Kira
De retour dans le salon, Astaroth affichait une moue des plus étrange, presque grincheuse en réalité.
Les jambes croisées, il se mit par moment à ronchonner le regard posé sur Zeno et moi qui sirotions des cocktails de fruits devant la baie vitrée. Zeno tenait son verre avec une maladresse absolument hilarante. A plusieurs reprises, il essaya de laper son cocktail avant de se faire réprimander par Alocer. Celui-ci se tordait littéralement le cou pour pouvoir le faire. Il n'avait pas choisi le bon siège lui. Eligos quant à lui avait l'air de rêver à je ne sais quoi, sirotant distraitement sa boisson avec une paille. Hormis nous, il n'y avait plus personne d'autres dans la pièce. Ils étaient tous sortis après un simple signe de tête de leur maître.
Je savais pertinemment que l'idée que Zeno reste l'énervait. En fait, ça se voyait littéralement sur son visage.
Le salon baroque se composait d'une immense pièce, agencée autour d'une cheminée de marbre blanc, le feu y crépitait doucement. L'atmosphère était chaleureuse, notamment grâce aux lourdes tentures de velours carmin. Trois imposants canapés dans le style rococo, aux tissus imprimés tout droit venu d'orient, encerclaient un tapis brodé provenant de l'Empire Qin. De chaque côté de la salle, de grandes baies vitrées donnaient sur des balcons. Avec Zeno, nous nous trouvions sur une table blanche qui se trouvait à l'écart du reste des meubles face à une de des gigantesques fenêtres. Par conséquent nous étions comme dans notre petit monde à tous les deux.
Pendant que je me moquais clairement de Zeno, Astaroth martelait l'accoudoir de ses ongles, parfaitement manucurés.
Les portes du salon s'ouvrirent brusquement, allant claquer contre les murs. Je dus tousser pour éviter de m'étouffer avec le liquide. Alors quatre déesses apparurent dans la pièce. Toutes plus différentes les unes que les autres, elles incarnaient la féminité à l'état pur.
La première, celle qui avait ouvert les portes comme une brute digne d'Eligos, paraissait la plus sauvage et dangereuse. Elle me faisait penser à une amazone avec son haut très décolleté, sa jupe en cuir et son teint halé. Devançant toutes les autres de sa démarche féline, elle alla s'affaler sur le même canapé qu'Astaroth, en étendant ses jambes finement musclées sur la table basse. Elle me lorgna à peine du coin de l'œil avant de s'intéresser au vide, mais ce fut suffisant pour que ses yeux noirs me paralysent.
Tandis que deux d'entre elles se chamaillaient pour une quelconque raison, une autre entra dans la lumière. Elle aussi semblait être une guerrière, mais d'un tout autre genre. Emmitouflée dans du velours blanc et de la fourrure grise, l'impérieuse reine des glaces alla se placer sur un fauteuil vide non loin d'Eligos. Le port de tête altier, le teint blanc, une longue chevelure blonde platine travaillée en multiple tresses, elle incarnait la noblesse nordique. Je crus entendre quelqu'un déglutir, mais je n'étais pas sure. Du moins jusqu'à ce que je vis Eligos se replier sur lui-même. Cependant je n'eus pas plus de temps pour m'interroger sur les raisons de ce geste.
Les deux furies qui se chamaillaient à l'extérieur se jetèrent sur Astaroth, qui ne broncha pas d'un cil. Une prit place sur ses genoux, tandis que l'autre se blottit contre son bras en gémissant. Je ne pus entrevoir grand-chose de celle sur ses genoux. Pour le moment, ce que je savais d'elle, était qu'elle possédait un rire cristallin et une chevelure outrageusement longue comparable à de l'or qui couvrait sa peau nue. Néanmoins, l'autre se trouvait parfaitement dans mon champ de vision. La peau bronzée, les yeux en amande foncés divinement maquillés par un trait de crayon or et bleu, les cheveux bruns coupés en un carré, elle paraissait toute droite sortie d'un conte des mille et une nuit. Son corps orné de toute part d'or et de joyaux, elle ne montrait d'intérêt qu'au Duc. Celui-ci d'ailleurs paraissait plus agacé qu'autre chose, se laissant balloter par les deux femmes qui quémandaient son attention.
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L'Île d'Hécate, Tome 1 : Prophétie
FantasyDans un monde où la magie emplissait encore l'air, toutes les créatures aussi petites que grandes se côtoyaient dans un même univers. Du moins, jusqu'au jour où les hommes, effrayés par leur puissance, brisèrent cette harmonie en les pourchassant po...