- 6 - Brel, encore et toujours.

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J'avais quitté mémé la veille. Elle m'avait mis dans le train vers Paris. Après ça, j'ai rejoins l'aéroport et je suis parti. J'ai quitté la France et ça m'a donné les larmes aux yeux. Puis, une joie a explosé dans tout mon corps quand j'ai posé mes pieds sur mon sol à moi. Mon sol américain.

La valise à la main, j'ai pris le bus comme j'ai pu jusqu'à chez moi. Je me doutais bien que personne n'allait venir me chercher. Ronnie, t'es pas dans un film merde quoi.

Je suis arrivé chez moi. J'ai sonné. Après quelques minutes, des pas déversaient les escaliers, des pas lourds et pressés. Aussi rapidement d'un coup de vent, la porte s'est ouverte à la volée.

- Ron! cria Mike en se jetant dans mes bras.

Il m'avait manqué ce couillon. Puis, une autre tête dépassa de l'encadrement, Keith... Il poussa l'autre et déposa un baiser sur mon front.

- Bon retour parmi nous, princesse. m'a t il chuchoté.

Il puait la clope et l'alcool. Les yeux vitreux, quelques chose n'allait pas. Comme la dernière fois. Mais j'étais heureuse de le revoir. Trois semaines sans eux, c'est terrible. J'ai l'impression de ne pas les avoir vu depuis des siècles. Keith a pris ma valise et je suis rentré. Rien n'avait changé. Toujours un désordre sans nom, c'est qu'ils vont bien. Mon chien était là aussi, la langue de sorti, il aboyait.

- Où sont les parents? leur ai-je demandé.

- T'entends pas la musique? Ils veulent apprendre la valse maintenant.

Mike m'a montré le salon du doigt. On les voyait danser comme au premier jour. Ils avaient transformé la pièce pour avoir le plus d'espace possible. C'est étrange, plus le temps passe et plus je les trouve bizarre.

- La valse vraiment?

Les vieux sont des rockeurs. Je veux certainement pas qu'ils deviennent des trucs pareils moi. Alors forcément, je les regardais d'un mauvais oeil. Enfin, les frangins aussi. Ils avaient l'air exaspérés et très gênés. Mais oui, il y a de quoi! En seize ans d'existence, jamais je ne les ai vu dansé. Et là, ils déambulent de partout. Si papa se prend pour Travolta, il va vite revenir sur Terre. On entendait l'arrière fond musical d'ici, vraiment, il faut toujours qu'ils mettent la musique aussi forte, comme mémé elle fait...

"Copain copain copain
Venez danser
Et ça danse les yeux dans les seins"

On entendait Brel aussi ici. Ça semblait aller bien avec leur danse, c'était calme, c'était beau. Avec les garçons, on les fixait. On était leur public et ça changeait de leur habitude spectacle.

"Ils se racontent à minuit
Les poèmes qu'ils n'ont pas lus
Les romans qu'ils n'ont pas écrits
Les amours qu'ils n'ont pas vécues
Les vérités qui ne servent à rien
Les paumés du petit matin"

Maman faisait aller ses hanches, ça fit rire notre vieux. Et nous aussi. Ils avaient l'air amoureux, trop amoureux.

- Et toi soeurette, t'es une paumé du petit matin hein ? a dit Mike.

Il sous entendait que j'étais une femme de petite vertu, une pute. Et moi, ça m'avait pas dérangeait mais, Keith avait l'air d'un avis différent.

- Ta gueule Mike. Tu peux dire ça de sa pote Elen si tu veux mais là, tu lui dois le respect. Elle est pas comme ça ma Ronnie.

Keith avait posé ses bras au dessus de mes épaules, comme s'il était mon bouclier. J'étais gênée, je savais bien que Mike voulait simplement rire mais, c'est vrai que sur ça, Keith n'est pas un grand rigolo. Il a plus de dignité que quiconque, enfin, la plupart du temps.

1986, la proie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant