Le vent sur ma peau

19 - Lueur d'espoir

Musique : Ain't No Sunshine - Bill Withers

Le silence est écrasant. Il est tellement étouffant qu'Iris en a mal à la tête. Elle s'adosse un instant sur le mur en pierre qui se trouve derrière elle. Elle ferme rapidement les yeux et essaye de se calmer. Seule, en pleine campagne à vingt kilomètres de Whistable, elle est décontenancée. Suite à son entretien avec le shérif, Iris s'est directement précipitée dans la première cabine téléphonique qu'elle a vue pour tenter de joindre cette femme – une certaine Greeta Mills – qui prétendait avoir menti à la police à propos de son frère. Mais rien. Seul le répondeur a résonné dans le combiné. Sans réfléchir une seconde de plus, elle a sauté dans sa voiture pour se rendre chez elle. Et, en un rien de temps, elle s'est retrouvée devant sa porte. Mais, sans grand étonnement, celle-ci est restée close. Où était passée cette femme ? 

Iris se masse les tempes. Elle essaye de relativiser - elle repassera demain. Un air déçu placardé, elle prend la route du retour. Il est déjà tard et, demain, elle commence tôt. À la radio, il passe une musique de Nirvana – Something In The Way –.

Quelque chose me gène. 

Est-ce cet abîme dans ma poitrine ? Ce trou béant ? 

Quelque chose me gène. 

Au même moment, Achille observe la lettre qu'il tient dans sa main. 

JE SAIS CE QUE TU AS FAIT. 

En réalité, ce n'est pas la première qu'il en a reçu une cette année. Il y a plus d'un mois, alors qu'il était bien loin de Whistable, il en a trouvé une similaire dans sa boite aux lettres. Instantanément, il est devenu blafard : ses vieux démons revenaient le hanter. Ils étaient de retour. Et cette fois, ils allaient l'achever. Son coeur a raté un battement tellement il était abasourdi. Il est resté, livide, sans bouger pendant une dizaine de minutes. On le traquait. Mais, qui ? 

Il faut que ça cesse.

Cette fois, il n'a pas fui. 

Il a alors pris sa voiture et a roulé, sans se retourner. Il a sillonné l'Angleterre pour revenir là où tout a commencé. Là où ses cadavres sont enterrés. Il  roulé, roulé. Jusqu'au panneau de la ville "Bienvenue à Whistable". 

Mais, était-il vraiment le bienvenu ? 

La ville n'avait pas changé. Toujours égale à elle-même. Le bitume abimé par l'impact régulier des gouttes de pluie. Les traditionnelles clôtures blanches. La petite boulangerie de Pierre vue sur la jetée. 

Rien ne semblait avoir changé. Mais, en réalité, tout était bien différent. On le regardait en biais, on jaugeait ses gestes, comme si tout le monde savait. Mais, au fond, que savaient-ils ? Que croyaient-ils savoir ? Qu'il avait abandonné sa meilleure amie, lorsqu'elle avait le plus besoin de lui ? 

Si seulement ce n'était que ça....S'ils savaient comme la réalité était encore plus abjecte. Si seulement ce n'était que ça...

Iris se gare péniblement. Elle n'a aucune envie de travailler aujourd'hui, elle qui pourtant d'habitude adore le restaurant de Jo. Mais, aujourd'hui, jamais la façade ne lui a paru si maussade, jamais elle n'a eu autant envie de faire demi-tour. La jeune-fille esquisse un semblant de sourire – peu convaincant mais Jo ne sourcille pas, trop occupé derrière le comptoir. 

À la fin de son service, elle a failli étriper deux hommes, a renversé son plateau une fois et a hurlé sur le pauvre chien d'un client. Toute son énergie a été siphonnée ; même enlever son tablier a été une épreuve sans nom.