5ème lettre.

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J'étais en train de pleurer, en ayant lu la plupart des lettres d'Adi. Elle était restée seule pendant tellement de temps. Elle qui ne voulait pas vivre comme moi dans la solitude, l'avait vécu sans même l'avoir remarqué. Sa dernière lettre m'était adressé, et était datée d'une semaine avant sa mort. Je respirais un grand coup avant de me plonger dans la lecture de cette lettre ; la lèvre tremblante, la main posée sur la poitrine, je me plongeais dans la lettre, bien plus courte que les autres.

"Coucou Lana !

Si tu lis ça, c'est probablement que je suis partie très loin de toi. C'est pas de ta faute, rassure-toi. Je t'aime trop pour te faire culpabiliser. Tu as dû lire les autres lettres, si tu lis celle-ci, donc tu as sûrement compris pourquoi j'ai mis fin à mes jours. Déjà parce que je me sentais seule, malgré mes efforts, et ensuite parce que je ne m'aimais pas. Je suis désolée, Svetlana. Je n'ai pas réussi à vivre pour moi.

J'aimerai juste que tu sois la passeuse de certaines de mes volontés. Tu crois que ce serait possible ? Ce n'est pas compliqué, ne t'en fais pas. J'aimerai que tu rencontres James. Tu as dû comprendre qui il était, n'est-ce pas ? J'ai passé quelques temps à l'hôpital quand j'étais plus jeune, j'avais 12 ans, parce que j'étais mal tombée d'un arbre. Franchement, y'a que moi pour MAL tomber. Bref. Je m'étais pété le bras, rien de bien extravagant mais j'ai dû y rester un petit temps. Et j'ai rencontré James, sa mère, et j'ai considéré ce petit bout de chou comme mon frère. Tu pourrais aller le voir ? Il doit vraiment s'ennuyer, et j'aimerai que vous vous rencontriez.

Deuxièmement, et je sais que tu vas y être récalcitrante, mais je voudrai que tu me représentes au prochain récital. Je veux pas que tu gagnes, je veux que tu portes mon souhait dans le cœur des gens. C'est toi qui m'a dit qu'il ne fallait pas jouer comme un robot, mais je n'aurai pas l'occasion de présenter ça devant des juges. Fait simple. Apprend celle que j'ai commencé à te montrer, et tout se passera bien. J'aurai voulu être à tes côtés, Svetlana, mais ce n'est plus possible. J'étais fatiguée. Je suis désolée de ne plus être à tes côtés, je devrai l'être. Pardonne-moi sincèrement. Je t'aime et je t'aimerai, pour toujours. Fais porter mes rêves aussi loin que tu le pourras.

Adi, la copine la plus géniale de la Terre."

J'ai éclaté en sanglots. Il n'y avait plus personne pour continuer à avancer avec moi, et je n'avais plus qu'à exaucer les derniers vœux d'Adi. La nuit me parût longue, puisque j'avais décidé que j'irai voir James le lendemain. Adi avait marqué dans l'une de ses lettres l'hôpital dans lequel il était. J'étais déterminée à rencontrer ce gamin.

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L'hôpital était un grand bâtiment blanc et glauque, on aurait ou le croire abandonné. Ma mère me lança un sourire à travers la vitre de la voiture, comme pour dire "je t'attends là". Je m'avançais vers l'accueil, où un jeune homme aux cheveux remontés en dreads m'interpella.

"- Hep ! Vous êtes venue pour une visite ?

- Oui, James Vilfer."

Il fouilla un peu dans ses papiers, me demanda mon identité. Quand il ramassa toutes les informations sur moi, il me laissa passer. La chambre 304, qu'il avait dit.

Je toquais timidement à la porte, et une petite voix d'enfant me permit d'entrer. Un gamin roux, les cheveux ébourrifés, me fixait silencieusement, ses grands yeux verts écarquillés devant ma personne. Je restai devant la porte, chancelante.

"- Wah, je pensais que ce serait Adi.

- Euh, non. Moi c'est Svetlana.

- Ah. Je crois qu'elle m'a parlé de toi."

Il a tapoté son lit pour me dire de m'asseoir, ce que j'ai fait sans vraiment réfléchir. Les enfants ont et auront toujours le pouvoir de convaincre sans parler, à nous faire croire que tout est beau par la simple porte de leurs yeux. Je tripotais mes manches courtes, je me grattais les bras. Aucun de nous ne parlait. De temps en temps, James avait les yeux qui étincelaient, pour montrer que son cerveau bouillonnait. Au bout d'un moment, il brisa le silence.

"- Tu la connais, Adi ?

- Ouais, on était... On est potes. Potes ++, tu vois.

- Genre potes qui se roulent des grosses pelles ?

- Mais t'as quel âge, toi ?"

Il s'est contenté de rire, son livre entre les mains. Le petit sifflement amusé qui s'est échappé de sa bouche me fit sourire.

"- J'ai bientôt 11 ans. Je commence à devenir vieux, alors faut que j'agisse comme un vieux.

- Crois-moi, personne n'est vieux tant qu'il n'a pas perdu des bouts de son enfance et de sa naïveté.

- Quand on a un cancer, on a déjà plus d'enfance."

James n'avait même pas l'air sérieux, il blaguait sur quelque chose dont on ne pouvait pas rire. Pire, il riait sur SA maladie. Vint le moment de la question qui allait me briser le cœur, et le sien en même temps.

"- Et du coup, elle est où Adi ?"

Je restai silencieuse, en recroquevillant mes phalanges sur le matelas. James attrapa ma manche, le visage un tout petit peu plus inquiet. Sa main, saupoudrée de tâches de rousseurs, se crispa sur mon bras.

"- Hein..? Elle est où..?

- Elle... Elle est plus là. Elle est partie. Super loin. Et, elle reviendra probablement pas. Sûrement pas, en fait. Je suis là comme sa messagère, tu vois. Elle m'a laissé une lettre, je l'ai là, si tu veux."

Ses yeux celadons se mouillèrent, il papillona des paupières. James s'approcha un peu, en secouant la tête. Assis à côté de moi, il posa sa tête sur mon épaule, la main tendue.

"- Je peux la voir, ta lettre ?"

Je la sortis de mon sac pour lui donner la feuille, qu'il prit sans un mot. Il lisait vite, puisque la minute d'après, il me la rendit.

"- C'est du Adi tout craché. Mais ça veut dire que t'es sa princesse charmante. Elle m'a dit que le jour où elle serait partie chez les licornes, ce serait parce qu'elle aurait trouvé son âme-sœur.

- C'est un peu idiot, dis comme ça.

- Les licornes ?

- Nan, le fait de mourir après avoir rencontré la seule personne qui aurait pû partager ta vie sans problème.

- Pas tant que ça. Si Adi était fatiguée de vivre, personne à part elle n'aurait pu changer ça. Elle était contente de t'avoir trouvée, et elle est partie après. C'est dur à comprendre au début mais au final ça paraît logique. Elle était pas con, Adi.

- Je refuse de croire que t'as que 11 ans. Et qui t'as autorisé à dire des gros mots ?

- Y'a pas Maman, j'ai le droit."

J'entourais ses épaules avec mon bras. James avait cette innocence d'enfant et cette maturité étrange qui était, apparemment, compatibles. L'entendre enchaîner une critique de la lettre d'Adi en même temps de dire qu'elle était partie chez les licornes, c'était assez bizarre.

Il est grimpé sur mes genoux, et il a pleuré. Longtemps. J'ai pleuré avec lui, parce que je n'étais pas toute seule dans mon malheur. Il avait perdu sa grande sœur et j'avais perdu mon amie.

On faisait un sacré duo.

ՏᏙᎬͲᏞᎪΝᎪ • ᏟϴႮᏞᎬႮᎡ ᏢϴႮᎡᏢᎡᎬOù les histoires vivent. Découvrez maintenant