L'Île d'Hécate, Tome 1 : Prophétie

Chapitre 12

Enodia

Le vent s'engouffrait furieusement dans la grande salle, fouettant les rideaux du balcon. Cette météo tempétueuse correspondait bien à mon humeur massacrante.

Assise, les pieds surélevés par une marche des escaliers, le reste du corps enfoncé dans mon pouf géant de velours prune, j'avais le dos tourné au foyer. Je fulminais.

Du bout du doigt, j'agitais l'eau de la vasque en étain qui lévitait dans les airs. La scène qui se déroulait sous mes yeux m'était intolérable.

- Qu'est-ce que tu as encore Enodia ? dit une voix d'un souffle.

Hersée continuait de s'acharner à me parler à travers le feu du foyer.

Accordant à peine un regard à la flamme derrière moi. Je me mis à grommeler dans ma barbe, je n'avais absolument pas envie de commencer une discussion là-dessus. Exaspérée, je poussai la vasque avec l'image fantomatique d'un revers de main. Elle glissa quelques mètres plus loin.

Je m'étais camouflée derrière l'énorme oreiller, expressément pour qu'Hersée ne puisse m'apercevoir.

Néanmoins, elle dut remarquer la coupelle bouger dans son champ de vision. Je l'entendis donc soupirer de façon très exagérée.

- Je ne sais pas ce que tu as, mais tu peux m'en parler. On est plus que deux, alors autant s'entraider.

Je refusais de répondre. L'absurdité des évènements m'atteignait bien trop. Si je réagissais ce serait dans les cris. Mes mains se crispèrent sur le tissu afin d'essayer d'évacuer le trop plein de ressentiments. Malheureusement cela ne fonctionna pas le moins du monde, si bien que le coussin finit par recevoir des coups.

- Bon maintenant, ça suffit ! Tu vas arrêter de faire ta gamine et me dire pourquoi tu es dans cet état ! Compris ?! hurla Hersée.

Impulsivement, je me levai d'un coup sec. Envoyant valdinguer le pouf qui me barrait le passage, je vins me planter face au foyer.

- Oui, je suis énervée ! C'est mon droit ! Et si je veux fulminer, je le fais ! criai-je à m'en arracher les poumons.

Le silence s'installa dans la salle. J'haletai pour reprendre ma respiration. Patiemment, j'attendis que mon interlocutrice me réponde. Je crus pendant un bon moment qu'elle me parle avec la même violence, mais ce ne fut pas le cas. Au contraire, elle s'exprima d'un calme olympien.

- Je t'en prie, raconte-moi.

J'eus besoin de quelques instants pour me ressaisir. Elle avait trouvé la méthode pour me clouer le bec. Dommage qu'elle ne l'utilisait pas souvent. Prenant une profonde inspiration, je lui racontai ce qui venait de se produire.

Après un silence, je l'entendis pouffer, puis rire aux éclats. Mon calme s'envola aussi vite qu'il était venu.

- Non, mais tu ne te rends pas compte ! Il va y avoir un désastre, et ils font quoi ? Ils se concentrent sur le fait de donner une éducation sexuelle à leur princesse ! Comment est-ce que ça va leur servir pour s'opposer à eux ?! J'aimerais bien savoir !

Son fou rire s'intensifia. Alors je décidai de faire venir vers moi la vasque d'eau. Celle-ci glissa dans ma direction pour se placer sous ma main droite. Touchant de l'index la surface, l'image réapparut instantanément.

- Tu grognes... pour ça, balbutia-t-elle entre deux rires.

- Bien sûr, qu'est-ce que tu crois ?! C'était le seul pays qui avait pris ma remarque en considération ! Et au lieu de se préparer, ils font ça ! Ils batifolent ! Ils se croient chez les bénéfiques ! Ce sont des démons qu'ils arrêtent leurs conneries !