Diane songea que cela faisait un mois qu'elle et ses trois amies ne s'étaient pas réunies. Bien sûr, elle n'avait pas cessé de voir Iris Delacroix et Hortense de Beaumont, mais il en allait autrement pour Héphasie. La jeune femme s'était mariée à Alexandre Lion et le couple filait le parfait amour... à l'écart de toute civilisation, dans le domaine du duc d'Albufera. Certes, la peintresse leur avait bien envoyé des lettres, mais elles comptaient moins de mots que de dessins. Jolis, mais le trio de célibataires souhaitait à vrai dire en savoir plus sur la vie que menait leur amie, qui les avait laissées dans le flou le plus total.
Les retrouvailles furent donc terriblement joyeuses et bruyantes. Iris, en particulier, une créature fougueuse à l'éblouissante crinière de feu, se fit un plaisir de cuisiner la pauvre Héphasie.
La douce Hortense dut rappeler tout ce beau monde à l'ordre : elles auraient tout le temps de discuter en voiture. Si on tardait trop, on n'arriverait pas avant que le nuit tombât au domaine des Beaumont.
Comme de coutume, sa sagesse l'emporta.
— Merci pour ton invitation, Hortense. Nous allons follement nous amuser ! s'exclama joyeusement Iris.
— Vous devrez remercier mes parents, c'était leur idée ! Après ce mois de séparation, ils ont pensé qu'une partie de campagne serait agréable.
Diane, sur un ton cynique qu'elle employait souvent, remarqua :
— Si je n'avais pas envoyé une lettre de menace à ton mari, Héphasie, il n'aurait jamais accepté de revenir de sitôt, et toi non plus. Je trouve que tu nous délaisses. Tu es une amie indigne.
La principale concernée écarquilla les yeux et se défendit :
— Vous savez bien que c'est faux ! Je voulais absolument vous voir, mais il est vrai que mon bien-aimé a été difficile à convaincre. Il a bien failli refuser de se joindre à notre équipée dans l'espoir de m'y faire renoncer. Mais je me suis montrée intraitable.
Elle croisa les bras sur ces mots dans une attitude autoritaire qui révélait assez les rapports de force qui sous-tendaient le couple. Le duc n'avait jamais eu aucune chance face à ce démon en jupons.
— Vous croyez qu'il va m'en vouloir ? s'inquiéta la timide et fluette Hortense.
— Pas s'il désire rester dans mes bonnes grâces, rétorqua Héphasie pour la rassurer.
En effet, Alexandre avait bien sûr voulu faire le trajet en voiture avec sa femme, mais il avait été mis en échec par les trois amies qui réclamaient la peintresse.
— Vous entretenez donc toutes une correspondance avec mon époux derrière mon dos ? reprit cette dernière, une note soupçonneuse dans la voix. Il va falloir songer à vous trouver des gentilshommes pour vous occuper !
Diane fit la grimace, ses amies sachant très bien ce qu'elle pensait de la prison du mariage.
— Très peu pour moi. Je préfère embêter ton mari, il est facilement impressionnable. C'est tellement réjouissant de l'entendre crier comme une fillette !
En effet, malgré sa voix grave et sa carrure impressionnante, le duc pouvait atteindre des notes suraiguës. Le décalage était d'un comique achevé. Et visiblement, ses compagnes se rangeaient à son avis : elles rirent à l'unisson.
— Je peux vous entendre ! cria le jeune homme depuis le seuil de la maison des Rouet où il discutait avec Violette et Armand, les parents d'Héphasie.
— Justement, murmura l'archère en haussant un sourcil.
Peu d'hommes trouvaient grâce à ses yeux, mais elle avait appris à apprécier ce duc, et se faisait une joie de le taquiner à la moindre occasion, d'autant plus qu'ils avaient un public.
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Diane l'indomptable
Historical FictionDiane Iria passe la plupart de son temps à s'entraîner au maniement des armes et à menacer d'émasculation les hommes qui ne se comportent pas convenablement. Laszlo Ferne, toutefois, parvient à déceler sous la façade peu avenante de la jeune femme d...