Chapitre 2

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Être impressionnant, ça doit tellement être agréable. Tout le monde vous craint, personne n'ose vous contredire. Cole Humpson manie cela avec brio. Je suis terrifiée, j'appréhende ce qu'il va bien pouvoir me reprocher.

— Hartfils.

Mon nom dans sa bouche me fait frissonner. D'effroi. J'avale difficilement ma salive et me racle la gorge.

— Mr Humpson ? Je réponds d'une petite voix.

— Avez-vous reçu un appel ou un mail de Mr Stinlk ?

Je fronce les sourcils, cherchant dans ma mémoire, mais c'est le flou total. Depuis 152 jours, j'apprends à vivre avec un brouillard constant dans mon esprit.

— Je vais vous laisser la possibilité de consulter vos mails une nouvelle fois.

Sa menace est à peine voilée. En serrant les dents, je fais défiler les mails déjà lus, mais je n'en trouve aucun venant de Mr Stinlk. Il avait rendez-vous toute la matinée. C'est un important mutualiste, avec lequel notre société doit négocier pour obtenir des mutuelles avantageuses pour les salariés. Je relève les yeux et croise les siens, attendant une raison de me faire regretter d'avoir postulé dans cette entreprise. Je ne lui ferai pas ce plaisir aujourd'hui.

— Aucun mail. Et le téléphone n'a pas sonné.

Il me fixe sans dire un mot. Je déteste quand il fait ça. On dirait qu'il attend des aveux qui ne viendront jamais.

— Serait-il possible que la voix de Miss Vilny ait porté si fort qu'elle ait pu masquer la sonnerie du téléphone ?

Je serre les dents. Hemia est bavarde, mais nous savons tous deux qu'il exagère. Je ne peux lui faire remarquer sous peine de m'attirer encore plus ses foudres. Je ne veux pas lui donner plus de matière à me malmener. Travailler ici et pour lui en est déjà une.

— Non, je peux vous assurer que je l'aurais entendu.

— J'espère bien.

Sans plus de cérémonie, il fait demi-tour et quitte mon bureau. J'entends la porte du sien s'ouvrir et se refermer. Mon cœur bat à cent à l'heure et je m'autorise un soupir de soulagement. Henry revient quelques secondes plus tard en me lançant un regard désolé.

— Tu penses qu'il va revenir ?

Pourquoi s'en priverait-il ? Martyriser son assistante est un passe-temps pour lui. Je me contente de soulever les épaules.

153 jours. Un de plus, un de trop. Je n'arrive pas à me dire que cela fait si longtemps et en même temps si peu. Aujourd'hui, je l'ai aperçu. Il était souriant, comme à son habitude et a si bien fait mine que je n'étais pas là, que j'ai bien cru un instant être invisible. Il est si facile de s'effacer lorsque personne ne nous remarque.

Sa peau foncée luisait sous les rayons du soleil. L'espace d'un instant, je me suis souvenue passer mon doigt dessus. Je me rappelle de la texture qu'a sa peau, son odeur et l'effet qu'elle a toujours eu sur moi. Ses cheveux bruns étaient en bataille sur sa tête. Ses jolies boucles que j'aimais tant, dansaient au rythme de ses pas et ses yeux d'un bleu irréel qu'il tient fièrement de sa mère norvégienne, se plissaient d'amusement. Je brûlais d'être celle qui le faisait rire, d'être là. D'exister.

160 jours, comme c'est pathétique. Installée à mon bureau, je n'entends pas la porte s'ouvrir, trop plongée dans ma stupidité. J'ai envie de disparaître, je suis si misérable.

— Lily.

Je sursaute. Je reconnais ce timbre, je le reconnaîtrais entre mille. Je relève la tête et je le vois. Il est là. Mon cœur s'accélère et mon cerveau me hurle des paroles incompréhensibles. Vais-je tomber dans les pommes ? Ce serait ridicule, mais ça clôturait bien l'image qu'il a de moi.

Promise meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant