𝐀𝐁𝐑𝐈𝐄𝐋
À jeun, comme on me l'a demandé lors de ma dernière visite chez l'anesthésiste, j'arrive à la petite clinique tout prêt de Pézenas. Les deux jours qui ont précédé celui-ci ont été dur, et pas seulement parce que je savais ce qu'il allait m'arriver, mais plutôt parce que je doutais. De cette Justine, de mon père et de son amour pour nous, mais par-dessus tout, de mon rein que j'allais donner à mon frère. Et si ça se passait mal. Et si, en fin de compte, nous n'étions pas compatibles. Et si, il mourrait et que tous ces efforts seraient mis à la poubelle.
Je secoue la tête et me masse les tempes au moment où je me présente à l'accueil, vers six heures quarante du matin. L'opération sera la première de la journée, pour nous laisser le temps de se voir après. La suppression de mon organe se fera en premier lieu, puis viendra ensuite le deuxième temps : celui de sa greffe. J'en tremble rien que d'y penser, et la secrétaire le remarque, me rassurant aussitôt :
— Vous allez le sauver, n'oubliez pas ça, monsieur. Le stress fait partie de ce genre d'opération, comme dans toutes les autres, mais gardez en tête qu'une fois que tout sera fait, il pourra de nouveau gambader et vous sauter dans les bras. Et cela, grâce à vous.
D'un signe de tête accompagné d'un sourire, je lui signifie que je suis reconnaissant de ce qu'elle vient de me dire. Puis vient l'appel de ma mère. Au fond du couloir, elle est tout pale, come dépourvue de vie alors que ce jour est censé être l'un de mes plus. Les cernes s'agrippent à ses joues et les larmes perlent au bout de ses yeux. Est-ce l'appréhension ou le bonheur ?
Inconsciemment, mon cœur se serre et je devine que quelque chose va mal.
Un au revoir pour la dame, et je parcours le plus vite possible l'espace qui me sépare de ma maman, la serrant dans mes bras dès que je peux. Ses petites mains me frictionnent le dos mais elles sont faibles, trop faibles pour qu'elle soit joyeuse.
Sans vraiment savoir ce qu'il se passe, je sens la tristesse, mais aussi la rage prendre place en moi, me faisant avoir un haut le cœur. Mon sac tombe par terre, entre nos deux corps tandis que le sien est parcouru de tremblements. Elle me tient fermement, de peur que je parte et que je la laisse seule face à ça. Jamais. Jamais je ne lui ferais autant de mal. Jamais ne n'oserai l'abandonner un jour d'une aussi grande importance.
— Ça ne sert à rien, Abriel. Ça ne sert à rien, répète-t-elle, comme pour elle-même.
Mes jambes cessent de me porter quand je comprends le sens de sa phrase. Je m'écroule par terre, ma tête entre mes mains. Un craquement provenant de ma poitrine cabosse encore plus mon âme. Mon souffle se fait défaillant et il me faut un bon moment avant de pouvoir réfléchir correctement. Tout est noir autour de moi, cela ne vient pas de mes yeux fermés, mais de mon monde qui s'écroule. Le sol se dérobe sous mes pieds, me propulsant dans le malheur infini.
Et puis la phrase de Luisa me revient en tête. « Quand ton cœur va mal, pense à celui de autres. » Il me faut d'abord la méditer pour pouvoir me l'approprier et en faire une belle place, là, maintenant. Alors que le mien est en train de se briser, celui de ma mère doit être dans un sal état, encore plus pitoyable que le mien.
Je me relève et tout prend place. Ses cernes, ses tremblements et ses larmes. Elle savait tout.
— Pourquoi ? Il avait toutes ses chances.
— Il ne voulait pas que ce soit toi son donneur. Son seul but était de te protéger. Joseph sait que tu fais du sport, il avait peur que cette opération ne complique tout.
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the summer of your last chance
Roman pour AdolescentsLeurs meilleurs amis respectifs leur proposent un mois de rêve dans une maison de vacances bohème. Loin de tout près des champs de lavande. C'est sans compter, le fait qu'ils se retrouvent au même endroit. Luisa est convaincue qu'il est là pour la...