Chapitre 7 - L'hallucination

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       Recroquevillée en boule sur mon canapé, je me réveillais difficilement. Depuis plus d'une semaine, depuis que j'avais rallumé ce maudit téléphone, ma routine de vie avait radicalement changé. Pour la deuxième fois de ma vie, tout ce que j'avais construit s'était effondré en un instant.

        J'avais tout lu et tout écouté. Les messages, les notes vocales, les mails, les chansons. J'avais découvert tout ce que j'avais manqué. J'avais découvert que je n'avais pas été présente quand les personnes que j'aime le plus au monde avaient besoin de moi. J'avais découvert tout le mal que j'avais fait. Ils m'aimaient tous, à leur manière certes, mais ils m'aimaient. Il y avait eu des messages d'insultes, d'incompréhension, de peur, de souvenir, d'espoir, d'amour. Je les avais abandonnés, eux, ils étaient restés présent. Ils m'avaient cherché, contacté et supplié sans cesse.

        Quand la décision de revenir à Paris était devenu inévitable, j'avais su tout de suite que je ne pourrais pas réapparaître dans leurs vies. Bien sûr que je l'espérais tout au fond de moi, je m'étais dit naïvement que peut-être un jour l'un d'entre eux tomberait sur mon livre. Que ce quelqu'un viendrait me voir et que je pourrais à nouveaux les serrer dans mes bras, faire partie de leurs vies. La réalité, c'était que maintenant que j'avais pris connaissance des évènements de ces cinq dernières années, je n'avais pas le droit d'espérer cela. Je me sentais beaucoup trop coupable, avais manqué beaucoup trop de choses.

        La première fois je m'étais enfuie dans un autre pays, cette fois j'avais opté pour la fuite de la réalité. Je me noyais dans l'oubli et le déni à grands coups d'alcool fort et de pétards. Complètement sous emprise, je végétais dans mon salon. Je revivais les instants passés, me replongeais dans mes souvenirs. J'inventais de nouveaux scénarios, essayer de réécrire l'histoire pour apaiser mon âme était devenu ma bouée de sauvetage. Les rares instants de sobriété me rappelaient à la douleur, donc, je les occupais à l'achat d'encore plus d'alcool et de drogues que je me faisais livrer.

        J'attrapais mon verre vide et me dirigea difficilement vers la cuisine. Le cocktail était simple, du rhum pur mélangé aux larmes qui dévalaient mes joues. La bouteille dans une main, le verre dans l'autre, je retournais m'asseoir au salon. Je n'avais aucune idée de la date ou de l'heure puisque j'avais fermé tous les volets. Un coup d'œil vers une des fenêtres de la pièce m'apprît, grâce aux faibles rayons de lumières qui réussissaient à percer, qu'il faisait jour. Je terminais mon premier verre quand la porte de l'appartement s'ouvrît. Je fermais les yeux, les rouvrît doucement et fixa la silhouette qui se tenait face à moi. Grande, massive et immobile, mon hallucination me fixait en retour.

        Je refermais les yeux. Ça ne servait à rien de me torturer, d'ici quelques instants il aurait disparu. C'était toujours comme ça que cela commençait. Toujours le même scénario. La porte qui s'ouvre, le spectre d'un de mes proches faisant irruption, moi essayant de l'approcher, puis sa disparition. De temps en temps j'avais le droit à une phrase ou deux. Souvent les mêmes. Soit on me disait que je n'aurais jamais dû revenir soit on me disait que je le méritais. Et toujours j'essayais de garder les yeux fermés le plus longtemps possible, car tant que je ne les avais pas ré-ouvert, ils n'avaient pas réellement disparus.

        Cette fois fût différente, je sentis deux bras puissants m'entourer pour venir me presser contre un torse musclé. Après un petit ricanement, sa voix grave se fit entendre :

« - Nana, t'es au courant que tu pues la mort ? »

        Les yeux ouverts comme des soucoupes, je n'osais plus bouger. Est-ce qu'il était vraiment là ou est-ce que j'étais vraiment devenue folle ? Il recula pour visser son regard au mien. Puis il reprit :

« - Nan sérieux, ça fait combien de temps que tu t'es pas lavée ? »

        Aucun son ne sortait de ma bouche, je restais penaude face à ce spectacle. J'étais abasourdie et tétanisée. Le regard de Mikael se fit d'un coup très tendre et avec un demi-sourire, il retira ses bras de mes épaules.

« - Tu sais quoi, va prendre une douche. Dit-il. Moi je m'occupe de faire un coup de ménage. Aller va, il faut qu'on discute et à mon avis ça va durer un petit moment. Et je n'ai pas envie de faire des câlins à une poubelle. »

        Sans trop comprendre ce qu'il m'arrivait, je me levais tout en le fixant et marcha jusqu'à la salle de bain en vérifiant tous les deux pas qu'il était toujours assis sur le canapé. C'était la première fois qu'une hallucination durait aussi longtemps. L'eau chaude qui coulait sur ma peau me remettait les idées en place. Il n'y avait que deux solutions, soit quand je sortirais de la salle de bain, il aurait disparu. Soit, il était réel. Un peu vaseuse, j'enfilais mes vêtements avec difficulté. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine et le stress me nouait la gorge. Je voulais tellement qu'il soit réel.

Avant Tu Riais - NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant