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   Ça s'était passé aux alentours de vingt-et-une heure trente, un peu plus peut-être, elle ne s'en souvenait plus. Lorsqu'elle était entrée dans le train, il n'y avait rien d'étrange, chaque passant était silencieusement installé sur son siège, téléphone en main, tête baissée. Personne ne lui avait jeté un coup d'œil, et elle était partie s'asseoir sur une banquette sans se poser de question. C'était l'une des seules fois de l'a semaines où elle rentrait sans Hanma depuis qu'elle était amie avec lui, parce qu'il finissait plus tôt qu'elle alors il ne pouvait pas faire le trajet avec elle. Ça lui faisait bizarre de faire le trajet sans lui, maintenant elle s'était habituée à sa présence et aimait bien les longs trajets qu'ils faisaient ensemble.
   Hanma ne parlait pas beaucoup, et il n'était pas très expressif. Lorsqu'ils étaient ensemble dans le train, ils s'asseyaient en diagonale l'un de l'autre, comme s'ils ne se connaissaient pas, ou comme pour être sûr de ne pas être trop proches. Après tout, il ne faudrait surtout pas que quelqu'un croit qu'ils sont amis. Hanma s'asseyait sur son siège et s'avachissait à moitié dessus, et lorsqu'il n'y avait pas beaucoup de monde, il ne se gênait pas pour mettre ses pieds sur le bord du siège en face de lui, près de Emma. Et il restait comme ça sans bouger, il l'écoutait parler, toujours avec attention, même si elle lui racontait les détails inutiles de sa journée. Au début, Emma se souvenait qu'il ne la regardait presque pas et qu'il regardait plutôt les passants ou par la fenêtre, mais plus le temps avançait, et plus il la regardait en l'écoutant. C'était des trajets vraiment agréables, et Emma se sentait toujours en sécurité avec lui. Ce qui était étrange d'ailleurs vu les antécédents d'Hanma. Mais c'était son ami, et elle devait bien avouer qu'elle l'aimait vraiment bien.
   Mais ce soir là il n'était pas là. Il n'était pas là pour l'écouter parler, ni pour la détailler du regard. Et il n'était pas là pour s'asseoir près d'elle lorsqu'il sentait qu'il le fallait.
   Alors Emma s'était assise à l'écart des autres passagers et était restée là un moment à lire. Un homme était entré dans le métro quelques arrêts plus tard, il s'était accroché à une barre du métro et était resté là un instant. Emma se souvenait lui avoir poliment souri, avant de se replonger dans sa lecture. Il lui avait rendu son sourire, avec l'air gentil des hommes qui tiennent les portes aux autres pour entrer quelque part, et il avait fini par venir s'asseoir prêt de Emma deux arrêts plus tard.
   Sur le moment elle n'avait pas réagi et n'y avait pas fait attention. C'était un homme qui avait une apparence rassurante, et il lui avait souri alors il devait être quelqu'un de bien. Puis il y avait eu une secousse dans le train, et sa main s'était posée sur sa cuisse dénudée par sa jupe. Elle avait naturellement cru que c'était par inadvertance, juste un simple accident, alors elle lui avait souri pour lui montrer que ce n'était pas grave. L'homme lui avait une fois de plus rendu son sourire. Mais il n'avait pas retiré sa main.
   Emma se souvenait très bien l'avoir fixé sans comprendre alors qu'elle sentait sa main remonter sur sa cuisse. Elle se souvenait de cette lueur d'amusement qui brillait dans son regard, des faussets dans le creux de ses joues, de sa barbe mal rasée qui laissait voir des poils qui repoussaient sur sa peau terne, et de la sensation de froid glacial qui accompagnait chacun de ses mouvements. Il n'avait pas arrêté de sourire, comme s'il voulait la rassurer et lui montrer que c'était amusant ce qu'il faisait, comme s'il lui disait « tout va bien ».
   Et Emma était juste pétrifiée. C'était comme si toutes pensées avaient disparues de son esprit, qu'elle n'était plus capable que de sentir la main qui commençait à tâter son intimité. Elle sentait encore le souffle de cet homme lorsqu'il avait commencé à lui murmurer ce qu'il allait faire, il sentait un mélange entre l'alcool et le parfum trop fort, et sa main était rugueuse, couverte de peaux mortes. Il avait fait passer ses mains sous le tissu de sa culotte, et c'est à ce moment qu'une voix avait retenti dans le train, annonçant l'arrêt qui arrivait.
   Inconsciemment, l'image d'Hanma était apparue dans son esprit, et elle l'avait vu se lever et descendre du train à cet arrêt. C'était comme si penser à lui avait fait réagir son corps. Elle avait bondi d'un coup et s'était précipitée dehors avant de partir à pas rapide, sans réussir à se mettre à courir, comme si ses jambes étaient complètement bloquées. Et avait marché aussi vite que possible même si elle n'avait aucune idée d'où elle allait, et avait vite remarqué que l'homme l'avait suivi. À travers les rues sombres, sa voix rauque résonnait alors qu'il lui criait de revenir près de lui. Il lui avait dit tellement de choses qu'Emma ne pouvait pas s'en souvenir parfaitement, elle se souvenait seulement avoir entendu qu'il retrouverait sa maison et qu'il viendrait chez elle lui faire du mal, qu'il la retrouverait, qu'il la violerait et... Sur le moment elle avait eu tellement peur qu'elle n'arrivait pas à faire quoique ce soit, c'était à peine si elle pouvait parler à son ami pour le prévenir. Elle était terrifiée et la seule pensée qu'elle pouvait avoir, c'était qu'elle allait se faire violer et tuer. Cette pensée s'était mise à tourner en boucle dans sa tête et à clignoter comme si elle était entourée de panneaux d'alarme, et même lorsqu'Hanma était arrivée, elle avait continué de tourner. Emma n'avait compris qu'elle était en sécurité que lorsqu'elle s'était jetée dans les bras de Hanma en pleurant.
   Mais c'était comme si elle sentait toujours cet homme près de lui, qu'il avait toujours ses mains sous sa jupe et qu'il continuait de la toucher. Elle ressentait ça presque tout le temps, elle sentait ses doigts sur elle en permanence, son souffle sur son visage et sa voix qui lui murmurait à l'oreille. Elle le voyait à chaque coin de rue, quand elle marchait elle sentait sa présence derrière elle, et-
   — Emma ! Heeee Emma tu m'écoutes ?!
   La jeune femme sursauta et revint soudain à la réalité. Elle battit des paupières et s'écarta vivement de ses amies, avant de réaliser qu'il n'y avait aucun danger.
   — Ça va, s'inquiéta Hinata en posant sa main sur son épaule.
   — T'es toute pâle, constata Yuzuha.
   — Tu veux de l'eau, demanda Senju.
   — N-non ça va, dit Emma en se forçant à se détendre. Vous inquiétez pas.
   — T'es sûre que ça va ? Tu veux qu'on parte ?
   — Non ça va ! On peut rester !
   Emma sourit et se rapprocha de ses amies. 
   Elle ne risquait rien ici, elle était avec ses amis et tout allait bien. Les quatre jeunes femmes se trouvaient assises dans des gradins, juste en face d'un grand terrain d'athlétisme sur lequel étaient en train de courir des étudiants. Elles étaient sur le campus de leur université, et comme c'était le midi elles en avaient profité pour partir faire un tour vers le terrain de sport et voir leurs amis. Chifuyu et Takemichi étaient également là, et ensemble ils étaient occupés à regarder Mikey, Draken, Baji et Kazutora courir depuis plusieurs minutes.
   Emma se détendit un peu et posa les yeux sur ses amis pour penser à autre chose. Ici elle ne risquait rien, elle était entourée de ses amis et plusieurs professeurs étaient présents. Il n'y avait personne pour lui faire du mal, elle devait se détendre. Ce n'était pas en pensant constamment à ça que ça irait mieux...
   Emma se força à ignorer l'homme qui hantait ses pensées et fit de son mieux pour se focaliser sur ses amis. Ils avaient une... drôle de façon de courir en fait. Mikey et Draken étaient tout devant et couraient à toute vitesse, les connaissant ils devaient sûrement faire la course ensemble. C'était rassurant de voir que certains ne changeaient pas même avec l'âge. Mais c'était aussi inquiétant. Très inquiétant en fait.
   Mais le pire, c'était probablement Baji et Kazutora. Ils couraient tellement lentement qu'ils devaient avoir trois tours de retard sur les autres. Enfin quand ils couraient. Parce qu'ils ne couraient que quand leur professeur les regardait, sinon ils marchaient. Eux aussi semblaient être restés à l'époque du lycée. C'était désolant.
   — Et ben, ils sont en forme, commenta Yuzuha d'un ton moqueur.
   — Le soleil doit les ramollir, supposa Takemichi d'un air dépité.
   — Et c'est donc ça mon homme... KEI BOUGE TOI T'ES PAS LÀ POUR RIEN FAIRE, cria Chifuyu d'un ton autoritaire.
   Baji sursauta et partit aussitôt en courant, avant de revenir en arrière pour prendre le poignet de Kazutora qui ne l'avait pas suivi, et le tirer avec lui.
   — T'as de l'autorité dis donc, constata Hinata avec surprise, alors que Takemichi explosait de rire.
   — Faut les engueuler quand ils font rien, sinon ils auront des mauvaises notes, dit Chifuyu avec détermination.
   — Moi aussi je veux pouvoir mater mon mec en train de courir, soupira Yuzuha en faisant la moue.
   — Pfff y'a rien à mater ils sont même pas torse nu, dit Senju alors que ses yeux suivaient minutieusement la silhouette de Kazutora.
   — Ils sont quand même sexy, dit Chifuyu.
   — Mouais, dit Hinata.
   — Je suis étonné que Mikey soit aussi productif, à cette heure là il devrait être en train de mourir de faim, dit Takemichi.
   — Moi je suis étonnée que Draken fasse la course avec lui, c'est pas censé être un homme mature, demanda Yuzuha.
   — Si mais Mikey déteint sur lui, dit Emma en posant son menton sur sa main.
   — Ben moi je suis étonnée que Baji soit aussi mou, je l'imaginais plus en mode winner, dit Senju.
   — Là il fait chaud, il est midi et il est fatigué, faut pas trop lui en demander, dit Chifuyu avec amusement.
   — Moi je trouve ça bizarre que Kazutora soit là, depuis quand il vient en cours et depuis quand il fait du sport, dit Hinata en haussant les sourcils.
   — Il essaye de s'y remettre et de retrouver un cycle de vie normal, expliqua Senju avec fierté.
   C'était vrai que ça faisait bizarre de voir Kazutora à l'université, mais c'était bon signe. Emma était contente pour lui, il méritait d'aller mieux.
   Cependant... c'était bien beau de regarder ses amis courir, mais elle s'ennuyait un peu elle. Chifuyu était là pour regarder Baji, et Takemichi l'accompagnait parce que c'était son meilleur ami. Senju était là pour voir Kazutora, et Yuzuha était là pour voir s'il y avait de beaux garçons ici. Sauf qu'elle s'était vite rendu compte qu'ils étaient tous « moches » à côté de son petit ami. Bon.
   Emma n'avait pas grand chose à faire là, Baji et Kazutora ne l'intéressaient pas, Mikey était son frère, qu'elle essayait d'ailleurs de fuir, et Draken ne lui faisait plus aucun effet alors... Elle s'ennuyait bien.
   — D'ailleurs Senju ça se passe comment chez toi, demanda Takemichi au bout d'un moment.
   — Ça va sans problème. C'est drôle parce que Rindo et Sanzu ont aménagé la maison pour Kazu, genre ils ont littéralement jeté tous leurs rasoirs et tout, et ils ont mis un cadenas sur l'armoire à médicaments, raconta Senju en riant. Je pensais que ça serait le bazar au début, mais Rindo est redevenu calme et responsable alors il s'occupe de la maison, et il est trop content d'avoir une nouvelle personne de qui prendre soin. Il est trop investi, il a fait des menus pour Kazutora pour qu'il mange bien pendant la semaine.
   — Et ils essayent pas trop de te le voler ?
   — Si mais c'est plus de la chamaillerie qu'autre chose. Et franchement c'est drôle, ça donne des courses poursuites dans toute la maison c'est hilarant.
   — Donc ils font plus rien ensemble ?
   — Si, mais je m'en fiche un peu et je veux pas le savoir.
   Emma cessa d'écouter l'interrogatoire d'Hinata et leva les yeux au ciel.
   Il faisait beau aujourd'hui, c'était un temps à sortir dehors. Ça faisait un moment qu'elle n'avait pas réussi à sortir pour autre chose que ses cours, maintenant elle avait trop peur de se retrouver seule dehors. Elle n'arrivait même plus à prendre le métro, rien que d'y penser suffisait à lui faire monter les larmes aux yeux. Pourtant elle savait bien que cet homme n'était plus là, et que la plupart du temps le métro était un endroit sûr. Elle savait qu'elle ne risquait rien, que les femmes n'étaient pas systématiquement agressées. Et pourtant... Elle ne pensait plus qu'à ça.
   Hanma avait essayé de la faire remonter dans le train, pour ne pas qu'elle soit traumatisée par cet endroit, et résultat ils étaient restés plus d'une heure sur le quai de la gare sans réussir à bouger. Emma avait honte, elle se trouvait vraiment ridicule à ne pas réussir à avancer, et elle ne voulait pas qu'on ait pitié d'elle... Mais elle avait de la chance d'avoir ses amies pour l'aider, et aussi Hanma. Même si c'était bizarre venant de lui, il l'aidait vraiment beaucoup, et il lui accordait énormément de temps.
   D'ailleurs en parlant de lui, où est-ce qu'il pouvait être à cette heure là ? C'était la pause déjeuner, le connaissant il allait sûrement monter sur le toit du bâtiment dans lequel il se trouvait pour fumer en paix. Emma tourna la tête vers les bâtiments de l'université et fixa le toit.
   Hmm... D'ici c'était impossible de voir s'il y avait de la fumée ou non. Emma hésitait à lui envoyer un message, elle n'avait pas envie de paraître trop envahissante, déjà que c'était toujours elle qui venait vers lui....
   Tant pis, elle le verrait tout à l'heure, il avait dit qu'il la ramenait chez elle. Enfin chez Yuzuha, puisqu'elle avait déserté la maison Sano...
   — Ils sont désespérants, entendit Emma au bout d'un moment.
   La jeune femme revint à la réalité et porta son regard sur le terrain d'athlétisme.
   — Mais qu'est-ce qu'ils font, demanda Yuzuha avec incrédulité.
   Baji et Kazutora s'étaient arrêtés de courir et s'étaient cachés derrière un groupe d'élèves. Ils s'étaient accroupis et semblaient être occupés à dessiner dans le sable du sol. Mais... ? Mais pourquoi...
   — Je ne sais plus quoi faire d'eux, soupira Chifuyu en secouant la tête.
   — Mais qu'est-ce qu'ils font, dit Takemichi en riant.
   — Je ne sais pas mais s'ils continuent je vais les renier.
   — Ils sont trop mignons, dit Senju d'un air attendrit.
   — Nan mais regardez Mikey et Draken, dit Hinata. 
   Emma les chercha du regard, et vit très vite qu'ils n'étaient pas du tout mieux que les deux autres. Draken tenait Mikey dos contre lui et semblait être en train de... de l'étrangler ? D'essayer de le faire tomber ? Ou peut-être juste de l'embêter ? En tout cas, il le tenait fermement contre lui en le secouant, et Mikey se débattait en riant aux éclats.
   — Des gamins, commenta Emma.
   — Vous êtes sûr qu'ils ont vingt-deux ans, demanda Yuzuha d'un ton moqueur.
   — Mentalement, ils n'ont clairement pas vingt-deux ans, dit Takemichi. Mais c'est drôle.
   — Pourquoi est-ce que je sens qu'ils vont faire n'importe quoi, demanda Yuzuha en voyant Baji et Kazutora se relever et se remettre à courir comme si de rien était.
   — Dix euros qu'ils vont faire la course, dit Senju.
   — Moi je dis qu'ils vont se débrouiller pour arrêter de faire sport, déclara Chifuyu.
   — Paris tenus.
   Les deux se turent et tout le monde fixa Baji et Kazutora en silence pour voir ce qu'il se passait. Baji et Kazutora coururent comme si de rien était un moment, ils firent un tour de piste, alors que Mikey et Draken continuaient de... se bagarrer (?), puis Kazutora se mit à ralentir, laissant Baji le devancer. Il trottina avec difficulté, en respirant difficilement, et finit par s'écrouler au sol, attirant le regard de tous les élèves.
   — Oh non mon bébé, s'écria Senju en se relevant d'un coup.
   — Non Senju il fait semblant t'inquiète pas, rassure Chifuyu en la faisant se rassoir. Tu dois me passer dix euros du coup.
   — Hein ?!
   — Mais oui regarde.
   Baji, qui ne semblait pas surpris de voir son ami s'effondrer à ses pieds, partit rapidement prévenir le professeur puis il récupéra Kazutora et l'aida à se relever. Non mais eux alors...
   — Ça va, s'inquiéta Senju alors que les deux jeunes hommes arrivaient dans les gradins.
   — Nickel, dit Baji avec fierté.
   — Je suis mort, j'ai trop couru là, dit Kazutora en s'allongeant sur les sièges.
   — Ça va pas de te jeter comme ça au sol, s'exclama Senju en soulevant la tête de son petit ami pour la poser sur ses cuisses.
   — C'est pour notre bien, on a trop la flemme de courir, dit Baji en haussant les épaules.   
   — Déjà j'ai fait trois tours de terrain, c'est un gros effort, dit Kazutora avec fatigue.
   — Trop fort le Kazu, dit Baji.
   — Moi je suis fière de toi, dit Senju en se penchant sur son petit ami pour l'embrasser.
   Kazutora passa ses bras autour de sa nuque pour la garder près de lui et lui rendit son baiser.
   — Vous pouvez arrêtez de faire ça sous mon nez alors que j'ai pas mon mâle, s'indigna Yuzuha en se tournant vers eux.
   Kazutora et Senju l'ignorèrent royalement et continuèrent à s'embrasser tendrement. Emma soupira et détourna le regard avec tristesse. Elle était vraiment heureuse que Senju soit enfin avec Kazutora, mais en ce moment assister à ce genre de spectacle ne faisait que la déprimer.
   Cette année était vraiment difficile maintenant qu'elle y pensait, d'abord il y avait eu cette histoire avec Draken et Mikey, et maintenant l'agression... Emma commençait à être sérieusement dégoûtée des hommes. Entre ceux qui lui brisaient le cœur et ceux qui l'agressait... Elle n'avait vraiment pas de chance. Il ne manquerait plus que ses frères la laissent tomber, que ses amis n'en n'aient rien à faire de ce qui lui était arrivé, que Hanma finisse par se moquer d'elle, et que tous les garçons à qui elle tient finissent par l'abandonner.
   ... Euh... Enfin non pas qu'elle tenait à Hanma hein, elle l'appréciait juste. Juste un peu, mais pas trop non plus, c'était juste une personne avec qui ce n'était pas désagréable de rester. Elle l'aimait bien, c'était son ami mais pas trop un ami proche non plus, juste un ami. Il était au même niveau d'importance que les autres, même en dessous. Il était... au même niveau que Souya. Oui voilà, il n'y avait rien de plus.
   ... Bon ce n'était pas très crédible. Emma l'aimait vraiment bien mais ce n'était pas non plus nécessaire de le préciser, sinon les autres, et elle-même, allaient se faire des films alors... Elle allait se contenter de dire qu'elle appréciait Hanma.
   — Vous comptez mourir asphyxier, demanda Hinata en riant, en voyant que Senju ne s'était toujours pas relevée.
   — Ça me dérangerait pas mais j'ai plus le droit de dire ça, dit Kazutora en caressant les cheveux de sa petite amie.
   — Oui t'as pas le droit sinon je serais pas contente, dit Senju en embrassant son front.
   — Wow, trop de mignonerie pour moi, dit Baji. Chifuyu je veux des bisous moi aussi.
   — Tu fais n'importe quoi en cours alors non.
   — Mais s'il te plaît !
   — Par contre je ne veux pas vous inquiéter, mais est-ce que vous aussi vous voyez Sanzu foncer vers nous, demanda Takemichi.
   Emma tourna la tête et vit qu'effectivement, Sanzu était en train de foncer vers eux à toute vitesse, suivi de Koko, Inui, et bizarrement Hanma était aussi là. Sanzu avait l'air vraiment en colère, il avait les sourcils froncés, les points serrés et marchaient rapidement. Emma se sentit pâlir aussitôt en le voyant dans cet état, son cœur se mit à s'emballer dans sa poitrine et les larmes lui montèrent aux yeux. Le visage de l'homme qu'elle avait vu dans le train apparut d'un coup, il se superposa à celui de Sanzu, jusqu'à ce qu'il prenne totalement son apparence et qu'il se matérialise sous ses yeux. Le sourire de l'homme se dessina sur son visage, ces mêmes faussets ré-apparurent, et son rire retentit de nouveau.
   Emma se paralysa alors qu'une horrible vague de froid et de peur la submergeait, ses mains se crispèrent sur les bords de son siège, ses lèvres se mirent à trembler, elle essaya de se reculer précipitamment et-
   — Arrête de faire comme si j'étais un fantôme et regarde moi, dit quelqu'un en secouant doucement ses épaules.
   La jeune femme sursauta et releva vivement la tête.
   — H-Hein, bégaya Emma en regardant avec incrédulité Hanma.
   — T'as pas besoin de paniquer, c'est tes potes qu'il vient engueuler, dit simplement son ami.
   — Qu'est-ce qu'on a fait encore, s'indigna Senju.
   — Toi déjà t'es trop proche de Kazu, deux mètres de distance, et toi là, comment ça tu critiques Rindo et tu dis qu'il est méprisant et détestable, lança Sanzu en jetant un regard meurtrier à Hinata.
   — Mais j'ai pas dit ça, se défendit aussitôt la jeune femme.
   — C'est quoi ton problème ? Pour être une personne gentille, faut se prendre pour un bisounours et être adorable avec tout le monde ? T'as cru que parce qu'un gars ressemble pas à ton mec c'est pas quelqu'un de bien ?
   — Mais non je-
   — Je pense qu'en fait t'as juste rien compris, et que tu connais pas Rindo donc tu te permets de l'ouvrir, dit sèchement Sanzu alors que Hinata se ratatinait sur place. Au cas où t'es pas au courant, méprisant ça vient de mépris et le mépris c'est quand on considère quelque chose comme indigne d'attention, ou alors comme indigne d'estime et moralement condamnable. Je te signale que Rindo te porte de l'attention et prend toujours la peine de te répondre même si tu dis de la merde, alors avant d'utiliser des mots n'importe comment et pour critiquer quelqu'un, tu ferais mieux de te regarder dans une glace et de repenser à ton attitude.
   — Sanzu détends toi, dit Koko en essayant d'écarter Sanzu de Hinata, qui n'osait même pas le regarder. C'est pas la peine de lui parler comme ça.
   — Qu'est-ce qu'il se passe, demanda Chifuyu sans comprendre.
   — Pourquoi t'es agressif comme ça, demanda Takemichi en fronçant les sourcils. Laisse la tranquille, elle t'a rien fait !
   — Non, elle a juste craché sur Rindo sans problème et elle a juste descendu tous ceux qu'elle aimait pas, répondit froidement Sanzu.
   — Mais j'ai le droit de pas l'aimer, s'exclama Hinata pour se défendre.
   — Ouais mais t'as pas le droit de le critiquer comme ça, moi je t'aime pas et est-ce que je vais dire aux autres que t'es une connasse ? Non donc voilà. T'as rien compris à comment était Rindo et ça fait pitié de savoir que tu te permets de le dénigrer juste parce qu'il est pas là. C'est à cause des personnes comme toi qu'après y'en a plein qui ose plus parler ni rien faire. Je te préviens que si jamais Rindo apprend ce que t'as dit sur lui et que ça lui fait du mal, je vais vraiment te fra-
   — Hé Sanzu t'as pas besoin de la menacer non plus, coupa Inui en le tirant loin d'Hinata.
   — Non je m'en tape, tu touches pas à mon mec, sinon je-
   — Arrête, c'est bon elle a compris, mais t'as pas le droit de lui parler comme ça, et encore moins de la menacer, s'énerva Takemichi en se mettant devant sa petite amie pour la protéger.
   — Mais je t'ai rien demandé à toi, est-ce que je t'ai parlé ?
   — Des embrouilles de collégiens, commenta Hanma en poussant Chifuyu pour s'assoir près d'Emma.
   — Désolé Hina, s'excusa Inui, je pense qu'il a dû se chauffer toute la matinée sur ça.
   — C'est rien, répondit Hinata en baissant les yeux.
   — Et toi t'as critiqué Rindo aussi, demanda agressivement Sanzu à Emma. Nan parce que te connaissant c'est sûr que t'en a profité. 
   — Non j'ai rien dit...
   — Hé dose ta colère mec, dit Hanma en haussant les sourcils.
   — Sanzu agresse pas Emma, dit Baji avec un regard entendu. Mais comment tu sais que Hinata a parlé sur Rindo.
   — Kazutora me l'a dit.
   — Et moi c'est Senju qui me l'a dit, dit calmement Kazutora en se relevant en position assise.
   — Pourquoi tu leur as dit, s'exclama Hinata.
   — Ben sur le moment j'étais en colère que tu les critiques...
   — Vous me gonflez, lança Sanzu avec agacement. Kazu j'ai besoin que tu me détendes.
   — Nan mais je rêve, va te détendre tout seul, s'exclama Senju.
   — Mais non tout seul ça marchera pas, j'ai besoin d'un mâle et mon mâle numéro un est pas là alors je prends le deuxième !
   — Je suis fatigué là, je viens de courir, dit Kazutora. Mais si tu veux tout à l'heure j'aurais retrouvé des forces.
   — Rindo dirait que tu n'es pas fun.
   — Attends je rêve ou t'es en train de lui demander pour le soulever, dit Hanma en comprenant de quoi il parlait.
   — Ben oui.
   — Eh-
   — Faut pas chercher à comprendre, dit Inui. 
   — J'en peux plus, soupira Sanzu en s'asseyant près de Kazutora pour poser sa tête contre son épaule. Zouzou détends moi.
   Kazutora leva sa main et commença à caresser les cheveux de Sanzu, après avoir jeté un regard à Senju pour être sûr que ça ne la dérangeait pas.
   — Bon, outre cette petite engueulade, puisqu'on est là, ça vous dit qu'on mange ensemble, demanda Inui au bout d'un moment.
   — Moi ça me va, dit Yuzuha.
   Emma ne répondit pas et se mordit la lèvre. Ils étaient beaucoup, et voir arriver Sanzu comme ça lui avait vraiment fait peur... Elle n'avait pas très envie de manger en étant entourée de garçons, ça ne ferait que la stresser...
   — Je dois aller travailler à la bibliothèque moi, déclara alors la jeune femme en se levant. Je vous rejoindrais plus tard, ça vous dérange pas ?
   — Nan, dit Sanzu en haussant les sourcils.
   Emma ne tint pas compte de sa réponse et passa devant lui en faisant de son mieux pour essayer de ne toucher personne. C'était difficile d'avancer dans les rangées des gradins alors qu'il y avait des gens dans le passage, si ceux qui était debout pouvait retourner s'asseoir...
   — Non t'inquiète, dit Baji alors qu'Emma arrivait près de lui. Tu veux qu'on... euh... qu'on vienne ?
   — Non, c'est pas la peine, dit Emma en fuyant son regard.
   — T'es sûre ? Je peux t'accompagner si tu veux, ça me dérange pas de manger plus tard.
   — Oui on peut venir avec toi, dit Chifuyu.  
   — Non, je... je préfère y aller seule.
   — Les filles vous pouvez aller avec elle sinon, dit Kazutora.
   — Oui, on vient avec toi, décida Hinata.
   — De toute façon on a aussi du travail, dit Yuzuha.
   — Mais j'ai pas besoin qu'on m'accompagne, je suis pas une enfant laissez-moi tranquille, s'écria Emma en se tournant vers eux.
   Tout le monde la dévisagea avec étonnement et la jeune femme baissa les yeux. La situation était vraiment devenue horrible depuis que les garçons étaient au courant de ce qu'il c'était passé, maintenant tout le monde était sur son dos... Emma avait juste envie de disparaître et voilà que toute l'attention était sur elle, pourquoi est-ce que personne ne comprenait quand elle disait « laissez-moi tranquille » ?!
   — Il se passe quoi avec Emma, demanda Inui sans comprendre.
   — Rien, c'est juste que... que je...
   — Rien qui te regarde, bougez vous bloquez le chemin, dit Hanma en se levant.
   Personne n'osa répondre et Baji, Inui et Koko se décalèrent sur le côté pour laisser passer Emma et Hanma.
   — Merci, dit la jeune femme à voix basse.
   Elle se dépêcha de partir en serrant son sac sur ses épaules et dévala les marches des escaliers.
   Même en continuant de s'éloigner de ses amis, elle sentait le regard de ses amis sur elle. Ils devaient s'inquiéter, surtout ceux qui savait vraiment ce qu'il c'était passé. Emma se doutait bien qu'elle devait leur parler, mais ce n'était pas aussi évident que ça, et là tout de suite elle voulait juste qu'on la laisse tranquille. Elle était complètement perdue, parler était trop dur, garder le silence l'étouffait, et à la fois elle voudrait hurler ce qui lui était arrivé, mais en même temps elle voulait juste tout oublier et ne plus penser à rien.
   Elle voudrait juste pouvoir effacer ce qui lui était arrivé, et c'était comme si tout le monde l'en empêchait...
   Emma s'interrompît dans ses pensées en entendant des pas derrière elle. Son cœur loupa un battement alors qu'un frisson de peur la parcourait, elle se retourna vivement et vit alors que Hanma était en train de trottiner derrière elle.  
   — Qu'est-ce que tu fais, demanda-t-elle en reculant aussitôt.
   — Ben j'essaye de te rattraper, tu marches super vite hein.
   — Pourquoi tu restes pas avec les autres ?
   — Je reste avec Takemichi, Baji, Chifuyu et Hinata moi, la honte, dit Hanma en venant près d'elle.  
   — Ah... Je... Je vais pas vraiment à la bibliothèque en fait, je voulais juste m'éloigner d'eux...
   — Je sais. Tu veux aller où ?
   — J'ai juste envie de rentrer..., soupira Emma en se remettant à marcher. Mais je peux pas louper les cours comme ça... Et toi tu vas où ? Avec tes amis ?
   — Si je te suis depuis tout à l'heure c'est pour rester avec toi.
   Emma rougit légèrement et baissa les yeux.
   — Viens on va sur le toit, dit alors son ami.
   La jeune femme acquiesça et suivit Hanma dans l'un des bâtiments.
   — Pourquoi tu vas pas voir quelqu'un, demanda soudain le jeune homme alors qu'il grimpait les escaliers.
   — Quelqu'un ?
   — Un psy. Ça serait utile.
   — Je sais pas... J'y avais pas pensé. J'arrive pas à en parler, y penser c'est déjà difficile et... je sais pas. Aller voir un psy c'est comme si j'étais malade...
   — Ben tes potes vont voir un psy non ? Et ils sont pas malades pour autant.
   — Qui va voir un psy ?
   — Je sais pas, y'en a forcément qui vont en voir non, demanda Hanma en poussant la porte qui permettait d'accéder au toit. Ils sont tous givrés, c'est impossible qu'il y'en ait aucun qui aille en voir.
   Emma regarda avec étonnement son ami, puis un sourire apparut sur son visage.
   — Tu es aussi givré qu'eux.
   — Moi ?! Grave pas, eux ils sont à un autre niveau, répliqua Hanma en s'asseyant au sol, contre un mur.
   — Ils sont exactement au même niveau que toi.
   — Non je peux pas te laisser dire ça, je suis pas aussi bizarre que.
   — Je t'assure que si.
   — Donc t'es en train de me dire que je suis aussi ravagé que Baji qui brûle des voitures, Mikey qui veut des petits drapeaux partout, que Kazutora qui est un dépressif suicidaire, qu'Izana qui se prend pour le centre du monde, que Inui qui est carrément à côté de la plaque, que Rindo qui fait tellement toujours une tête de blasée que lui c'est sûr il aura jamais de rides, que Ran qui devient fou dès qu'on touche à ses proches, que Sanzu qui est un peu beaucoup-
   — D'accord Hanma j'ai compris, dit Emma en riant. T'es pas aussi bizarre que certains, mais tu l'es quand même.
   — Je suis blessé par ce que tu dis mais ok, répondit Hanma en haussant les sourcils.
   — C'est pas grave d'être bizarre, c'est tout ce qui fait ta personnalité.
   — De toute façon je suis un homme parfait donc je m'en fiche que tu dises que je suis bizarre.
   — En quoi tu es parfait au juste ?
   Hanma dévisagea la jeune femme avec un air consterné. Il sortit un briquet de sa poche et une cigarette qu'il coinça entre ses lèvres, puis il fit jaillir une flamme du briquet et le bout de la cigarette s'embrasa. 
   — Je vais même pas prendre la peine de répondre, dit-il en secouant la tête.
   — Ben pourquoi ?
   — Parce que ta question est débile, je suis parfait en tout.
   — Mais je rêve, j'ai l'impression d'entendre Izana et Ran ! Vas-y cite moi trois raisons qui font que tu es parfait.
   — Déjà je suis magnifique. Ensuite je suis pas un hypocrite comme vous tous, et enfin je t'ai sauvé d'un très probable viol.
   — En quoi on est hypocrite, demanda Emma en s'asseyant près de son ami.  
   — Hinata est super hypocrite avec les autres, et vous faites tous genre vous vous adorez et tout alors que c'est sûr y'en a que vous pouvez pas voir. Le seul qui est vraiment pas hypocrite c'est Rindo.
   — Qui est hypocrite par exemple ?
   — Koko avec Draken, Mikey et Inui c'est pas l'amour fou, Baji avec Takemichi et Hinata, même Rindo je pense il doit avoir du mal mais juste par rapport à Kazutora, ça se voit qu'il les aime pas, déclara Hanma.
   — Mikey aime bien Inui, c'est juste qu'il a peur qu'il lui prenne Draken.
   — Oui mais du coup il lui fait pas confiance. Mais en fait c'est comme ça pour plein de couples.
   — Comment ça ?
   — Ben genre, Baji il est avec Chifuyu et il aime pas Takemichi parce que c'est le meilleur pote de son mec. Pareil pour Koko qui aime pas Draken parce que c'est le meilleur pote d'Inui, Hinata elle aime pas Mikey parce qu'il est proche de Takemichi. Y'a juste Izana et Kaku où y'a pas de problème avec Ran, et le quatuor de Senju, Kazutora, Rindo et Sanzu.
   Il n'avait pas vraiment tort, mais ce qu'il disait n'était pas valable pour tout le monde non plus. Emma plia ses genoux et croisa ses bras dessus.
   — Tu sais que tu fais peur à analyser tout le monde, demanda la jeune femme en posant son menton sur ses bras.
   — Je suis en socio, c'est plus fort que moi de faire ça.
   — Mais c'est drôle aussi, donc c'est pas grave.
   — De toute façon toi aussi t'es bizarre.
   — En quoi je suis bizarre ?
   — Je sais pas mais t'es bizarre. Et en ce moment t'es vraiment super bizarre.
   — Je suis juste un peu ailleurs...
   — Non t'es carrément une autre personne. Déjà c'est la première fois depuis que je te connais que je te vois sortir dehors sans maquillage et sans faire attention à ton apparence, dit Hanma en détaillant Emma du regard.
   — J'ai juste pas envie qu'on fasse attention à moi, dit Emma en resserrant ses mains sur ses jambes. 
   Hanma ne répondit pas tout de suite, et Emma évita soigneusement de le regarder. Elle fixa les barrières au bord du toit devant elle en serrant les dents, ses ongles s'enfonçant dans ses cuisses tellement elle serrait fort ses jambes. Le sujet de leur conversation avait commencé à dériver vers ce qui lui était arrivé sans qu'elle ne s'en aperçoive, mais elle pouvait déjà sentir les questions de Hanma arriver.
   Même s'il posait beaucoup moins de questions que les autres, il en posait quand même. Emma comprenait qu'il voulait en savoir plus, mais elle faisait tout pour ne pas constamment penser à son agression et elle n'avait pas envie de répondre aux questions des autres...
   — Emma, tu penses que si tu ne t'étais pas maquillée et bien habillée ce jour-là, tu ne te serais pas faite agressée, demanda Hanma au bout d'un moment.
   Emma soupira et enfouit sa tête dans ses bras.
   — Je sais pas et je veux pas en parler.
   — Oui et moi je te force à en parler alors répond à ma question.
   — C'est pas bien de forcer les gens à parler lorsqu'ils ne veulent pas...
   — Oui mais parfois faut forcer les choses, sinon on dit jamais rien, on garde tout pour nous et on finit par exploser. Alors ?
   — Je sais pas.   
   — Ben réfléchis. Est-ce que tu penses que tu as fait quelque chose qui a poussé cet homme à te faire du mal ?
   Emma releva la tête et se mordit la lèvre.
   — Je sais pas... j'étais en jupe et maquillée et... peut-être que si j'étais pas... que... que j'étais pas préparée de façon à attirer le regard et... il m'aurait peut-être pas remarqué et...
   — Donc c'est normal que tu te sois faite agressé, demanda Hanma avec un regard perçant.
   — Je sais pas... je me demande juste si avec une autre tenue j'aurais aussi vécu ça, murmura Emma en enfouissant ses mains dans ses cheveux.
   — Ta tenue change rien, si un mec a décidé de t'agresser il va le faire, que tu sois en jupe ou en jogging, répliqua Hanma.
   — Mais je lui ai souri, dit Emma en tournant la tête vers son ami. Je lui ai souri plusieurs fois et si ça se trouve c'est ça...
   — Et alors ? Moi tu me souris et je t'ai vu plein de fois en jupe et pourtant je t'ai jamais rien fait. C'est pas ton attitude qui a fait que tu as été agressé, t'y es pour rien du tout.
   — Mais je lui ai jamais demandé d'arrêter, dit Emma d'une voix tremblante. Je lui ai pas dit non...
   — T'as pas dit oui non plus, et ça se voyait à ta façon de réagir que tu n'étais pas d'accord.
   Emma battit des paupières et sentit des larmes couler sur ses joues.
   — J'ai juste l'impression que c'est de ma faute en fait, finit-elle par dire. J'ai rien fait, je me suis pas débattue et j'arrête pas de me dire que je lui ai peut-être laissé penser que j'étais d'accord... J'ai pas eu la bonne réaction et j'ai... j'ai même pas appelé à l'aide dans le wagon. Ça m'a même pas effleuré l'esprit, je me suis juste laissée faire sans rien dire et maintenant c'est de ma faute parce que je me suis pas défendue et que je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. J'ai peur, je ne sais pas quoi faire et j'ai juste envie de disparaître, j'ai l'impression qu'on ne me laissera jamais tranquille, on me pose des questions à longueur de journée et ça ne fait qu'empirer les choses parce que... parce que... Je fais que penser à ça, toute la journée je pense à ça, je le sens, je le vois et ça me hante, c'est comme s'il n'y avait plus que ça et que dès que j'essayais de penser à autre chose, on me ramenait à ça et... et... J'en peux plus je veux que ça s'arrête...
   Emma enfouit son visage dans ses mains en sanglotant, ses épaules se secouaient à toute vitesse, ses mains tremblaient et ses yeux la brûlaient. Ses paroles n'avaient plus aucun sens, elle déblatérait tout à toute vitesse et ça ne voulait sûrement rien dire. Ça en devenait incompréhensible et ça ne faisait que l'embrouiller un peu plus... Elle ferait mieux de se calmer, en plus si quelqu'un arrivait et la voyait dans cet état ça allait être gênant pour tout le monde.
   Emma essuya ses joues d'un geste vif et récupéra ses affaires.
   — Je vais aux toilettes, dit-elle en reniflant.
   — Mais Emma..., commença Hanma en posant sa main sur son épaule.
   — Me touche pas, dit Emma d'une voix étranglée.
   Elle retira sa main de son épaule et se releva pour partir. Elle ne laissa pas le temps à Hanma de la suivre et partit à toute allure dans les escaliers, avant de se frayer un chemin dans la foule d'étudiants et de partir dans les toilettes. Elle s'enferma dans une cabine et se recroquevilla sur elle-même, sa tête tomba contre la porte de la cabine et elle ferma étroitement les yeux.
   Il y avait du bruit autour d'elle, toutes les filles présentes dans la pièce parlaient avec des voix fortes, leur voix résonnait, mêlée au bruit des sèches mains, de l'eau qui coulait, des portes qui s'ouvraient et se fermaient, des éclats de rire, et des chasses d'eau. Derrière la porte de la cabine, tout le monde s'agitait et des pas venaient dans tous les sens, Emma avait l'impression d'être au centre d'une foule déchaînée qui allait et venait en la bousculant violemment.
   Son cœur battait si fort dans sa poitrine qu'il semblait sur le point de sortir de son corps, et son corps n'arrêtait pas de trembler. Un flot d'images se déversait dans son esprit, le visage de l'homme qui l'avait agressé placardé derrière ses paupières ne cessait de lui sourire, sa voix criait à ses oreilles et Emma pouvait même sentir ses mains posées sur ses cuisses.
   Et elle avait beau essayer de se calmer, de se dire qu'elle était en sécurité, de penser à autre chose, ça ne marchait pas et elle était complètement bloquée... Elle était totalement enfermée dans ses pensées...

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