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Ma mère resta muette quand elle vint me chercher. Je n'allais pas finir l'année, de tout façon.

Maman me lançait des regards en coin, pas inquiète mais troublée. Elle regardait la route, je regardais le paysage qui s'offrait à moi. Rien à faire, la seule chose qui restait présente dans mon esprit était Adi.

Ma maison ne m'avait jamais paru aussi terne et aussi vide. Ce qui me démoralisait encore plus, c'était qu'Adi ne verrait jamais cet endroit. Sans mes parents, le manoir était d'une beauté époustouflante.

Je descendais lentement de la voiture. Le soleil tapait plus fort que jamais : j'aurais aimé qu'il se cache derrière une pile sombre de nuages pour compléter ma douleur. Il faisait trop beau.

Adi était un soleil, un immense et magnifique soleil et personne, pas même l'étoile en elle-même, n'aurait pû combler la lumière qu'elle m'avait donné. Je souffrai tellement que s'en était ridicule.

Ma mère fit claquer ses talons haut sur les pavés, je la suivais les mains dans les poches de mon sweat. Je ne savais pas ce que j'allais faire. Il y aurait très certainement un enterrement, une crémation, et je me devais d'y assister.

Mais après ? Qu'aurais-je pû faire pour noyer mon chagrin ? Rien de censé ne me venait à l'esprit. Maman me laissa partir dans le jardin, où je me laissa tomber comme Adi l'avait fait dans la neige. Je sentais la douleur dans mon dos, mais je m'en fichais. Une petite larme coula sur ma joue et tomba dans l'herbe, laissant une petite trace mouillée sur ma peau. Je ne l'essuyais pas. Je n'avais pas envie de l'essuyer. Je voulais qu'elle reste comme j'avais voulu qu'Adi reste à mes côtés.

Les bruits de la nature parvenait mollement à mes oreilles, il y avait probablement des bestioles autour. Ce n'était pas grave. Adi aimait les animaux. Elle m'avait confié qu'elle voulait un chat, un petit chat roux parce qu'elle aimait cette couleur, mais ses parents n'étaient pas d'accord. Quand elle allait chez des amis, elle était toujours contente quand il y avait un animal. Je souris. Je n'avais pas de mauvais souvenirs d'Adi. Elle avait rempli mes journées de joie sans y amener du doute ou de la tristesse. La seule erreur qu'elle avait commise avait été de partir sans me laisser la chance de pouvoir l'aider.

Peut-être qu'on aurait pu avoir un chat. Et un chien. Et un caméléon, si elle en voulait un. J'aurai accepté chacune de ses demandes. On aurait eu un enfant, ou deux, ou trois. Une grande maison perdue au milieu de nulle part, qui aurait abrité nos fous rires et nos malheurs. J'aurai donné tellement pour avoir cette vie-là. Malheureusement, rien ne pouvait ramener les morts. Une vie n'avait pas de valeur matérielle.

Je pleurai, silencieuse, engloutie dans ma douleur. Je n'avais pas les mots pour exprimer ce que je ressentais. J'avais mal d'une absence et je savais très bien que rien ne pouvait la combler.

Je n'avais jamais vu les yeux d'Adi tristes. Je regardais peut-être mal. Était-ce de ma faute ? Avais-je négligé quelque chose de vital ? Pourquoi Adi avait-elle décidé de me quitter, de nous quitter ? Ces milliers de question et cette culpabilité croissante me bousillait le cœur. Je voulais revoir Adi sourire, juste une dernière fois, lui dire au revoir ou lui demander de rester. Je ne savais plus quoi faire à part mettre la mort d'Adi sur mon dos.

Dans tous les cas, il y avait quelque chose que je n'avais pas vu. C'était sûr et certain. Adi n'allait pas bien et je n'y avais pas fait attention. Je me demandais pourquoi elle ne me l'avait pas dit. Elle ne faisait peut-être pas confiance.

Il y avait trop de "peut-être", et je me rendis compte que je ne connaissais pas Adi. Je n'avais jamais su ce qu'elle pensait réellement.

Je me mis à imaginer notre futur, si elle avait été encore en vie. Elle serait devenue pianiste, une grande artiste de renommée, parcr qu'elle ne savait pas seulement jouer mais aussi chanter. Elle aurait touché le cœur des gens comme elle avait touché le mot.

J'aurai été dans les gradins ou dans les coulisses, et j'aurais applaudit calmement après sa performance. Moi, je n'aurai pas eu de métier, ou alors je serai dessinatrice. J'enverrai mes créations aux clients de temps en temps, et sinon, je resterai là, chez nous, à regarder les saules pleureurs se mouvoir au gré du vent. Adi rentrerait le soir, et elle m'aurait manqué. On se serait balader pendant nos temps libres, à se tenir la main à côté des cours d'eau. La connaissant, elle aurait plongé ses pieds dans l'eau en me regardant, le sourire aux lèvres. Je l'aurai attendue, assise à côté pendant qu'elle pataugeait avec les poissons et les grenouilles.

Et on aurait subit des remarques aussi, parce qu'on se serait embrassées au milieu d'un magasin. On en aurait rit, parce qu'on s'en ficherait.

On aurait fait des voyages, pleins de voyages, partout, parce que j'aimais l'idée qu'on puisse s'échapper si on le désirait.

Un sanglot m'échappa. Un deuxième. Ce n'était qu'un futur qui n'existerait jamais. Qui resterait bloqué dans les méandres de mon cerveau torturé. Le ciel n'entendit pas mes pleurs et mes supplications. J'étais encore une fois toute seule.

Notre histoire aurait été un magnifique livre, qui respirait la force à chaque page tournée. Malheureusement, le bouquin de notre vie avait ëé brûlé avant même que nous ayons pu l'écrire. L'encre avait coulé à cause de mes larmes, aussi.

Je me sentais trahie. Faible. Égoïste et incapable.

Mon cœur ne respirait pas la force. Il sentait l'amertume, la douleur et la morosité. Je me sentais noyée sous une vague de désolation. Ç'aurait été mieux que je fasse un deuil simple, naturel, que je continue d'avancer sans personne. Mais j'avais besoin de réponses, j'avais besoin de savoir pourquoi Adi s'était tuée. Je savais qu'elle n'avait pas été assassinée. Désormais, j'allais me fier à mon instinct.

ՏᏙᎬͲᏞᎪΝᎪ • ᏟϴႮᏞᎬႮᎡ ᏢϴႮᎡᏢᎡᎬOù les histoires vivent. Découvrez maintenant