis des années à oublier ces épisodes à tenter de faire comme si ils n'avaient jamais existé, mais la réalité lui avait fait l'effet d'une gifle. Ses poumons brulaient, des énormes bouffés de chaleur prennaient le contrôle de son corps. Elle avait tellement mal.

Charles la tira rapidement contre lui et la serrait de toutes ses forces contre lui comme si il voulait récupérer sa douleur. Contrairement à d'habitude être dans ses bras ne suffit pas, Julia avait tellement mal que ça en devenait physique. Son coeur était compressé dans sa poitrine, c'était comme si on arrachait son âme encore une fois.

Au bout de longues minutes, la voix de Charles qui la rassurait au creux de son oreille parvenait à la calmer. Elle pouvait sentir son odeur qui fonçait droit dans ses poumons comme une bouffe d'oxygène. Les mains du pilote qui serraient son corps contre le sien arrivaient à éteindre le feu qui brulait dans sa poitrine. Les mains de la brune avait agrippé son dos pour s'assurer qu'il ne parte pas, elle avait trop besoin de lui, elle avait besoin qu'il soit là.

Ils restèrent de longues minutes allongés sur le sol, ils n'avaient plus aucune notion du temps. Julia avait posé sa tête sur le torse de son ami, bercé par les battements de son coeur, elle s'était endormie. Charles quant-à-lui était incapable de se détendre. Les mots de sa meilleure amie tournaient en rond dans sa tête, elle allait si mal. Il ne pensait que ça le toucherai à ce point. Pourtant, il était déterminé, il ne pouvait plus abandonné Julia. Mais comment faire ? Ça il n'avait pas la solution.

Le pilote monégasque s'est décidé à aller poser Julia dans son lit. Après s'être relevé, il glisse un bras sous ses épaules, l'autre sous ses genoux et soulève la brune pour la porter jusqu'à sa chambre. Il la posait délicatement dans son lit quand la jeune femme s'agrippa à son bras. Elle n'avait pas envie qu'il parte, si il partait, ça voudrait dire que demain serait leur dernier soir ensemble. Elle ne pouvait pas y croire.

Charles était resté au moins 1 heure du bord du lit de Julia à caresser sa main, à être là pour elle. Elle s'était endormie depuis un moment quand il s'était décidé à partir mais la regarder dormir avait paru comme la plus intéressante des solutions. Il ne pouvait s'empêcher de redessiner avec ses pupilles les moindres détails du visage de Julia. Qu'est ce qu'il la trouvait belle . Il a fini par s'en aller, le coeur lourd, il le savait c'était l'une de leur dernières soirées.

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La peur au ventre ~ Charles LeclercOù les histoires vivent. Découvrez maintenant