La première fois que je l'ai aperçu, c'était un mardi soir. Je n'avais pas pour habitude de faire mes courses dans la petite superette de mon quartier, mais ce soir-là, je n'avais ni l'envie ni le courage de me rendre dans la grande surface que je fréquentais habituellement juste pour acheter de quoi cuisiner. Rien de ce qui se trouvait dans mon réfrigérateur ainsi que dans mes placards ne m'avait inspiré pour mon repas, alors j'avais fini par descendre à la superette, espérant trouver l'envie en flânant dans les rayons.
Mais ce que j'y avait trouvé était bien plus captivant que mon estomac qui criait famine. Ce regard. Un regard d'un bleu si profond que mon cœur avait raté quelques battements, reprenant une course folle en même temps que mon souffle qui s'était coupé. Cette teinte de bleu si particulière que je n'avais jamais vu dans le regard de personne. Etais-ce ce bleu qui était si captivant, ou la façon dont ce regard scrutait les alentours.
C'est après quelques secondes, ou peut-être quelques minutes que mon regard avait quitté ce bleu pour scruter le reste du visage de cet inconnu. Une peau lisse et légèrement pâle, ressemblant à de la porcelaine sous les néons agressifs de la superette, ce nez d'une finesse et d'une délicatesse déconcertante, et ces lèvres. Fines, légèrement rougies.
Des cheveux châtains, soyeux, dont une fine mèche s'échappait devant le front.
Ce visage.
Angélique.
A couper le souffle.
Ce soir-là, c'est son regard, s'encrant au mien qui m'avait sorti brusquement de ma contemplation, faisant battre mon cœur plus vite et rougir mes joues.
Combien de temps avais-je fixé ce bel inconnu ? L'avait-il remarqué ?
C'est empourpré et encore sous le choc que j'avais repris ma marche dans les rayons afin de trouver quelque chose à me mettre sous la dent.
J'avais finalement fini par opter pour une pizza surgelée, n'ayant plus la force et le courage de cuisiner en rentrant chez moi. J'étais bien trop perturbé par ce qui venait de se passer.
Ça ne m'était jamais arrivé avant ce jour. Cette sensation du temps suspendu, donnant l'impression que les secondes ne défilent plus, que tout est suspendu autour de nous. Le cœur qui manque quelques battements, avant de finalement se remettre à battre à tout rompre. Les mains qui deviennent moites, qui se mettent finalement à trembler. Les jambes qui deviennent lourdes, comme du coton, qui menacent de céder et flancher sous le poids de notre corps à tout moment. Et cette chaleur. Cette chaleur qui se répands dans tout le corps, des veines jusqu'au cœur.
Quelques minutes plus tard, j'avais fini par me rendre à la caisse, complétement empourpré, et avait déposé mes articles sur le tapis, tremblant. J'avais eu du mal à lever les yeux, à le regarder. Je l'avais senti, son regard. Il m'avait scruté tout au long de mon passage en caisse.
C'est juste après avoir récupéré mes achats que j'avais fini par relever mes yeux vers lui. Un léger sourire s'était dessiné sur ses fines lèvres, ses yeux pétillaient, il était si fascinant.
« Merci, bonne soirée... »
Cette voix...
Douce, angélique. Cet accent chantant.
Cette fois j'en étais sure. J'allais tomber pour lui.
Ce soir-là, une fois rentré dans mon appartement Londonien, je n'avais finalement pas eu le courage de sortir la Pizza de son emballage pour la mettre au four. Je m'étais juste assis là, dans mon canapé, les yeux dans le vide, et j'avais passé la soirée comme ça. A me remémorer sans cesse tout ce qui s'était passé. De ce premier échange de regard jusqu'à nos quelques mots de politesse échangés à la sortie de la superette. Ces simples mots qui avaient finis de faire fondre mon cœur.