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Je cherchais Adi de salle en salle, mais elle n'avait apparemment pas décidé de se montrer. Je ne savais pas où elle était, et pour la première fois elle ne me cherchait pas.

Je croisais Willow, qui me regarda toujours aussi mal. Hésitante, j'allais quand même la voir.

"- Euh... Salut, tu saurais où est Adi ?

- Salle de musique."

Et elle repartit aussitôt, ne me laissant même pas lui dire au revoir.

Il y avait vraiment une salle de musique ici ?!

Je me mis en quête de cette salle, et quand je la trouvais enfin, une douce mélodie s'échappait d'entre les portes.

Les doigts d'Adi virevoltaient sur les touches d'un piano à queue, à toute vitesse, pour faire naître dans mes oreilles une musique d'une beauté exceptionnelle. Elle semblait concentrée, avalée dans une cascade de notes qu'elle seule pouvait comprendre.

Je m'approchais sans faire de bruit. Je ne voulais pas qu'elle s'interrompe, qu'elle arrête de jouer. Je voulais qu'elle continue de faire jouer cette mélopée qui apaisait mon cœur.

Adi leva les yeux vers moi, elle souriait plus calmement que d'habitude. Ses yeux étaient reposés, eux aussi. Je voyais son corps bouger au rythme de sa musique, au rythme de ses envies et de ses désirs. Je percevais entre les notes tout ce qu'Adi n'arrivait pas à exprimer.

"- Je savais pas que... Que t'étais pianiste. Que t'étais une virtuose, en fait !

- Merci. C'est des années de pratique."

Je m'assis à côté d'elle, sur le fauteuil recouvert de velours. Elle posa sa tête sur mon épaule, la caressant du bout du nez.

"- Tu veux toujours pas me dire ce qu'il s'est passé pendant tes vacances ?

- À vrai dire, je pensais que tu oublierais.

- J'oublie pas quand il s'agit de toi."

Je fixais le piano en souriant, et lui racontait tout. Ça faisait bizarre. Elle m'écoutait, en caressant la paume de ma main. Je n'étais pas un livre. Je ne m'ouvrais pas facilement.

Adi restait silencieuse au fur et à mesure du récit de ma vie. Je ne positionnais pas en victime : j'avais fait des choses que je regrettais. Mais Adi s'en fichait.

Elle posa mes doigts sur les touches du piano. Je ne sais pas quelle chanson elle me fit jouer, mais j'aimais le son que ça produisait. C'était doux, enivrant. Adi jouait avec mes émotions. Elle replaçait ma main avec douceur, toujours muette.

Ce fut la première fois que je vis Adi aussi calme.

"- J'ai un récital dans pas longtemps. Je dois réviser ce morceau, je veux le faire à la perfection.

- Mais ce sera pas toi. C'est trop calme pour être toi.

- Mais c'est comme ça qu'il se joue.

- Tout le monde le jouera comme ça, toi tu le joueras à ta manière. Ça sera ta partition, pas celle des autres.

- C'est facile à dire, ça, Lana."

Elle me regarda dans les yeux, ils parurent vivants, illuminés.

"- J'essaierai de faire en sorte que la partition me ressemble."

Adi continua à m'apprendre la chanson, mais elle recommença à parler, comme elle l'avait toujours fait. La musique reprit une teinte colorée, moins mélancolique. Adi changeait une note rien qu'en changeant d'humeur.

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Le soleil était enfin à son apogée. Avec Adi, nous avions installé un hamac entre deux des arbres de la cour. Elle avait insisté pour qu'on se le partage, un coup l'une, un coup l'autre. C'était son tour, et moi j'étais assise contre l'arbre. Son index caressait ma joue alors que nous observions les filles qui couraient dand l'herbe.

Certaines lisaient, assises sous la pergola de la terrasse, d'autres se lançaient un ballon en criant. Adi et moi étions éloignées du groupe.

"- C'est bon, t'as moins froid là ?

- Ouais. Merci de t'inquéter."

Adi m'envoya son sourire. Je pouffais en retour.

"- Elles ont l'air con, à courir après un ballon.

- J'avoue. Plus qu'une passion une vocation comme on dit.

- Une vocation bien cheloue quand même.

- Tu poses tes doigts sur des touches noires et blanches en espérant que ça fasse un beau son. C'est un peu con aussi, hein.

- Oui mais moi c'est culturel, t'vois."

Elle repoussa dramatiquement une mèche, un air de pimbêche au visage. Ses mimiques me faisaient rire.

Le ciel était éclairci, calme. Adi était le contraire. Elle gardait constamment un visage épanoui et béat.

Ça lui allait bien. Ses joues remontaient en deux petites fossettes adorables. Je continuais de la contempler dans le plus grand des calmes, sans même me cacher. Adi fit pareil. J'essayais d'exprimer ce que je ressentais du mieux que je pouvais.

"- T'as vraiment des très beaux yeux. Très, très beaux."

Adi parût surprise. Elle cacha sa bouche entre ses bras, murmura un remerciement. Ce n'était probablement pas la première fois qu'on la complimentait sur sa beauté, mais peut-être que ça avait quelque chose de spécial. Nous n'étions que deux, personne ne nous regardait.

"- Toi, t'as un joli sourire. Je t'ai jamais vu rire avant. Maintenant oui, et tu rigoles souvent, en fait. Je pensais que tu serais plus refermée sur toi même.

- Eh bien non. Malheureusement pour toi ?

- Non. Je t'aime comme tu es, ça change pas grand chose."

Je restai interdite. Elle avait toujours la main sur ma joue, les yeux dans les miens. Elle ne trahissait rien d'autre que de l'affection. Ce n'était pas vraiment une déclaration, mais elle montrait qu'elle tenait à moi.

J'aimais ces petites marques d'amour, et je laissais ma tête reposer contre ses doigts fins. Cette proximité me fit frissonner.

J'avais un mauvais pressentiment quand à la suite de cette histoire.

ՏᏙᎬͲᏞᎪΝᎪ • ᏟϴႮᏞᎬႮᎡ ᏢϴႮᎡᏢᎡᎬOù les histoires vivent. Découvrez maintenant