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Une chanson s'empourprait à l'intérieur de la voiture. J'étais au milieu, entre les jumeaux. Et les parents se disputaient à l'avant. Nous parcourions les grandes routes. Keith et Mike fumaient à leur aise. Et je me souviens que ma vieille les a plusieurs fois repris.

- Vous pouvez pas fumer ailleurs ? Votre soeur va avoir un cancer à cause de vous. puis, elle reprit sa dispute, qui il me semble, portait sur l'autoroute qu'on devait prendre.

Elle ne savait pas qu'il m'arrivait de fumer. Mais si elle l'apprenait, je crois que ça l'embêterait un peu. Maman, elle veut qu'on s'éloigne de tout ça. Forcément, c'est à cause de grand-père. Il fumait comme un pompier, c'est ce qui a causé sa perte. Ça lui faisait peur à elle, elle se bataillait sans fin avec pour qu'il arrête mais vous vous en doutez, la seule chose qu'il répondait, c'était qu'il aimait ça plus que tout et que si il en mourrait, ça lui était égale, il avait deja bien vécu.

Nous étions le 30 octobre. Et si je précise ce jour, c'est qu'il a bien son importance. Oui. C'est l'anniversaire de Mike et Keith. Les parents ont eu l'idée de nous ammener à la plage pour fêter ça. On rentrerait dans la soirée pour manger le gâteau. Avant de prendre la route, mon vieux avait insisté pour donner les paquets de Malboro aux frangins qu'il avait soigneusement acheté pour ce jour. En fait, il fait ça depuis cinq ans maintenant. Ça leur sert de cadeau d'anniversaire et, ça leur plait bien.

Sur la route, j'ai repensé à ce qu'il s'était passé avec Sean. Je ne l'ai pas revu depuis la dernière fois. Toutes les fois où j'ai essayé de parler avec Keith de lui, de comment ils se connaissaient, de la raison pour laquelle il s'était mis autant en colère mais rien. Il évitait le sujet à tout prix. Je m'étais bien attachée à Sean. Peut être plus que lui ne l'était avec moi. Alors, pour éviter cette humiliation, je me suis interdit de penser à lui. Et jusque là, c'est plutôt un échec. Mais aujourd'hui, c'est un jour spécial. Je ne verrai que par mes frères.

Après quelques heures de route. La plage se trouvait là, devant moi. Je me souviens des garçons qui gonflaient les bouées et de maman qui se plaignait du sable.

- Il en y a partout dans ma culotte! clamait-elle.

Elle me faisait rire avec ses bêtises. Ils étaient déjà à l'eau et jouaient au ballon. Avec papa, on était resté sur la plage, pour surveiller les serviettes. On les regardait se trémousser, j'en riais aux éclats tandis que lui, il se contentait de les fixer. J'avais voulu lancer une conversation.

- Tu vois bien comme ils sont grands maintenant ? Ils se débrouillent bien. et c'est vrai, je le pensais.

Je me souviens du soufflement de mon vieux, comme si cela l'emmerdait. Et quand je pensais qu'il n'allait pas répondre il a simplement dit:

- Ils sont bêtes tes frangins. Ils auront toujours besoin de nous.

Je le trouvais difficile avec eux. Il n'était pas objectif. Mais peut-être que c'est moi qui les idéalisais trop. Mon père ne parlait pas des masses. Il se foutait de tout. Mais ça, je vous le dis souvent. J'ai juste envie de vous le répéter, parce que ça me peine vachement. J'aurai aimé être plus proche de lui, plus proche de mon papa. Après, je sais qu'il n'aime pas le montrer mais, il tient à nous. Je me souviens d'un soir de décembre. Celui de Noël en fait. Nous étions assez jeune et, maman avait oublié d'acheter une bûche pour le dessert. On s'en foutait royalement mais, pas Keith. Il avait fait une sacrée crise en répétant qu'un Noël sans bûche au chocolat, c'était pas un Noël. Alors mon vieux avait pris la voiture en pleine nuit, lui qui deteste ça, il a fait tous les magasins possibles. Forcément, rien n'était ouvert, il a dû cambrioler une supérette, piquer un gâteau et laisser l'argent à la caisse. Il avait fait l'impensable juste pour son gamin.

1986, la proie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant