IV-Un caractère trempé au café

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Laszlo sourit en dégustant son verre de cognac dans le bureau de Théodore, en compagnie de tous les autres hommes. Il repensait à ce visage qu'il avait tant espéré apercevoir, lors de sa chevauchée, et que Diane lui avait finalement dévoilé avant le dîner. Il ne s'était pas attendu à ce qu'il fût si harmonieux. Sa forme ovale lui conférait un caractère indéniable, tout comme sa bouche, mince mais tentatrice, qu'elle pinçait plus que de raison. Le baron avait pu noter lors des présentations que son intrigante amazone fronçait souvent ses sourcils à l'arc bien dessiné. Son petit nez retroussé complétait parfaitement l'ensemble : il était adorable mais toujours mécontent. Quant à son regard... il était déterminé, comme le reste de sa personne, et brillait d'une lueur émeraude implacable.

Quand Laszlo s'était penché sur sa main aux longs doigts agiles gantée de dentelle fine, il avait respiré par mégarde son parfum, et il l'entêtait à présent. Il ne parvenait pas à l'identifier, et, pour une étrange raison, cela l'agaçait prodigieusement. Il était doux, sucré, mais assez unique pour qu'il ne le reconnût pas.

Le reste de la soirée avait été particulièrement instructif. Apprendre que sa belle amazone était toujours célibataire l'avait étonnamment rassuré, même si elle le lui avait fait payé par la suite. Elle n'aimait pas beaucoup qu'on se méprît sur son compte, apparemment ! Comme il l'avait deviné d'emblée, elle était dotée d'un terrible caractère, et celui-ci semblait particulièrement rejaillir en sa présence. Cela l'amusait d'autant plus, et il avait eu bien de la peine à masquer son hilarité et son allégresse lors du dîner. Il avait vu Diane se retenir de lui lancer son couteau au visage et celui qu'il avait pris pour son mari, Alexandre, s'écarter d'elle promptement, alarmé. Il lui tardait de voir la jeune femme dévoiler ses compétences, le lendemain. D'ailleurs, il devait en tenir un mot à son hôte, assis juste en face de lui.

— Théodore, Diane m'a proposé de me faire une démonstration de ces talents dont vous m'avez parlé... Nous avons pensé qu'il serait amusant de faire un petit concours demain, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je crois savoir que Cassandra n'a encore rien prévu.

Sa proposition fut acclamée par Sébastien, mais mal accueillie par Armand, un homme qui semblait très doux et tendre, surtout quand il se tenait à côté de sa femme. Les réactions d'Alexandre et du père de Diane suivirent le même chemin. Ce dernier se contenta de se renfrogner, un peu comme sa fille, pour une raison qui ne lui échappa pas : il ne désirait pas que celle-ci se montrât en spectacle. En ce qui concernait ces deux autres messieurs, il suspectait chez eux une grande sensibilité, frein certain à ce type d'exercice... Leur hôte, toutefois, parut enchanté par cette suggestion :

— Oh, mais quelle bonne idée vous avez eue là ! Assurément, cela nous offrira une excellente distraction. Ces dames pourront même toutes concourir, si tel est leur désir, puisque nous sommes entre nous. Je sais de source sûre que certaines d'entre elles ne manqueraient cela pour rien au monde... Celles qui ne savent pas tirer pourront bénéficier des conseils de nos experts, si leur souhait est d'apprendre, ajouta-t-il en s'adressant directement à Laszlo, qu'il savait très habile après ces années passées sur le champ de bataille.

— Assurément, ce serait un plaisir, répondit-il avec un charmant sourire.

Il ajouta ensuite avec beaucoup de malice :

— Peut-être pourrai-je enseigner deux ou trois rudiments à Mademoiselle Diane, pour qu'elle progresse davantage.

Son interlocuteur prit un air embarrassé.

— Je pense que vous pourriez effectivement lui apprendre quelques petites choses, mais elle est déjà excellente, et prendrait sans doute mal votre sollicitude...

— Vraiment ? l'interrogea-t-il en haussant un sourcil.

Un coin de sa bouche se souleva malgré lui, et il ajouta :

Diane l'indomptableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant