Chapitre 10 - Le contrat

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« - Anna. »

« - Ouh-ouh, Nana. »

« - Reveille-toi. »

« - Aaaana. »

        Je grognais dans mon sommeil. J'avais l'impression qu'un marteau piqueur avait passé la nuit à s'amuser avec mon crâne. Je sentais ma gorge sèche comme un désert et mes yeux devaient être gonflés comme des balles de tennis.

« - Je t'ai fait du café et j'suis allé chercher des pains aux chocolats. »

        Le ton grave de Mikael résonnait dans ma tête accentuant mon atroce mal de tête. D'une voix pâteuse, je réussis à lui répondre difficilement:

« - Pas envie.

- Ça j'm'en contre fou. Il faut que tu lèves et que tu manges. »

        Une fois extirpée du lit et installée sur un tabouret de la cuisine, je repris mes esprits. Mikael était toujours là. On était le matin, il avait donc passé la nuit ici. Il avait donc fini de lire. Ce qu'il n'avait donc pas pu faire, c'était d'amener ses fichus carnets à Ken. Mes yeux s'écarquillèrent. Houston, on a un problème. Je tournais vivement la tête vers la table à manger, là où aurait dû se trouver cette maudite pile.

« - Je suis allé lui conduire quand tu t'es endormie. »

        Je retournais à nouveau mon visage vers lui, les yeux ouverts comme ceux d'une chouette.

« - Et je ne lui ai pas dit que tu étais revenue. »

        Un frisson et une petite vague de soulagement me parcoururent. Mais une question restait en suspens.

« - Non, il n'a pas posé de questions. J'ai prétexté que j'avais eu ma mère au téléphone et que du coup j'avais mis plus de temps.

- Comment tu fais ?

- Pour lire dans tes pensées ? Me questionna-t-il en rigolant.

- Euh ..

- On va dire que je te connais bien et que tu as toujours été assez prévisible concernant Ken. »

         Une larme m'échappa, dévala ma joue et fini sa course entre mes lèvres. Le goût salé contrastant avec celui du chocolat me fis plissé le nez. Non, il fallait que j'arrête de pleurer, comment un être de ma taille pouvait contenir autant d'eau. Comment j'avais fait pour ne pas encore être complètement desséchée.

« - Écoute Nana. Repris-t-il. J'ai fini ton livre. Je me doute bien que cette fille dont tu parles c'est toi. »

         Il fit une pause, ravala bruyamment sa salive et planta son regard dans le mien.

« - Je sais pas quoi dire. Ça me fous en l'air, vraiment. Je comprends pourquoi t'es partie mais pour être honnête j'arrive pas à l'accepter. Merde Anna ! On aurait pu être là pour toi, on aurait été là pour toi d'ailleurs ! C'est dégueulasse ce qu'il t'es arrivée et nous en tant qu'amis on a rien pu faire. Si seulement on avait su. Pourquoi t'as rien dit ?

- Je .. je crois que j'avais honte. La vérité c'est que je ne voulais pas qu'on me regarde différemment, qu'il me regarde différemment. Je ne voulais pas devenir un problème, un fardeau. »

Il souffla puis repris:

« - Tu n'es pas un fardeau, tu n'es pas un problème. Ce sont ces sales races qui sont un problème, ce sont ces sales types qui devraient avoir honte. Pas toi ! Je vais être franc avec toi. Si tu veux gérer la situation sans porter plainte et seulement avec ton histoire, je te soutiendrais. Mais je ne cautionne absolument pas tout ça et si tu veux aller chez les flics je t'emmène dans la seconde.

-Nan..

-Attends, me coupa-t-il. Je sais. C'est ton deuil, ton corps, ta vie, c'est toi qui décides. Je veux juste que tu saches que tu n'es plus seule. Concernant Ken et les autres. Je ne dirais rien, je pense que c'est à toi de le faire et de la manière dont tu le souhaites. Et si c'est ça qui te fait peur, tu n'as pas à t'inquiéter, tout le monde sera compréhensif. Je dois quand même te mettre en garde, ça va le rendre dingue. Et même si tu ne t'en sens pas capable pour l'instant, ne tarde pas trop, il a le droit de savoir. Je crois surtout qu'il a besoin de savoir. »

        Sa dernière phrase plana dans mon esprit. C'est vrai, Ken avait le droit de savoir. Je m'allumais une cigarette et laissait mon esprit divaguer sur cette affirmation en contemplant les volutes de fumée.

« - Ok mais, juste laisse-moi encore un peu de temps. »

Il me tendit alors sa main que je serrais pour sceller notre accord.

Avant Tu Riais - NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant