Chapitre IX - I : Le Perle d'Ambre

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L'heure d'exécuter le plan arriva bien vite pour les orphelins. Durant toute la journée, ceux-ci s'étaient préparés pour l'assaut du navire et la mise en place des différentes diversions sous le regard d'acier de leur jeune chef. Anathor, sur la demande de Faelor, lui avait ramené un fourreau sobre pour ranger son poignard. Il avait aussi repris celui qui ne servirait pas, en échange d'une bourse bien remplie que Raeni avait essayé de refuser. L'alfombre avait alors insisté pour qu'elle la prenne, au moins en tant que paiement pour l'objet décoratif de grande valeur. Elle avait fini par céder, à moitié à contrecœur.

Tous ceux qui avaient choisi d'accompagner l'hybride avaient préparé leurs affaires, que les marins avaient embarqué sur le navire le plus discrètement possible. La jeune femme avait insisté pour qu'ils emportent des vêtements, surtout des pantalons pour les filles, habillées d'ordinaire de robes guère pratiques sur un navire. Elle avait aussi insisté pour leur trouver des armes, malgré sa volonté de ne jamais blesser ni tuer. Elle se doutait bien qu'un voyage en mer risquait de les amener à se battre, au moins contre des créatures marines. D'après Thaelor, Mililian regorgeait de monstres en tous genres et il leur fallait se tenir prêt à les croiser. Bien sûr, le navire abritait une armurerie complète, mais Raeni avait peur que les épées stockées là-bas, conçues pour être maniées par des hommes adultes et entraînés, soient impossibles à soulever pour des adolescents orphelins, pour la plupart à peine correctement alimentés.

Le crépuscule était finalement tombé sur la ville et avait apaisé la frénésie des orphelins. En revanche, une excitation teintée d'angoisse avait pris possession de leur cœur et tous terminaient de se préparer pour le rôle qu'ils auraient à jouer dans la soirée. Laëlia et ses amies avaient enfilé des robes älfaë, à la fois légères et voluptueuses, si merveilleuses que les adolescentes en étaient transformées. L'heure de partir approchait, mais la demi-fée avait une dernière mission à accomplir avant de rejoindre la taverne. Raeni lui avait demandé de l'aide, car elle savait qu'elle ne pourrait pas gagner le Perle d'Ambre sans déguisement. Les gardes restaient attentifs, et, s'ils venaient à la trouver, elle risquait de se faire arrêter. De plus, il lui fallait à tout prix endormir la méfiance des marins afin de réussir à leur faire avaler le somnifère sans se faire repérer. Et pour cela, quoi de mieux que de se faire passer pour une danseuse Dëlmyn Lëthä ?

Laëlia lui avait donc procuré une tenue semblable à celle des artistes. Elle terminait de maquiller la jeune femme, métamorphosée par les soins de son amie. De délicates arabesques orangées couraient sur ses joues et autour de ses yeux et mettaient en valeur ses iris. Ses cils avaient été rallongés par un traitement magique, ses lèvres colorées et couvertes de minuscules paillettes d'or. Une couronne de perles ambrées retenait sa chevelure courte et irrégulière. Avec sa robe diaphane dont les voiles limpides coulaient sur sa peau noire aux reflets orangés, les fils enflammés qui s'enroulaient avec grâce autour de ses jambes et les fines sandales incandescentes à ses pieds, elle était métamorphosée. Même Thaëlya, venue chercher ses ordres, ne la reconnut pas tout de suite lorsqu'elle la vit. Raeni, bien que mal à l'aise dans des vêtements si légers, se trouva satisfaite. Elle se sentait certes nue et désarmée, elle avait froid et ses sandales lui faisaient mal aux pieds, mais elle devait avouer que personne ne pourrait penser avoir affaire à elle.

Elle passa une cape sur ses épaules pour se réchauffer un peu, puis sortit à la suite de la demie-älfä. Leurs pas les menèrent jusqu'au port, où l'heure tardive s'accompagnait de la présence de nombreux marins partis chercher un peu d'amusement, de boisson et de nourriture à l'auberge. Elles se mêlèrent à la foule pour éviter les gardes occupés à patrouiller dans les environs, puis Raeni faussa compagnie à son amie pour gagner une ruelle étroite et déserte. Plus loin, une porte de bois fermée laissait filtrer une rai de lumière par une interstice entre deux planches un peu abîmées. Elle poussa le battant pour entrer dans le bâtiment.

Le Dragon des MersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant