Chapitre 15 - Complications.

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Cela fait désormais une journée entière que j'ai quitté la maison. Une journée entière que Liesel et Octavia sont mortes, une journée entière que je suis officiellement un monstre et que j'apprends à vivre avec. Je sais qui je suis et cela ne me plait pas spécialement or, j'essaie d'assimiler le fait que tuer me permet de me sentir mieux, que je ne regrette absolument pas d'avoir torturé une fille et que j'ai envie d'étriper mes parents vivants. Tant de sentiments prétendument contre nature engorgent ce qui me sert de cœur et j'ai pourtant une aisance horrifiante avec la mort pour un enfant de 14 ans.

Malgré tout, mon objectif reste le même : Gaïa. Encore et toujours. Le temps que j'ai perdu avec Octavia lui a permis de prendre la fuite et désormais selon le traqueur elle se trouve bien loin de moi, presque au niveau de l'immense lac qui fait office de frontière. Et moi qui vient de quitter la ville, qui ai traversé les quelques reliefs de l'arène et souffert de la fatigue suis encore loin d'être arrivé.

Je suis malgré tout parfaitement nourri et mes blessures sont en voie de guérison. Tout s'annonce donc bien, ma destinée se déroule devant moi, libre de toute entrave. C'est presque si un long tapis rouge aux franges dorées ne se déploie pas à mes pieds pour m'indiquer la position de chaque tribut encore en vie. Avec ce GPS dans la main, sa douce vibration réconfortante au creux de ma paume, j'ai l'impression d'être un dieu. J'ai le droit de vie et de mort sur mes sujets ; d'un coup d'œil je désigne une victime puis change d'avis, rebrousse chemin pour finalement continuer sur mon idée première. Je n'obéis à aucune loi, à aucun ordre sinon à mes envies.

Le trident dans mon dos et le filet autour de ma taille me confèrent une puissance confiante, un air de dieu. Dans ma tête se matérialise l'image de Poséidon, le dieu des mers et des océans en furie justement surnommé « l'ébranleur du sol ». J'aime m'identifier à lui, à sa puissance, à sa main de fer et à sa volonté divine. Personne ne désobéit, personne ne défie un Dieu et je veux qu'il en aille de même pour moi. Je serai le dieu de cette arène, l'homme régnant d'une main de maître sur les vies des pécheurs pour les remettre dans le droit chemin ou, au contraire, expier leurs péchés de la plus violente façon qui soit.

Mes yeux glissent sur l'azur du ciel à la recherche du soleil qui, en maître, a pris possession du zénith. Midi, donc, je songe, déjà affamé. Je m'installe au pied d'un arbre ensoleillé et laisse les chauds rayons caresser ma peau tandis que je sors de mon sac de quoi me sustenter.

Je ne manque de rien, les conservent s'entrechoquent dans un joli tintamarre tandis que je peine à me décider. Une soupe de légumes pour faire léger ou au contraire un mélange de poulet et de riz au curry ? Mon choix se porte finalement sur cette dernière et j'entame mon repas un air béat sur le visage. Je ne dirais jamais assez combien j'aime manger et, après une enfance de privations et de nourriture exclusivement marine, goûter à des mets fins et consistants me semble une façon assez simple d'accéder au paradis.

Mes yeux se baissent sur le traqueur qui reste étrangement muet et pour cause : je suis seul dans mon secteur et aucun danger imminent ne se dirige vers moi. Je m'installe alors encore un peu plus confortablement contre mon arbre et je décide de faire un rapide point. Outre moi et ma cible, il ne reste plus aucun carrière et j'en suis relativement soulagé. Pas que je ne les craigne outre mesure - c'est faux, bien sûr – mais ne plus les avoir sur le dos éclaircit considérablement mon horizon. Mes yeux scannent la carte et je procède par élimination pour finalement arriver assez facilement au constat suivant : nous ne sommes plus que 6. Déjà 18 victimes et autant de familles éplorées, autant de vies détruites, d'espoirs anéantis et pourtant – pourtant - je ne me sens pas triste, pas coupable pour un sou de toutes ces morts de sang-froid dont je suis à l'origine. Je n'ai rien à dire aux familles qui doivent me haïr de tous leurs êtres, aux frères et sœurs qui ne grandiront qu'avec un vague souvenir de leur fratrie et aux parents qui voient leur enfant massacrés sous leurs yeux. Je me fiche qu'on me voie comme un monstre ou comme un bâtard ; je ne fais que jouer à ce grand jeu magique qu'est celui du Capitole.

Les Hunger Games de Finnick Odair.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant