Chapitre VI - I : Le plan

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Deux heures plus tard, la salle circulaire résonnait du brouhaha incessant de multiples conversations. Une trentaine d'enfants, orphelins ou gosses des rues, s'amassaient sur les tapis et les coussins. La plupart attendait, nerveux, que leur chef se montre. Avëlëa, Faelor, Thaëlya et même le prédécesseur de Raeni, Anathor, les avaient conviés sur ordre de la jeune femme pour une réunion d'urgence. Aucun n'avait été mis au courant de ce qu'il se passait, pas même les amis proches de Raeni.

La porte principale s'ouvrit au bout d'un moment sur deux jeunes adultes aux origines alfombres. Les conversations se turent à leur entrée, puis reprirent de plus belle. Deux ou trois des gamins vinrent accueillir les nouveaux venus, qu'ils semblaient reconnaître. Leurs vêtements de tissu léger, ainsi que la large ceinture autour de leur taille et les muscles en cours de développement sous leur peau, les désignaient comme marins. Un nouveau point d'interrogation dans les questionnements des enfants, puisque Raeni ne faisait que rarement appel à ceux qui avaient quitté Valmaëlën, et jamais sans raison.

Quelques minutes supplémentaires s'écoulèrent avant qu'elle ne fasse enfin son apparition, Ayrik dans les bras et Anathor à ses côtés. Le silence se fit aussitôt dans la pièce. La jeune femme déposa son protégé au sol pour qu'il puisse s'installer avec ses camarades, puis gagna une simple caisse posée au centre de la salle en guise d'estrade. Les regards se tournèrent vers elle, dans l'attente d'explications et de réponses aux interrogations muettes qui emplissaient l'air.

La jeune femme prit le temps de contempler, non sans une certaine satisfaction, sa petite bande. A l'exception d'Ayrik, tous avaient du sang althëlien dans les veines, et l'écrasante majorité était hybride, comme elle. Quelques-uns portaient même l'héritage des deux factions à peine réunifiées, preuves vivantes de la possibilité d'une entente entre elles.

Pourtant, la quasi-totalité des enfants présents n'avaient pas de famille. Beaucoup avaient perdu leurs parents pendant la guerre, à l'instar de Raeni, mais certains n'avaient jamais connu la leur. L'ensemble des semi-humains était concerné par cette triste vérité. Leur chef, un instant, songea à la trahison qu'ils devaient ressentir, à leur colère contre leurs géniteurs, et au traitement que certains leur réservait. Elle se jura que cette injustice allait cesser. Ils lui avaient offert un foyer, une nouvelle famille. Aujourd'hui, c'était à elle de leur offrir une nouvelle vie, loin de Khaëlentis et de ses habitants rongés par la haine.

— Bonsoir à tous, lança-t-elle d'une voix forte et assurée. Merci d'être venus.

Quelques sourires lui répondirent.

— Je suppose que personne ne sait pourquoi je vous ai fait venir ? poursuivit-elle.

— Khassendrah a encore embêté quelqu'un ? suggéra une fille assise juste aux pieds de Raeni.

— Oui, soupira celle-ci. Le problème, c'est qu'elle a frappé fort, cette fois.

Elle marqua une pause le temps de balayer l'assemblée du regard. Quelques-uns, parmi les plus jeunes, frissonnèrent. Les rares pensionnaires de Valmaëlën présents se jetèrent de brefs regards, déjà au courant de la situation là-bas.

— Vous avez sans doute entendu parler d'un vol commis il y a quelques jours, reprit-elle.

Quelques hochements de tête lui répondirent.

— Ce vol, c'est Khassendrah qui l'a organisé, expliqua-t-elle. Elle a dérobé une broche enchantée à un Ahal. Inutile de vous dire qu'il a aussitôt exigé réparation à la manière des alfombres.

Nouveau frisson général. Les deux marins ouvrirent la bouche puis la refermèrent sans émettre le moindre son, choqués par l'audace de l'alfombre. Raeni continua ses explications :

Le Dragon des MersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant