Chapitre 5 - Le redémarrage

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7 Juin 2022

        Cela faisait déjà une bonne heure que j'étais levée. Accoudée à l'îlot central de la cuisine, les yeux fixés sur le fond de ma tasse de café, je m'accordais un dernier instant de rêverie avant de devoir retourner, enfin, à la vie réelle.

        Si j'étais revenue à Paris, c'était pour la publication du livre que j'avais écrit pendant tout ce temps. Un livre qui racontait mon histoire, cette soirée de mai 2017, ma fuite, mes angoisses, ma guérison. J'avais fini de l'écrire un an auparavant et sans grand espoir, avait envoyé le manuscrit à des maisons d'édition. C'était Francesca, ma petite grand-mère sicilienne, qui m'avait poussé à le faire. Pour lui prouver que ce serait un fiasco, j'avais fini par obtempérer et comme à chaque fois qu'il y avait débat entre nous, c'est elle qui eut le loisir de me montrer qu'elle avait raison. Après de nombreux contacts, sans réellement prendre de décision, il était devenu logique que je revienne m'installer ici.

        C'est aussi pour cela que deux heures plus tard, mes écouteurs vissés dans les oreilles, j'avançais d'un pas rapide dans les tunnels du métro pour me rendre au rendez-vous organisé avec mon agent et mon éditeur. Je n'étais clairement plus habitué à tout ça. Trop nombreux, trop rapides et pressés, les gens autour de moi couraient dans tous les sens dans cette atmosphère verdâtre éclairée par une lumière aux néons trop violente.

       « L'insoutenable envie de disparaître » allait être publiée le 1er septembre, sous le nom de plume d'Hélèna FAURE. Respectivement, mon deuxième prénom et le nom de famille de ma mère. J'avais changé tous les prénoms de l'histoire et remplacée Paris par Londres. S'il y avait bien quelque chose que j'avais à peine, et, avec grande peine , réussi à guérir, c'était le fait d'accepter que ça m'était arrivé, à moi. Mais de là à le crier haut et fort en racontant chaque détail de ma vie au monde entier sous mon vrai nom me tétanisait.

        En rentrant chez moi après avoir fait quelque course, une légère angoisse grandit en moi. Si Ken était là . Après tout, s'il était venu peu de temps auparavant peut-être qu'il se tenait actuellement au milieu de mon salon, conscient que j'étais de retour. Mais à la place se tenaient deux vieilles amies pour m'accueillir : la solitude et la déception. Non, Ken n'était pas là mais le pire était qu'il n'y avait aucun indice pour savoir s'il était passé ou non pendant mon absence. Je devais être lucide là-dessus il avait très bien pu venir, constater que j'avais repris possession de l'appartement, puis partir sans rien laisser, se promettant juste de ne jamais y revenir. Un peu comme ce que j'avais fait cinq ans en arrière. Je n'aurais pas pu pas lui en vouloir après tout.

        Je devais maintenant m'atteler à la tâche la plus compliquée de la journée. Quand j'étais partie, j'avais éteint mon téléphone, depuis, je ne l'avais jamais rallumé. C'est ce que j'allais faire. Mon ancien iphone branché à côté de la machine à café, je me tenais droite comme un piquet, les yeux rivés sur l'écran noir en attendant qu'il est assez de batterie pour se rallumer. Au moment où la petite pomme blanche apparue, je fis volt-face et partie sur le balcon. Allumer une clope ne m'avait jamais paru aussi difficile, mes mains tremblaient, je tirais avec force dessus pour essayer de me calmer. Je fis pareil pour la deuxième tandis que la troisième, à moitié consumée, eu pour destin de funeste d'être écrasée rageusement par mes soins.

        Il fallait que je le fasse, je ne pouvais pas revenir ici, la bouche en cœur et ignorer l'impact que ma décision avait eu. Ou peut-être qu'elle n'avait eu aucun impact, rien ne me disait qu'une fois le code Sim composé, mon téléphone se mettrait à vibrer frénétiquement. Au contraire, peut-être que je serais face à un immense silence avec mes deux fidèles amies, qui ne s'étaient toujours pas décidé à prendre congé.

        Du bout des doigts, je cliquais lentement sur les chiffres. Je soufflais un grand coup pour me donner du courage puis posa rapidement mon pouce sur le petit « OK ».

Avant Tu Riais - NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant