Le lent clapotis des vagues sur la coque en bois m'apaise et je ferme les yeux pour pleinement savourer la chaleur du soleil sur ma peau. Il n'y a pour moi aucun endroit plus beau au monde que ma crique. J'y suis tranquille. Serein. Loin de toute obligation et presque... libre. Une notion qui m'est étrangère mais que je peux presque effleurer des doigts lorsque je m'abandonne à la mer. Une notion à laquelle nous nous sommes tous surpris à rêver avant de courber l'échine et retourner à la pêche ici, dans le Quatre.
J'ouvre les yeux et fixe fermement l'horizon, les mâchoires serrées. Ici, il n'y a pas école pour les enfants à part ces horribles cours de ce qu'ils appellent « L'Histoire de Panem », nous sommes dès le plus jeune âge répartis en sections, presque en régiments. Chacun se voit attribuer une tâche. D'aucuns s'occupent de l'extraction des perles d'huîtres pour le Capitole tandis que d'autres sont condamnés à peser des tonnes de masses gélatineuses à longueur de journée. Dès petit, mon don pour le maniement du Trident m'a valu un futur qu'on pourrait qualifier de décent tandis que d'autres sont assignés jusqu'à la fin de leur vie au récurage des coques.
Je pêche. Je remplis les quotas fixés. Je nourris le Capitole à défaut de pouvoir nourrir ma famille. Les 'récoles' quotidiennes sont pesées au gramme près, impossible d'essayer d'en dérober. Et pourtant... Comme dans tous les autres Districts de Panem la malnutrition fait des ravages et les autorités ferment les yeux. Alors je fais autrement. J'ai cru halluciner le jour où j'ai trouvé cette petite barque en bois à dérive lors de ma longue journée de pêche. Je n'ai jamais cherché à la rendre à son propriétaire, pas plus que je ne l'ai ramenée aux autorités du Quatre. J'ai alors tenté le tout pour le tout en désertant mon poste pour aller cacher ce qui pourrait nous permettre de manger à notre faim.
Je me rappelle encore ma fébrilité, moi petit garçon blond de douze ans traînant de ses maigres forces une barque de plusieurs kilos sur le sable de la petite crique jouxtant ma maison. Je l'avais ensuite grossièrement camouflée avec ce qui m'était tombé sous la main. N'importe quel Pacificateur décidant d'inspecter les troupes aurait vu que je n'étais pas à mon poste, coutant à ma famille une flagellation en place publique. Mais, miraculeusement, j'ai réussi Dieu sait comment, à passer entre les mailles du filet.Depuis ma barque est bien cachée dans une autre crique plus éloignée, artistiquement recouverte de plantes la rendant absolument indétectable. Dans le tronc creux du palmier à demi-mort d'à côté est dissimulé mon Trident fait main. Ce n'est pas une pointure d'ergonomie ni d'équilibre mais il fait parfaitement l'affaire. Depuis, deux fois par semaine je sors et je pêche. Mais une pêche selon mes règles. Sans quota, sans obligations, sans crainte. Et je nourris ma famille, moi, Finnick Odair, 14 ans. Seul, avec une barque et un Trident. Outre le besoin vital de cet extra de nourriture, mes moments en mer après la journée de travail sont un véritable répit. Loin de tout j'ai enfin l'impression de pouvoir partir, de pouvoir tout recommencer ailleurs, de l'autre côté de cette immense étendue bleue. Il m'arrive de la fixer pendant de longues minutes, mes yeux glissant sur la ligne d'horizon, tentant vainement de voir au-delà de mes limites, essayant d'imaginer une civilisation prospère et accueillante là-bas, au loin. A l'autre bout du monde. Bien sûr j'ai déjà songé à m'en aller. Embarquer tout le monde dans ma petite barque pour les emmener vers l'Eldorado à la force de mes bras, mais j'ai bien vite déchanté. C'est suicidaire et profondément stupide. Je pousse un soupir amusé, revenant à la réalité. J'étais si naïf à mes douze ans. Mais j'en ai désormais quatorze et les choses ont changé. Radicalement.
Le soleil me brûle la nuque et un simple coup d'œil vers le disque incandescent me confirme ce que je sais déjà : je suis affreusement en retard. Je remonte mon filet et me saisis des rames. Je ne peux pas me permettre d'être en retard. Pas aujourd'hui. Pas le jour de la Moisson. Je remonte en courant le petit chemin de halage qui suit la côte. Je profite de cet effort physique simple, libérateur, tant que j'en ai l'occasion. Dans une heure je serais parqué bien docilement sur la place centrale alors autant en profiter pour se défouler. J'ouvre la porte à la volée et ma mère m'accueille avec un soupir agacé.
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Les Hunger Games de Finnick Odair.
FanficFinnick Odair, Tribut mâle du District 4 pour les 65èmes Hunger Games était loin de se douter du virage radical que prendrait sa vie lorsqu'il fut envoyé dans l'Arène. - Fiction du PDV de Finnick - Tous droits réservés.