•4•

36 13 21
                                    

Rebelote. Je sortis ma valise de la voiture, grimpa en vitesse les marches. Une touffe brune m'arrêta dans ma course et ouvrit grand les bras à mon encontre.

"- J'ai l'impression que ça fait un milliard d'années qu'on s'est pas vues !

- Ça fait une semaine, Adi."

Adi me captura dans ses bras et je me retrouvais plaquée contre elle, qui posa sa tête sur mon épaule. Je la sentais rire. Je restais buguée un petit moment avant de lui rendre son câlin. Son odeur de fruits et de fleurs me remonta dans les narines.

Adi sentait l'été.

Elle me relâcha, inspecta mon visage en souriant. Peut-être remarqua t-elle les traces de fatigue qui s'y étaient installées puisqu'elle me demanda :

"- Tu n'as pas l'air en forme.

- Mes parents sont un calvaire quotidien.

- Oh. Bon, allons déposer ta valise, on avisera ensuite."

Elle prit ma valise et la porta dans les escaliers, poussant des petits cris d'effort à toutes les cinq marches, provoquant mon hilarité. Quelques filles se retournaient à notre passage, nous lançant des regards mauvais. Je m'en fichais, j'avais Adi.

"- Ç'a été au pensionnat ?

- Bof. On se faisait chier, mais bon. J'ai essayé de comprendre pourquoi tu parlais à personne, aussi."

Sa phrase me surprit. Je la regardais, dubitative, et elle commença à s'expliquer.

"- J'ai parlé à personne pendant une semaine. C'était super calme, genre wouaw, y'avait pas un bruit autour de moi. Pendant un petit moment c'est sympa, mais plus longtemps je pense que j'aurai pété un câble. Je sais pas comment tu fais.

- C'est pas particulièrement un choix non plus mais ça m'a jamais dérangé. Ne t'habitues pas à la solitude, après tu t'attaches trop facilement."

Adi soupira en riant, et s'arrêta devant la porte de notre dortoir. Je lui poussais la porte, elle y fit entrer la valise. Je m'affalais sur le lit en grognant, et Adi me sauta dessus, me faisant crier. Je riais juste après en essayant de la faire partir de mon dos.

"- Dégage, tu me fais mal !

- Refus de la part du bureau spécial câlin. Vous m'avez drôlement manquée, sergent chef."

J'éclatais de rire devant son faux sérieux et la chatouillais. Elle joignit son rire au mien, faisant battre mon cœur. J'avais ses cheveux dans les yeux, elle me cassait le dos, mais j'étais heureuse. Adi Abott me rendait heureuse.

Nous continuâmes à rigoler pendant un bon moment. Je lui racontais mes vacances, en omettant volontairement la dispute avec ma mère.

"- Oh, attends.", dis-je en m'élançant vers ma valise.

Je fis glisser la fermeture, farfouillait à travers les vêtements pour retrouver le cadeau que j'étais censée lui offrir. J'y extirpais la feuille de papier, que je lui tendais victorieusement. Adi vit le dessin de loin et poussa un petit cri de surprise. Elle s'assit à côté de moi, s'emparant du portrait.

"- C'est toi qui a fait ça ?

- Oui. Je suis pas si mauvaise que ça.

- C'est trop beau. T'es super douée. Mais pourquoi tu m'offres ça ?

- J'ai le droit de vouloir te faire un cadeau. Si tu veux une raison, c'est en remerciement parce que tu t'es inquiétée pour moi.

- C'est normal, ça, Svetlana. J'allais pas te laisser comme ça.

- Je t'en supplie, trouve moi un surnom. C'est beaucoup trop long, Svetlana."

J'avais esquivé le sujet. Je ne voulais pas parler de ma mère ici. Je ne voulais pas briser le cocon de douceur dans lequel Adi m'enrobait. Maman n'avait rien à faire là. Elle releva les yeux après avoir examiné le dessin pendant cinq minutes. Ses yeux avaient le même éclat que sur le portrait.

Je baissais la tête en tripotant un tissu. Adi m'enlaça, cette fois bien plus doucement qu'avant.

"- Tu me remercies alors que tu ne m'as pas dit ce qui n'allait pas. Tu es étrange, Lana."

J'enfouissais mon nez dans son cou, en cherchant son odeur. Adi me serra contre elle, ne semblant pas vouloir me lâcher. Ses doigts se crispaient sur mon dos.

"- Tu promets que tu me raconteras, un jour ?

- Oui. Un jour."

Je m'éloignais d'elle et commençait à ranger mes affaires dans le placard à côté de mon lit. Adi resta assise à me regarder faire, me tendant des T-shirts à l'occasion. Elle riait parfois, me sortait des inepties.

Adi se releva et dépoussiéra sa jupe ; c'était probablement un tic chez elle. Elle ouvrit le chemin, me faisant signe de la suivre. Je ne savais pas où elle m'emmenait, peut-être dans la salle de repos ou dans la bibliothèque.

J'avais l'impression de suivre une étoile. Adi disait bonjour à toutes les personnes qui passaient, tandis que je me cachais derrière elle. Willow nous croisa, elle me fixa et passa son chemin. Son regard de tueuse me fit frissonner.

"- Tu fais quoi toi d'habitude, Lana ?

- Un peu tout, je dessine ou je... Fais disfonctionner des projecteurs."

Elle me regarda, les yeux écarquillés. Je regrettais amèrement ce que je venais de dire : et si elle allait tout répéter aux responsables ? Au contraire, elle éclata de rire, me faisant sursauter.

"- C'est toi qui a rendu les salles inutilisables ?

- Entre autres.

- Je veux trop que tu m'apprennes !"

Elle continua de vanter mon savoir-faire qu'elle qualifiait "d'artinasal et vachement drôle". Je l'écoutais, parce que sa voix était comme une petite mélodie à mes oreilles. Nous passâmes la journée à faire n'importe quoi, même de noter nos surveillantes et responsables préférées, ce qui revenait juste à mettre la moins pire à la première place. Adi voulut que je lui apprenne l'aquarelle, mais avec le peu de concentration et de patience qu'elle possédait, c'était peine perdue.

Et nous nous retrouvions assises à la même place qu'à notre première discussion, sauf qu'elle était dans le fauteuil de la bibliothèque et moi assise par terre. Elle me montrait son fil d'actualité d'Insta, et tout ce qui la faisait rire en général. Je m'endormis contre sa jambe, elle ne me réveilla pas.

Alors que je tombais dans les bras de Morphée, je sentis juste sa main passer doucement sur min crâne, comme pour me protéger. Adi faisait le bouclier pour moi, même si il n'y avait rien de dangereux. Peut-être voulait-elle me garder en sécurité près d'elle.

Je ne savais pas pourquoi, mais j'aimais bien. Adi m'exprimait son affection. J'étais contente.

ՏᏙᎬͲᏞᎪΝᎪ • ᏟϴႮᏞᎬႮᎡ ᏢϴႮᎡᏢᎡᎬOù les histoires vivent. Découvrez maintenant