Chapitre 3 - Le Capitole.

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Les portes s'ouvrent dans un léger chuintement et nous sommes aussitôt brutalement emportés dans un magma étouffant de cris, de couleurs et de flashs hystériques. A croire que tout le Capitole s'est donné rendez-vous sur ce quai de gare. De partout on m'interpelle, tous veulent un mot, un signe, un sourire particulier adressé à eux seuls et qu'ils pourraient exploiter à l'ouverture de leurs JT en se targuant de posséder une exclusivité.

Du coin de l'œil j'observe ma coéquipière qui n'en est pas vraiment une charmer la foule de long saluts et de sourires langoureux. Elle fait même mine de s'arrêter devant un groupe de journalistes surexcités qui voient leurs espoirs bien vite balayés lorsque Mags l'empoigne sans ménagement par l'épaule pour la traîner à travers la masse de corps qui nous barre encore le passage.

Un groupe de Pacificateurs venu du Deux spécialement pour l'occasion s'efforce de trancher la foule et de nous ménager un semblant de chemin à grands coups de coudes, s'attirant par-là les foudres de la foule des privilégiés massés sur le quai.

Ma main s'agite d'elle-même et je souris d'un air confiant. Ma chemise blanche se tend subtilement sur mes muscles façonnés par la pêche et je vois bien que je fais mon petit effet. Mags elle aussi a l'air satisfaite de ma prestation. Nous n'avançons que centimètres par centimètres, et chaque pas arraché à la masse récalcitrante est une véritable victoire. La procession est lente, laborieuse et carrément désagréable. Les premiers moments d'étonnement et d'euphorie à la vue du public venu m'accueillir passés, je me surprends à repérer les failles de procédures avec une facilité déconcertante. J'ai l'impression d'être un morceau de choix donné en pâture à ces messieurs-dames qui débattent avec une négligence affligeante de mon futur proche.

Je me surprends à scruter en détail les gens venus me voir, moi Finnick Odair, simple Tribut banal d'Hunger Games normaux. Les visages des Capitoliennes sont étirés de façon grotesque, déformés par des sourires bien trop larges et forcés. Les hommes eux, commentent d'une voix hautaine - sûrement des sponsors - l'exhibition qui se déroule sous leurs yeux, tentant de paraître en plein repérage sans pour autant démontrer un enthousiasme débordant. Malgré tout je vois bien que tout a été aménagé pour l'événement. De la couverture médiatique si spectaculaire qu'elle en devient grotesque aux spectateurs exagérément nombreux et souriants tout a été pensé, soupesé, analysé et répété pour produire cet effet d'engouement sans précédent

Et pourtant, en dépit de tous ces efforts, je n'arrive pas à apprécier cet espace trop grand, trop bruyant, trop hypocrite pour être accueillant. Tout n'est que façade, cette entente cordiale, cette unité inébranlable. Une immense mascarade née de la conscience collective dans une vaine tentative commune de maintien de paix se joue devant moi. Une simple façade. Ils ne s'aiment pas, ne se supportent pas pour une multitude de raisons aussi stupides que futiles mais se côtoient, s'acharnent à vivre en groupe pour la simple et bonne raison que le besoin d'avoir un droit de regard sur les faits et geste de ses voisins est un besoin vital chez ces gens-là. Ils détestent ceux avec qui ils vivent mais ils en ont besoin pour leur estime personnelle. « Lui ? Évidemment que je vaux mieux, mais enfin regardez-moi ! ». Tout est basé sur le paraître, le bien matériel et l'ascension sociale que j'en arrive presque à les prendre en pitié pour l'insipidité de leur vie et de leurs réflexions. Presque. Ils goûtent quand même avec joie le bain de sang annuel, j'ai tendance à l'oublier trop facilement.

Une myriade de questions auxquelles je brûle d'avoir les réponses se bousculent sur mes lèvres. Eh, toi, là, avec ta perruque rose, que penses-tu de ton voisin avec lequel tu sembles si bien t'entendre ? Qu'as-tu à dire sur les fréquentations de ceux qui se revendiquent tes amis ? A quel point envies-tu ton rival ? Que sais-tu des petits secrets inavouables de tes pairs ? Contre quoi serais-tu prêt à les laisser fuiter ? A quel point faut-il te soudoyer ? Jusqu'à quel point va réellement ta loyauté et ton amitié de façade ? Quel est le prix que je dois payer pour détenir le pouvoir absolu sur vous, masse grouillante d'hypocrisie et de sourires d'apparence ?

Les Hunger Games de Finnick Odair.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant