- 3 - Boys Don't Cry

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Nous sommes un jour de pluie. Et je pense que c'est le genre de jour où nous pouvons accomplir de grandes choses. Je lis. La lecture m'apaise comme le lait apaise un bébé. Mon grand-père disait souvent qu'il fallait vivre pour la musique, mais être prêt à mourir pour lire. Oui, c'est un peu disproportionné mais, le fond est juste.

"Les sanglots longs des violons de l'automne blessent mon coeur d'une langueur monotone. Tout suffocant et blême, quand sonne l'heure, je me souviens des jours anciens et je pleure."

Écrire comme Verlaine. Voilà la plus belle des qualités. Quelques mots de ce poète, et ça traverse mon âme en retournant mes entrailles. Il dit vrai. Le passé nous semble toujours plus heureux que le présent. Notre enfance nous paraît si tranquille par rapport à nos 16 ans. J'en suis tout bonnement la preuve.

Lors de mon enfance, mon grand-père me lisait beaucoup de poèmes. C'est ce qui rend charmant l'intérieur d'une femme, ça la rend plus douce. C'est comique de dire ça, je ne suis pas la première à qui on associerait cette étiquette, mais il est chouette de posséder plusieurs facettes.

- Ronnie tu es irrésistible quand tu lis. On dirait ma prof de français, il n'y a que Mike pour balancer une connerie pareille. Sa prof de français est absolument ignoble, dans tous les sens du terme, malgré ça, je suis certaine qu'il a déjà couché avec elle pour obtenir ses faveurs. Les mecs quoi.

Il se positionne dans l'encadrement de la porte, l'air détaché. J'aperçois Keith derrière avec un rictus. Il se fout de moi complétement.

- Moi, je sais lire. Contrairement à certain, c'est surtout pour Mike que je dis ça.

En choeur, ils m'ont balancé un "La ferme". Ces deux-là sont bien jumeaux, soyez-en certain. Keith s'est approché de mon placard, il en a sorti un jeans à trou, un large tee-shirt, une veste bien trop grande et des souliers. La mode c'est peut-être sa nouvelle passion.

- Mets ça, on sort ce soir.

- Et si je ne veux pas sortir ? ai-je répondu, un sourcil arqué. Tu cherches les broutilles Ronnie, non?

J'ai peut-être cherché les embrouilles oui, mais, je n'avais pas prévu que ces deux grandes brutes se jettent sur moi. En un rien de temps, je fus propulsé dans les bras de Mike, puis de Keith. Comme un ballon de basket, ils s'échangeaient leur soeur en répétant "Attrape". J'ai crié, mais je riais en même temps. Ils ne m'ont pas prise au sérieux. Je n'éprouve finalement pas beaucoup de résistance puis, je n'ai pas trop le choix, l'idée d'être avec eux me réjouit bien trop. Une soirée de plus au paradis.

Le paradis... Parlons-en du paradis. Leur soirée n'était pas réellement celle à laquelle je m'attendais. Keith faisait le conducteur, Mike s'occupait des cassettes et moi, moi j'étais au milieu de ma vieille Cadillac, placée entre deux filles, plus insupportable l'une que l'autre. Ça paraissait à tout, sauf à une soirée en famille. Puis, bien vite, j'ai eu ma réponse.

- Bon Ronnie! On te laisse ici, on est avec les copains chez Mary, je ne l'entendais pas très bien à cause du bruit, on... revenir tard. Téléphone aux vieux quand...

Quand je veux rentrer. J'ai bien compris. Ça devait être une idée des parents ça, ils ont gentiment demandé aux frangins de m'emmener pour avoir la maison. Ça leur ressemble, ils font souvent des soirées entre adultes. Bien que, ils auraient pu me prévenir, j'aurai pu prévoir un truc et éviter ça.

Tonis's. Voilà où je suis. C'est un bar aux extrémités de la ville. Pas mal de groupe se produisent là-bas. Au dessous, il y a des salles avec des jeux d'argent, un peu de tout et n'importe quoi. Je sais juste que je ne suis pas autorisé à y aller, il faut la majorité.

1986, la proie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant