Cinq mois. C'est fou ce que 152 jours peuvent paraître si loin et si proche à la fois. Cela fait 152 matins que je me lève dans une sorte de brouillard d'un silence assourdissant. Mes pensées ont tant de fois rejoué la scène que je la connais par cœur, puis je l'ai tellement fantasmée, imaginée qu'elle puisse se passer d'une manière différente, que je ne suis même plus sûre de savoir ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas. Je frotte mes yeux endoloris, mais étrangement secs d'une main fourmillante, avant de me redresser. Je me lève machinalement, le corps engourdit. C'est comme cela depuis cinq mois et je ne sais pas quand ça redeviendra à la normale. Jamais. Plus jamais rien ne sera comme avant. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi cette fois ça fait si mal, pourquoi je n'arrive pas à passer à autre chose. Tout ce qui m'importe, c'est de revenir cinq mois en arrière et de tout arranger. J'aurais pu le faire, si je n'avais pas été prise de court.
Cinq mois, cinq pas, l'odeur du café. Je souffle sur la fumée qu'il dégage et avale une gorgée. Je déteste ça, il adore ça. Je me force à boire la tasse entière, puis file me préparer pour une nouvelle journée différente et terriblement similaire. J'enfile une jupe longue d'un brun profond, ainsi qu'un top noir tout simple. Je m'efface aussi sûrement qu'il m'oublie. Je m'oublie.
J'inspire profondément pour lutter contre les larmes et la gorge nouée. Une boule s'est formée depuis 152 jours et n'en part pas. Je la garderais peut-être à vie ? Je brosse mes longs cheveux de feu et les attache en une queue de cheval haute. Ils cascadent jusqu'à mes omoplates, tout en ondulations. Je lutte contre la fatigue, la lassitude, et pose quelques touches de couleurs sur mon visage. Je m'entraîne à sourire. Il n'est plus le même, je ne suis plus la même depuis. Quand est-ce que j'ai véritablement été moi ? Un souvenir plus lointain, plus douloureux tente de refaire surface, mais je l'écrase plus vite qu'un battement de paupière. Je ne veux pas aller sur ce terrain-là. J'ai bien trop à gérer pour le moment. Je n'ai pas besoin de ça.
Je récupère le métro de justesse et ignore les ivrognes, ainsi que les visages maussades des travailleurs new-yorkais. Je devine aisément que je dois avoir la même allure. Le trajet jusqu'au Financial District se fait sans accroc et j'inspire profondément l'air pollué de la Grande Pomme. J'entre d'un air serein dans l'un des bâtiments modernes de la zone et salue l'hôtesse d'accueil avant de badger à l'entrée. Je m'engouffre dans l'ascenseur bondé et jette un coup d'œil à mon téléphone. Pas un appel, pas un message. Un mur de notification aussi vide que ce qu'il y a à l'intérieur de moi. Je le range dans mon sac et tente de reprendre contenance.
Vient enfin mon étage, je me fraye un passage parmi la masse de costards et de tailleurs. Mes sandales plates jurent énormément avec le dress code des salariés. Travailler au sein des ressources humaines donne un certain avantage. N'être que l'assistante du directeur des ressources humaines encore plus. Je ne suis pas au contact des clients, donc je peux bien m'habiller comme je le souhaite, tant que c'est décent.
Je fais des signes de main aux salariés que je croise et qui daignent lever le nez de leurs écrans, avant d'entrer dans notre partie réservée RH. Contrairement aux immenses open-spaces découpés des salariés, nous sommes plus "à l'ancienne". Il y a Marietta, et Sophie, responsable de ressources humaines et chargée de recrutement, dans le même bureau. Puis Henry, le chargé de paie, qui se trouve dans le même bureau que moi. Puis, en lettres bien dorées, bien propres, bien lustrées, se trouve le nom de notre cher directeur des ressources humaines. Humpson. Cole Humpson. Le pire salopard qui puisse exister. Et bien entendu, je suis son assistante. On pourrait se croire dans une série B qui passe le dimanche après-midi que seuls les fêtards qui ont la gueule de bois et les dépressifs regardent. Je le déteste. Je le hais encore plus depuis qu'il a agi de façon si inhumaine quand il m'a vu au plus bas. Je n'oublierais jamais le dédain dont il a fait preuve ni des paroles dures qu'il m'a prodiguées avec une insensibilité incroyable. Soit c'est un extra-terrestre, soit c'est un psychopathe, et je ne sais pas quelle réponse me rassurerait le plus.

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Promise me
RomanceLily compte les jours depuis que son parfait petit ami Niall a rompu avec elle. Totalement vide, elle n'attend qu'une chose : qu'il veuille bien la reprendre. Lorsque ce dernier lui annonce s'être fiancé seulement six mois après leur rupture, Lily n...