L'Île d'Hécate, Tome 1 : Prophétie

Chapitre 4

Kira

Les 72 piliers du royaume se trouvaient dans la salle. Ils représentaient toute la noblesse du royaume, des Rois mineurs en passant par les Ducs, jusqu'aux Princes. On les appelait aussi les 72 piliers de l'enfer. Les seuls qui n'en faisaient pas partis, étaient mon père et moi. Mon père car il incarnait leur chef, et moi parce que j'étais son héritière.

Les bavardages allaient bon train. Des servantes passaient entre les invités se faisant presque invisibles pour installer de la nourriture sur la table. Lorsque l'une d'elles me vit, elle me tendit une des sucettes qu'elle avait dans son vase. Elle me fit un doux sourire, puis essaya de poser son récipient pour se retirer, mais Astaroth la retint. Il lui en piqua une, puis la laissa reprendre sa besogne.

Les mets s'accumulèrent rapidement le long de la table, puis toutes les servantes s'éclipsèrent. Le brouhaha s'accentua. Un jeune homme aux traits félins s'installa alors à nos côtés.

– Dis-moi Astaroth, tu en as mis du temps pour venir, ricana-t-il.

– Disons que j'ai eu un léger contretemps, dit-il en me faisant sauter sur ses genoux.

Le félin aux airs de berserk posa son regard vert irisé d'or sur moi, puis d'un sourire large dévoila des crocs terribles.

– Oui, je vois ça, tu l'as choppée où la petite princesse ?

Ses doigts parés de griffes effleurèrent ma joue, me faisant frissonner. Ce contact m'insupporta. Je sus qu'il voulait obtenir quelque chose de moi.

– Vous êtes le Prince Sitri, n'est-ce pas ? demandai-je tout en écartant du bout de mon index cette chose velue qu'il avait osé poser contre ma joue.

Se laissant faire, il me regarda éberlué, puis laissa retomber son bras. J'entendis quelqu'un pouffer, levant les yeux je vis Astaroth se retenir de rire.

– Désolé, mais je crois que tu as fait un flop mon cher, ricana celui-ci les larmes aux yeux.

La mine complètement décontenancée, il passa son regard de l'un à l'autre. Il parut déboussolé.

– Alors ? Vous ne m'avez pas répondu, m'impatientai-je.

– Euh, oui c'est moi. Pourrai-je savoir comment l'avez-vous deviné ? Nous n'avons jamais été présentés.

– Vous êtes un peu trop familier.

Il prit un air blessé.

— Vous avez aussi un peu le même genre d'aura qu'Aaron, mon maître d'armes.

Ma dernière réplique parut tous deux les décontenancer, à croire que les démons n'en étaient pas capables. Je ne possédais aucune mesure de mes capacités en ce temps-là. Elles me venaient naturellement, d'instinct. A aucun moment, je n'avais pensé à mentionner mon don à voir les aura à quiconque. Pour moi, il s'agit d'un phénomène naturel, comme voir ou entendre.

Ils échangèrent un long regard plein de sous-entendus qui ne me plut pas, surtout puisque je n'en connaissais pas la raison. Astaroth passa la main sur son visage en poussant un soupir, tandis que le prince Sitri se mit à me fixer du coin de l'œil.

Pas un n'émit un mot de plus. Je me concentrais sur les sucreries placées face à moi. Parfois, le Duc se penchait pour en attraper également, m'écrasant ainsi au passage contre le fer de la table. Cela le fit rire tandis qu'il se fourrait, avec grâce et sensualité, des pâtes de fruits dans la bouche.

Puis, brusquement, une chaise de fer racla bruyamment le carrelage.

D'un mouvement unique, tous se tournèrent vers le fond de la salle, Satan se tenait debout parfaitement droit, respirant la majesté. Instantanément, je les vis un à un s'installer autour de la table. Le raclement assourdissant des sièges m'écorchait les tympans. Evidemment aucun d'entre eux ne se trouvaient obligé de suivre des cours d'étiquettes.