3. Rapprochements ou pas...

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Depuis notre départ de nos terres natales, deux semaines étaient passées. Chaque seconde écoulée sur ce bateau m'avait comblée d'un plaisir immense et je m'en délectais à chaque instant. Nous avions fait plusieurs petites escales, mais aujourd'hui notre cape était dirigée vers la fameuse île du capitaine qui était, selon lui, renommée. Nous étions à encore une semaine du port Levant et l'excitation montait à bord. Sur la proue du navire, je contemplai la tache noire à l'horizon se rapprocher doucement de nos corps avides d'aventures. L'air marin me satisfaisait toujours autant, ce qui avait le mérite de n'être pas le cas pour tout le monde. Comme pour valider mes songes, je fus coupée dans mes pensées par les envies de régurgiter de mon ami de toujours :

« Je crois que je vais vomir, gémit James.

- Ce ne sera pas la première fois, lui répondis-je en rigolant.

En entendant ma voix sublimée par mon rire, James n'eut plus envie de vomir. À chaque fois que ce dernier était malade, il eut suffi qu'il pensât à autre chose pour que le miracle apparaisse. Comme il le disait si bien : j'étais son ange gardien. Mon regard était tourné sur la mer tandis que celui de mon compagnon vers moi. S'entend son attention dans ma direction, je me tournai de nouveau vers James. Lorsque je le voyais, tout l'amour que nous ressentions l'un pour l'autre transperçait la brume matinale.

Anthoine arriva et coupa notre échange en toussotant. L'homme à la queue-de-cheval noire lança quelques œillades sur moi et James pensa qu'il était de trop. M'offrant un dernier coup d'œil rempli d'une expression que je ne saurais déceler, il partit en ajoutant :

« Je vais aller me calmer un peu... Tout cet air marin me retourne le ventre. »

Il nous laissa donc Anthoine et moi seul. Depuis le début, nous nous étions beaucoup rapprochés avec ce dernier, ce qui, me semble, n'avait pas plu à Jeanne et à James. Toutefois, cette dernière n'avait fait aucun commentaire, craignant sûrement mon épée. Son silence m'avait accordé du temps avec son futur mari, ce qui n'était pas pour me déplaire. C'était un ami formidable. Rempli d'une constante élégance et d'une conversation à toute épreuve, Anthoine était très charmant. En comparaison, les deux autres hommes étrangers, au fort accent, ne faisaient pas le poids. Ce jeune homme charismatique aux regards clairs commença :

« Vous savez Rita, ces derniers jours, nous nous sommes tout particulièrement rapprochés...

- Bien sûr, Anthoine.

- Eh bien, malgré cela... Je ne vous ai jamais demandé votre pardon pour la conduite de Jeanne.

- Oh, non ! Ne vous excusez surtout pas. Vous n'êtes pas responsable du comportement de votre future femme.

- Pourtant, je m'en sens bel et bien l'auteur puisque c'est moi qui l'ai forcé à faire ce voyage.

- Pourquoi cela, questionné-je curieuse.

- Tout simplement parce qu'elle n'est pas altruismes, ni généreuse, ni même gentille. Toutes ces qualités lui sont inconnues. Alors, je me suis dit que si elle faisait un circuit avec d'autres personnes moins élevées socialement qu'elle, Jeanne pourrait peut-être acquérir ces quelques valeurs.

- Vous semblez ne pas beaucoup la porter dans votre cœur, ose-je doucement.

- En effet, je ne l'aime pas. »

Je ne répondis rien, étonnée par cette réponse sincère. J'attendis qu'il continuât ses explications :

« Je suis attaché à elle, certes, mais je ne ressens rien envers Jeanne. Car elle semble totalement déconnectée de mes principes. Elle est quasiment à l'opposé de mon caractère...

- Excusez-moi pour cette question, mais alors, pourquoi l'épouser, lui demandé-je innocemment.

À ma question audacieuse, Anthoine rigola légèrement. Ma naïveté, complètement en déconnexion avec son monde, l'attendri et lui provoqua des rires naturels. Il reprit en plongeant ensuite ses yeux vert d'eau dans les miens :

« Nous sommes obligés de nous marier... »

Ma bouche ne le laissa pas plus m'en dire et le coupa :

« Mais, c'est affreusement stupide !

- C'est pourtant ma vie...

- Oh, je vous demande pardon. Je n'aurais pas dû m'exprimer ainsi...

- Non. Ne vous inquiétez pas, j'apprécie votre spontanéité. »

Je ne sus quoi lui répondre. Il avait l'air perdu dans ses pensées, comme s'il cherchait le moment où sa vie avait basculé. Je lui lançai alors un simple sourire, espérant que ma maladresse ne l'ait pas blessé. Sans que je le voie venir, Anthoine s'approcha légèrement de moi et avec beaucoup de délicatesse, il embrassa ma joue blanche. Ses lèvres restèrent quelques secondes contre ma peau, puis il s'éloigna en soupirant douloureusement. Ma figure rougit de plus en plus et ma tête resta interdite durant quelques secondes ; ce genre de gestes était tout nouveau pour moi. Devant son action et ma gêne passagère, l'homme qui venait de m'embrasser s'expliqua :

« Dans une autre vie, j'aurais aimé vous faire découvrir mon monde et peu à peu apprendre à vous aimer, si vous aviez voulu de mes sentiments. Toutefois, mon titre ne me l'aurait en réalité jamais autorisé... Vous êtes une femme incroyable, remplie de vie et d'une intelligence créative. Ces quelques semaines m'ont permis de découvrir quelle beauté et magnifique femme, vous êtes, Rita... et je vous en remercie de tout cœur. »

Sans un mot de plus, il partit avec légèreté loin de moi. Me laissant pantoise devant cette scène nouvelle et inattendue. Je n'avais connu que les regards érotiques des hommes jusqu'à maintenant, alors des douces paroles à mon encontre m'étonnaient grandement. Pourtant, je ne pouvais me le cacher, ces quelques mots m'avaient rendu très heureuse. Je me demandai alors si je ressentais quelques sentiments pour Anthoine, mais mes pensées furent troublées par la présence de Jeanne, qui s'avançait dangereusement de moi.

Son regard noir me transperça. En la voyant arriver, je compris qu'elle avait tout vu et qu'elle n'allait pas en rester là. La marquise s'approcha de plus en plus de moi de façon menaçante. Arrivée devant moi, elle me murmura avec rage :

« Sur le nom de ma noble et ancestrale famille, tu vas me le payer cher pour ce qui vient de se passer. Tu viens de souiller mon futur mariage ! »

Sa voix était sans appel et son discours ridicule. Néanmoins, je savais que Jeanne allait se venger et l'épée de Damoclès qui tanguait au-dessus de ma tête pouvait tomber à tout moment. Elle partit en furie vers l'intérieur du bateau, sûrement dans l'optique de préparer un plan macabre. Je soufflai alors devant cette situation épileptique. De son baiser, je n'avais été que spectatrice ; donc pourquoi voulait-elle s'en prendre à moi ? Il était évident qu'Anthoine et Jeanne ne ressentaient rien l'un pour l'autre, dans ce cas pourquoi cherchait-elle la confrontation ? Était-ce uniquement à cause de mon piètre rang social ?

Sans réponses à ses multiples questions, ma vision se tourna à ce moment-là vers l'île qui était dorénavant beaucoup plus proche. Le temps glissait décidément à une vitesse folle sur ce navire, ce qui ne me plaisait pas vraiment. J'avais envie que ce voyage ne s'arrête jamais, ma vie à bord me plaisait beaucoup trop. L'excitation de découvrir cette nouvelle terre effaça complétement la précédente querelle et avec joie, j'entendis :

« Nous allons bientôt débarquer sur l'île... Préparez-vous ! »

 Préparez-vous ! »

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Captive du capitaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant