Le silence accueillit sa tirade. Le visage de l'adulte s'était fermé, tandis qu'il plongeait dans ses pensées pour réfléchir. Il se détourna d'elle de quelques pas, pour se replacer devant son bureau. Ses iris enflammés se perdirent dans les esquisses fantomatiques de la pièce sur la fenêtre. Raeni gardait les yeux rivés sur lui, la respiration haletante, le cœur palpitant d'inquiétude. Elle l'avait touché, elle le sentait. Sa réflexion suffisait à lui faire comprendre qu'elle avait capté son attention avec ses mots. A présent, elle espérait qu'il suive son raisonnement.
Il contourna le meuble de bois massif à pas lents, puis s'assit sur la chaise. Ses coudes se posèrent sur le plan de travail. A la lueur vacillante des bougies, il parut à la jeune femme plus vieux, plus fatigué qu'elle ne l'avait jamais vu. Le front posé contre son poing, le regard figé sur les veines du bois, il semblait voûté, fragile. Raeni frémit. Elle voyait bien qu'il se tracassait pour cette histoire, que ses explications faisaient son chemin dans son esprit. Elle aurait aimé savoir à quoi il pensait. Peut-être repensait-il aux détails de la découverte du bijou, qui lui avaient sans doute été confiés, mais qu'elle ignorait. Elle ne pouvait qu'attendre qu'il se décide à lui adresser la parole.
Le silence les enveloppa de longues minutes. Enfin, il releva la tête vers elle.
— Si ce que tu avances est vrai, déclara-t-il, la personne qui a commis ce vol est bien plus douée et dangereuse que ce que nous imaginions. Elle serait capable de tromper la vigilance d'un Ahal...
— Et d'utiliser ses croyances pour l'induire en erreur, acheva-t-elle.
Le directeur garda le silence quelques secondes. La jeune femme surprit une lueur d'inquiétude dans ses iris de feu. Non, pas d'inquiétude. De peur.
— Si une telle personne peut entrer et sortir de l'orphelinat à volonté, vous êtes tous en danger, souffla-t-il d'une voix blanche.
— Je crois que cette personne est pensionnaire ici, avoua-t-elle avec hésitation.
Les traits de l'adulte se détendirent. Un profond soupir lui échappa.
— Si tu me reparles encore de Khassendrah... commença-t-il, agacé.
— Monsieur, implora-t-elle, je vous en prie, écoutez-moi ! Je sais, cette accusation peut ressembler à un règlement de comptes entre nous, mais c'est faux. Khassendrah est une véritable manipulatrice, qui sait comment s'y prendre pour obtenir ce qu'elle veut. Vous savez aussi bien que moi qu'elle aime séduire les hommes pour qu'ils lui accordent leurs faveurs. Et vous devez savoir aussi qu'elle a des contacts, en ville, dans les bas-quartiers. Des gens peu fréquentables, qu'elle achète soit par ses 'faveurs', soit par des menaces.
L'homme se massa l'arête du nez avec un nouveau soupir. Raeni sentit son cœur s'affoler. Elle avait perdu son attention.
— Même si je me suis déjà demandé si je n'allais pas l'envoyer à Torfrirta pour qu'elle y soit dans son élément, déclara-t-il, je doute qu'elle ait l'audace de jouer avec un Ahal. D'accord, on m'a déjà rapporté ses tentatives de séduction sur des gardes, ainsi que ses relations avec certains voyous, dont d'anciens pensionnaires de Valmaëlën. Cela ne m'étonne guère qu'elle continue de leur parler alors qu'elle s'entendait déjà bien avec eux lorsqu'ils étaient encore ici.
— Mais vous savez aussi qu'elle a tendance à convoiter tout ce que les autres possèdent, pour peu qu'il s'agisse d'objets brillants ou dotés d'une certaine valeur. Je vous rappelle la fois où elle avait réussi à piquer la bague de Shaërah ? Ou le jour où le capitaine de la garde en personne l'a ramenée, après qu'elle lui avait dérobé un collier ? Ce ne serait pas la première fois qu'elle vole quelque chose.
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Le Dragon des Mers
FantasyAn 7897 de l'Ère de Lumière. La guerre des Dragons s'était terminée quelques mois plus tôt, laissant des régions entières ravagées par les armées Humaines et celles des Peuples Premiers-Nés. Alors que tous s'unissaient pour reconstruire les terres s...