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"- Coucou, je m'appelle Adi !"

Ça a commencé comme ça. Par un beau jour d'hiver, alors que de gros flocons tapaient les fenêtres du pensionnat, Adi Abott était venue m'adresser la parole. Elle s'était penchée au-dessus de moi, en remettant les mèches de ses courts cheveux noir qui dégringolaient sur son visage. J'avais baissé mon livre en la fixant. Depuis la début de l'année scolaire, c'était la première fille à me parler.

"- Euh... Salut ?

- Puisque t'es toujours seule, je me suis dit que ce serait sympa de venir te voir."

Elle commença à déblatérer, sans même me lancer un regard. Elle parlait, parlait, encore et toujours, et je m'étais surprise à l'écouter. Ce n'était pas dans mes habitudes, d'écouter les gens.

Pendant que j'étais assise dans le gros fauteuil de la salle de vie, Adi s'était posée par terre en animant le lieu de sa jolie voix. J'hochais la tête de temps en temps pour lui montrer que j'écoutais, que j'étais là. Ça ne servait à rien, elle ne me regardait pas. Même si je m'étais endormie, elle ne l'aurait pas vu.

Adi était ce genre de fille à embellir une pièce par sa présence, à calmer une dispute avec un rire nerveux. Adi n'était pas moi, c'était une fille qu'on aimait.

Je supportais bien la solitude. Je parlais de temps en temps à mon binôme de chimie, mais jamais rien de bien extravagant. Bizarrement, je n'avais jamais ressenti le besoin d'être regardée.

Adi me fit sursauter en prononçant mon nom.

"- Svetlana, tu connais la prof d'SVT de la classe de Nina ?

- Non. Pourquoi ?

- C'est une vieille cruche, j'espère qu'elle tombera dans les escaliers. Elle a coupé le chauffage du dortoir 4, mais regarde, on est en plein hiver !"

Elle pointa du doigt la fenêtre. Le fait que cette prof ait éteint le chauffage ne m'étonnait pas. Dans cette école, aucune punition ne m'étonnait. Je détestais tellement le professorat de ce lycée que je passais la plupart de mon temps libre à leur faire des coups en douce. Rien qu'hier, j'avais coupé la majorité des projecteurs pour emmerder les enseignants. Puisque je n'étais jamais au centre de l'attention, je faisais mon possible pour travailler dans l'ombre.

Adi me lança un sourire étincelant, digne d'une publicité pour un dentifrice. Elle se releva, épousseta sa jupe et me tendit la main. Avec un tout petit rictus, je m'en emparais et la serrait chaleureusement.

"- Je voulais pas te serrer la main, je voulais que tu viennes avec moi !"

Elle éclata de rire devant mon incrédulité et me tira de mon fauteuil pour me mettre debout. Elle regarda encore par la fenêtre, ses yeux bleu foncé suivant les flocons qui s'abattaient sur les carreaux.

"- On peut aller dehors, un petit peu. Je ne t'ai jamais vu sortir depuis le début de l'hiver, c'est le moment !

- J'aime pas le froid.

- Oh, je suis sûre que tu as un manteau. Allez, viens !"

Je soupirais mais me laissa entraîner par Adi, qui cavala jusqu'à notre dortoir. Je n'avais même pas remarqué que nous partagions le même ; il y avait dix dortoirs avec chacun vingts élèves, et quand je venais ici, c'était simplement pour dormir. Il me paraissait normal que je ne sache pas qui dormait avec moi.

Je décrochais mon gros manteau du porte-manteau pendant qu'Adi farfouillait dans la grande armoire commune. Elle en sortit une grosse doudoune, qu'elle enfila avant de quitter la chambre.

Je la suivais, probablement pas par intérêt mais parce que je n'avais rien à faire jusqu'au dîner. En même temps, elle n'était ni énervante, ni ennuyeuse, et même si elle parlait beaucoup, ce n'était pas dérangeant.

Adi poussa la grande porte de l'établissement et descendit calmement les marches de l'escalier en béton. La neige avait tout recouvert, que ce soit les arbres ou l'herbe sur laquelle nous nous asseyions quand le soleil nous agressait la rétine pendant le printemps.

Je n'aimais pas particulièrement l'hiver, mais Adi oui. Alors que j'étais toujours en haut des marches, elle s'était déjà laissée tomber dans la neige en faisant un ange. Je souriais en remontant mon écharpe. Cette fille était une boule d'énergie et remplissait mes batteries de bonheur en un temps record.

Je ne la connaissais que depuis une heure, mais je l'appréciais déjà. Elle rigolait seule en se relevant, laissant la marque de son corps dans la neige. D'un grand mouvement de main à ma personne, Adi m'interpella pour que je la rejoigne. Honnêtement, je ne voulais pas y aller. J'avais déjà froid, et aller avec elle ne m'inspirait pas plus que ça.

Voyant que je secouais la tête se gauche à droite pour lui signifier que non, je ne voulais pas faire de bataille de boules de neige, son sourire disparut et elle soupira en s'asseyant par terre. Il fallait savoir qu'étant dans une école privée, notre uniforme se constituait d'une simple jupe et de collants. Je me demandais comment elle faisait pour supporter le froid.

Résignée par son visage colérique, je m'appuyais sur la rambarde et me postais devant Adi en souriant.

"- T'as pas froid ?

- Du tout. Il en faut plus pour venir à bout de la grande Adi !

- Mais oui. Mais pas de la grande Adè, non ?"

Elle ne rigola même pas à mon jeu de mots foireux et se contenta de rouler dans la neige. On aurait dit une enfant.

"- Viens, on rentre, il fait froid.

- T'es très très frileuse, n'est-ce pas ?"

J'hochais la tête, ma bouche cachée par mon écharpe. Adi se releva et m'emboita le pas dans l'école. De toute façon, la cloche du repas allait bientôt sonner.

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Nouvelle histoire ! Et c'est celle d'Adi et Svetlana, que tout oppose mais que tout rapproche.

J'ai déjà la plupart des trucs dans ma tête, j'espère que ça va vous plaire !

ՏᏙᎬͲᏞᎪΝᎪ • ᏟϴႮᏞᎬႮᎡ ᏢϴႮᎡᏢᎡᎬOù les histoires vivent. Découvrez maintenant