- 4 - Rivers et Berger

1 0 0
                                    

Mardi. Cette vieille peau rendait les copies. Elle gambadait à travers la classe, faisait des commentaires à chacun. Puis enfin, elle s'était rapproché de moi et m'avait glissé à l'oreille un truc qui ressemblait à : "Vos notes sont catastrophiques mademoiselle Wilson. Vous allez devoir vous bouger un peu si vous ne voulez pas rejoindre votre frère à la station service." C'était le truc de trop. Le mot à ne pas dire. Du moins, à ne pas évoquer auprès de moi. Mon frère, on s'en moque pas. C'est tout. Alors évidemment, j'ai malencontreusement répondu un truc de ce style-là, d'un ton parfaitement arrogant:

- Je vous emmerde madame Stripper. Vous, et toute votre famille.

Je crois que je rêvais inconsciemment de la voir morte. Elle était tout ce qu'il y a de plus détestable sur terre. J'avais quitté son cours. Sa remarque était déplacée. Oui, j'aurai pas dû répondre un truc pareil. Mais ça n'est pas honteux de travailler là-bas, même si, je n'en ai pas envie moi-même.

- T'es complètement inconsciente Ron. Tu sais que les notes sont importantes, fais pas comme moi. Mike me dit. Ignore là simplement.

Si c'était facile... C'est au dessus de mes forces je crains. Je venais de lui raconter l'événement. Nous étions tous les deux sur le parking du lycée, adossés à la voiture. Je lui avais montré ma copie. Il avait ricané en disant que, d'un côté, il comprenait la professeure. Je n'avais fait aucun effort, rien de chez rien. Je crois que, j'avais la tête ailleurs à ce moment-là. Enfin, je l'ai toujours ailleurs.

- Je vais y aller. Tu rentreras en bus, a fait mon grand-frère avant de démarrer.

Je n'avais pas trop le choix. Il était dix sept heure et, on m'avait collé jusqu'à 18h30. Pour ce fameux truc. Je soufflais, mécontente mais je me plaignais pas, je l'avais mérité. Je suis loin d'être une élève modèle mais, je ne manque pas de respect aux enseignants habituellement. Alors, oui, là, je m'en voulais. Je ne me reconnaissais pas. Je me dirigeais vers la salle 107. À cette heure-ci, il n'y avait plus personne, sauf la femme de ménage et sûrement le concierge. Elle nettoyait une salle de science avec sa serpillère. Elle aussi, elle avait un walkman aux oreilles et se déhanchait sans s'en rendre bien compte.  J'espérais secrètement me déhancher un peu mieux qu'elle. Même si je suis une piètre danseuse.

J'arpentais misérablement le couloir. Après quelques minutes, elle était là. Devant la porte. Madame Stripper. Si j'avais pu l'éviter celle-là.

- J'ai cru que vous ne viendriez pas. Il faut croire qu'il vous reste un peu de bon sens, elle me tendit une copie. C'est à faire et ce sera noté. Un surveillant vous attend à l'intérieur.

Elle partait. Bon Dieu, merci. Pendant un instant, je pensais devoir me la coltiner. J'entrais en trombe dans la salle. Une salle qui était pleinement vide. Aucun autres élèves. Il faut dire que, nous coller, c'est pas dans les aspirations du lycée. Puis, c'est plus chiant qu'autre chose alors, on essaye de l'éviter. Puis, j'apercevais dans le fin fond de la classe, aux côtés de la fenêtre, un homme. Je l'ai directement reconnu, Ben.

N'ayant pas été discrète, il a tourné la tête pour voir d'où venait le bruit.

- Ronnie Wilson, il me scruta de la tête aux pieds. Armé d'un rictus, il continua, si je m'attendais à te voir toi. Je ne te croyais pas délinquante.

- J'en suis pas une. C'est cette idiote de Stripper qui me fait passer pour la méchante, j'avais raison. Et Ben le savait.

Il était au lycée il y a quelques années. Il l'avait même eu comme professeure principale. Le pauvre, il a dû en chier. En baver quoi.

- Allez va t'asseoir, il designa une chaise et une table juste en face de son bureau à lui. Ce soir, j'ai un truc important à faire alors, un copain à moi va me remplacer. Tu diras rien ?

1986, la proie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant