Un gémissement léger lui échappa. Elle sentait ses doigts tirailler et palpiter si fort qu'elle menaçait de défaillir à chaque battement de son cœur. Des larmes glissèrent sur ses joues. Elle se demanda un instant s'ils n'étaient pas cassés. Elle ne connaissait pas ce type de douleur. Elle s'était toujours arrangée pour ne pas risquer de se blesser, après tout.
Avec un profond soupir, elle décida de se relever et de sortir. Elle devait trouver quelque chose pour se soigner. Seule. Personne ne l'aiderait, à cette heure-ci. Sindor était débordé et menacé par l'Ahal. Le directeur devait en ce moment même discuter avec Vanador. Quant au personnel, elle ne souhaitait pas le réveiller pour ne pas ébruiter sa défaite cinglante face à l'hybride.
Pour la première fois depuis longtemps, elle sentit une profonde détresse l'envahir. Bien sûr, Vanador n'avait pas entièrement tort lorsqu'il lui disait qu'elle méritait son sort. Après tout, le prix qu'elle payait ne représentait rien face à la perte de sa broche et à l'affront que Raeni leur avait fait. Elle se demandait d'ailleurs pourquoi elle l'avait épargnée. Elle n'était pas stupide, elle avait vu – et entendu – la dague qu'elle avait laissée tomber au sol. Par peur ? Par faiblesse, peut-être ? Elle avait surpris la lueur meurtrière dans ses yeux lorsqu'elle était descendue du navire. Alors pourquoi ?
Elle faillit manquer la porte de l'infirmerie tant elle était plongée dans ses pensées. Elle attendit quelques secondes sur le pas de la porte, immobile, l'oreille tendue, à l'affût du moindre son. Rien. Avec d'infinies précautions, elle abaissa la poignée et pénétra dans la pièce.
A l'intérieur, aucune lumière, signe qu'elle était bien seule dans la pièce. Parfait. Elle chercha à tâtons la fenêtre et ouvrit le volet. L'éclat voilé des astres se déversa à travers l'ouverture. Elle battit des paupières à plusieurs reprises, puis, une fois sa vision habituée à la faible lumière, entreprit de dénicher quelque chose pour bander sa main. Elle ne savait pas trop quoi chercher. Elle fouilla donc dans les tiroirs et les armoires à la recherche de bandages pour immobiliser ses doigts, la seule chose qu'elle imaginait utile pour empêcher ses membres blessés de bouger et de la faire souffrir davantage.
Ses pensées dérivèrent pendant que ses yeux inspectaient les étagères. Une fois encore, la solitude lui imposait sa présence suffocante. Elle se sentait vulnérable, ainsi. De mauvais souvenirs remontèrent, ainsi que des peurs qu'elle croyait avoir surmontées depuis longtemps. Bien malgré elle, elle imagina des silhouettes menaçantes dans les recoins les plus sombres de l'infirmerie, accompagnées de rires moqueurs et de mots blessants. Elle sentit son cœur s'affoler tandis qu'une panique sans nom l'envahissait.
Elle sentit les regards narquois des ombres posés sur elle. Comme dans ses cauchemars, elle se plaça dos au meuble dans l'espoir d'apercevoir le visage de ses harceleurs. Rien, hormis la forme décharnée de corps dans les ténèbres. Elle les entendait, pourtant. Elle savait qu'ils s'approchaient pour l'encercler.
Dans un dernier sursaut de lucidité, elle ferma les yeux. Elle invoqua au plus profond de son esprit l'image de Sindor, son visage rassurant, ses bras puissants, ses caresses apaisantes. Il ne se trouvait certes pas à ses côtés, mais elle savait qu'il n'était pas loin. Il ne l'abandonnerait jamais. Il n'oserait pas.
Sans rouvrir les yeux, elle envoya le pâle profil de son amant à la rencontre des ombres. Elle sentit qu'ils reculaient. Elle donna à sa vision une épée rutilante, qu'il agita en direction des créatures. Bientôt, il en pourfendit un, puis un autre. Le calme revint sur l'esprit de la jeune fille, qui poussa un léger soupir de soulagement.
Elle rouvrit bien vite les yeux, consciente que ses démons ne tarderaient pas à la retrouver. Elle devait se dépêcher de trouver ce qu'elle était venue chercher. Elle redoubla d'attention, même si ses yeux survolaient les différentes surfaces en vitesse, jusqu'à dénicher, dans un placard, une pile de rouleau de tissu. Elle en attrapa quelques-uns, qu'elle glissa dans sa poche avant de s'enfuir à toutes jambes dans le couloir.
VOUS LISEZ
Le Dragon des Mers
FantasiaAn 7897 de l'Ère de Lumière. La guerre des Dragons s'était terminée quelques mois plus tôt, laissant des régions entières ravagées par les armées Humaines et celles des Peuples Premiers-Nés. Alors que tous s'unissaient pour reconstruire les terres s...