L'Île d'Hécate, Tome 1 : Prophétie

Chapitre 25

Kira

Cela fait plusieurs heures que je n'ai pas mangé et je commence à le ressentir. Je me sens affaiblie. Même si je dois avouer que je me trouve un peu égoïste par rapport aux souffrances de Tarreck. Il est normalement à l'abri. Je doute que le vieux sage s'en prenne à lui, il m'a donné l'impression que je pouvais lui faire confiance. Hélas, pour ce qu'il en est du cas de Zeno, je ne sais pas encore. Afin de se camoufler en territoire ennemi, nous lui avions demandé de prendre sa forme d'enfant, avec le choc il a sans aucun doute repris sa forme originelle de gigantesque loup ailé. Néanmoins, comme il ne ressemble pas le moins du monde à un humain, one ne peut pas le méprendre pour un ennemi. Aucun rapport avec les créatures de ces contrés. Ils pensent déjà qu'il est manipulé cela joue à son avantage.

Mon ventre me fait souffrir, mais je dois m'en contenter. Je refuse de montrer la moindre faiblesse. Ce cher Balder, si j'ai bien compris, ne me laissera pas prendre un casse-croute avant de rencontrer sa tante.

D'ailleurs, plus j'y pense, plus je me dis que cette fameuse « tante » pourrait être Edda puisqu'ils possèdent des airs de famille. Toutefois, je ne peux pas en être certaine. Puis étant donné le comportement des autres, je commence à craindre de ce que je pourrais trouver.

Les couloirs dans lesquels il m'entraine, s'élargissent peu à peu, devenant plus lumineux et moins suffoquant surtout. Nous croisons enfin d'autres elfes. Je devine que nous arrivons désormais dans une partie plus fréquentée du Royaume.

Les habitants ne me prêtent aucune attention, trop occupés à saluer solennellement Balder. Apparemment, Monsieur Narcissique se trouve plutôt bien placé dans la hiérarchie sociale locale.

Je remarque alors que tous ceux que nous croisons portent des vêtements fluides dans les tons pastel, ce qui, bien évidemment, n'est pas son cas. De son manteau de velours blanc à sa chemise en flanelle, en passant par ses bottes en cuir ébène à faire pâlir Astaroth de jalousie, tous ces matériaux nobles confirment son statut social. Il le confirme même tellement que je commence à en avoir des sueurs froides. Pas par rapport à lui, mais à sa tante. Plus nous avançons, plus l'évidence s'impose à moi.

Je rumine cette idée incapable de me la sortir de la tête. Je ne l'ai jamais rencontrée en personnes, je l'ai uniquement entrevue lors de la seconde réunion des dirigeants de l'île. Néanmoins, mes cours de politique la mentionnaient. J'en étais venue à l'admirer. Elle avait pris les rênes du Royaume d'Alfeim après la scission entre les elfes de lumières et les elfes noirs, bien avant ma naissance. Tandis que leurs cousins s'installaient à Dankara, son peuple s'établit dans ces terres sous sa tutelle.

Avec tout ça, je vais avoir un malaise, il me faut de l'air et vite.

Je ressens soudain un grand courant d'air. Le vent vient lécher ma peau comme un vieil ami. Rien de plus plaisant pour une créature ailée comme moi.

J'accélère vers le bout du couloir. Je devance l'elfe, et le laisse en plan derrière.

Je parcours à peine quelques mètres supplémentaires pour m'arrêter complètement tétanisée par le spectacle. Si seulement Tarreck et Zeno étaient là pour voir ça. Je regarde partout sans pouvoir fixer mon regard quelque part.

Je me trouve en plein milieu d'un pont formé de solides lianes d'une grande pâleur. Il joint deux bâtiments, dont celui d'où je sors, mêlant à merveille la pierre et la forêt.

Je peux l'admirer désormais. L'architecture elfique s'harmonise parfaitement à la nature. Plus loin, j'aperçois une multitude d'autres ponts qui rejoignent les deux bâtiments, pareil à une ville suspendue au-dessus d'un fleuve.