- 2 - Bowie

2 0 0
                                    

J'étais rentrée tard ce soir-là. Les vieux dormaient, ils ne m'avaient pas prêter attention. J'avais déboulé dans la cuisine, pour trouver un truc à grailler. Puis je l'ai vu. Et de suite, j'avais plus du tout faim.

Il était là, assis en tailleur sur le canapé, les cheveux dans le vent à cause de la fenêtre grande ouverte. Une bière dans la main et une clope dans l'autre, il transpirait. Comme si quelqu'un allait sortir de lui?  Il avait des beaux yeux mon frère. Seulement, là, ils n'étaient pas jolies. Ils tournaient plutôt au rouge. Je peinais à le reconnaître. Les mains tremblantes, il fixait l'écran noir de la télé, où il se reflétait, je crois qu'il réfléchissait.

- Keith? l'appelai je, cherchant à comprendre...

- Tire toi Ronnie. Je veux pas que tu me vois dans cet état.

Quelques larmes perlaient au coin de ses yeux. Je savais qu'il était retombé dans ces conneries là. Je le connaissais bien après tout. J'avais pourtant gardé espoir...

- Tu finiras par crever à cause de cette saloperie.

Je lui avais dit ça. J'aurai pas dû mais je lui en voulais. Tellement. Il nous avait promis qu'il allait s'en sortir. Il avait dit "Si Keith ne peut pas le faire, alors personne ne le pourra." Puis moi, j'y avais cru, et les parents, ils y croient encore. Mon père, il s'en foutait de la santé de son fils, mais ce qui le mettait en rogne, c'était qu'il utilise son fric pour ça.

Ce soir-là, j'aurai préférée arriver encore plus tardivement, histoire de pas le croiser. De pas savoir.

Sans lui lancer un seul regard, je me suis dirigée vers ma chambre. Je m'étais mise dans mon lit et j'attendais que le sommeil vienne à moi. C'est Keith qui est venu finalement. Il a demandé à ce qu'on parle.

-Tu sais p'tite sur, tout est pas rose en ce moment. J'ai fait une grosse connerie et-, il y a pas de retour en arrière possible.

Je lui ai pas répondu, j'ai simplement levé un sourcil, pour qu'il puisse continuer.

- Non. dit-il en secouant la tête, Je peux pas t'en parler pour le moment. Je le ferai en temps et en heure, tu as ma parole.

J'ai pas insisté, je savais bien que mon frangin n'allait rien me dire. Il avait éveillé ma curiosité et c'était terrible. Maintenant il pleurait. Je me suis dit que ça devait être un gros problème pour qu'il ait besoin de retoucher à ça. Mon cœur se compressait, je ne savais pas quoi faire. Alors je l'ai serré dans mes bras, on s'est allongés sur mon lit.

- Pleure pas grand-frère, tu me pousserais à croire que t'es un faible.

J'ai essayé de l'embêter, il a rigolé et nous nous sommes endormis. Comme lorsque nous étions plus jeunes, nous étions toujours collés l'un à l'autre. Avec Mick aussi bien sûr, seulement Keith et moi c'était différent. On avait un lien spécial qui j'avoue, avec le temps s'est brisé. Mais j'étais heureuse de le retrouver juste pour une nuit. 

Il s'était réveillé après un cauchemar. Et comme il avait crié, je me suis réveillé moi aussi. Je lui avait demandé de me le raconter. Il avait hoché la tête simplement.

- On était tous les deux. Mais d'une façon différente que celle d'aujourd'hui. Tu me parlais, et j'étais dans l'incapacité de te répondre pourtant je le voulais. Tu regardais une pierre, une pierre tombale. Tu pleurais. Tu disais, tu le répétais même. "Je t'aime, bientôt je te rejoindrai" Cela semblait sincère. Moi aussi je le disais. Je te tenais la main, tu avais une jolie bague d'ailleurs, mais ce n'était pas une bague de fiançailles, ne te réjouis pas trop. il rigolait en croisant mon regard. Il commençait à pleuvoir, tu as déplié ton parapluie, et tu t'en es allé. J'ai voulu aussi partir, te suivre, mais je n'ai pas réussi. On m'en empêchait. J'ai tourné la tête, j'ai vu la pierre tombale sur laquelle tu te lamentais. On pouvait y lire mon nom. c'était affreux, pensais-je, J'étais mort Ronnie. De toutes les manières possibles.

1986, la proie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant