Chapitre 4 - La Parade & Némésis.

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Je suis omniscient. Je saisis absolument tout. Le moindre cri, la moindre ovation, le moindre geste qui me sont destinés. La ville se déroule à l'infini, s'étend, s'étire paresseusement sous le soleil couchant, baignant la Parade d'un aura presque irréel. La foule est électrisée par l'enjeu de l'exhibition, stimulée par l'hymne de Panem soufflé avec vigueur des immenses haut-parleurs qui jalonnent le parcours. Ce rassemblement, cette densité de population réunie dans le seul but de voir défiler des gamins juchés sur des chars me dépasse totalement bien que j'essaie de saisir l'intérêt que revêtent pour eux ces éditions de mises à mort annuelles. Mais l'effusion, l'engouement me contaminent bien trop facilement.

Je souris malgré moi, d'un sourire pur, éclatant, en rien forcé. J'aime être le centre de l'attention, le centre des ovations et des saluts car chaque sourire, chaque geste qui m'est adressé à moi personnellement est un pas de plus vers le Quatre, vers ma famille, vers l'espoir de recouvrer une vie normale.

A côté de moi, Liesel, revêche, ne se fend même pas d'un salut à la foule, s'estimant probablement au-dessus de tout ça. Elle soupire de dégoût lorsque j'attrape à la volée un chapeau vert fluo lancé comme un frisbee vers notre char par une bande de jeunes filles aux joues rosies d'excitation. Je m'en coiffe et leur adresse un clin d'œil charmeur tandis que nous les dépassons dans un fracas de sabots martelant le sol.

Le bruit est assourdissant mais en aucun cas gênant. Au contraire tout ce vacarme me désinhibe, m'enhardis. Je suis dans mon élément comme en témoignent les écrans géants où je suis bien trop souvent en gros plan pour que ce soit dur pur hasard. Il est évident que je suis le Tribut phare de cette année et j'en profite, entretenant cette image de playboy, bien que, à mon avis, 14 ans soit bien trop jeune pour considérer mon corps comme un objet de désir. Mais je suis dans les Hunger Games et je me dois de faire des concessions. Si je dois être considéré comme un morceau de viande par des vielles aigries et comme un simple numéro par des riches et puissants magnats de la capitale et bien soit. Je m'y soumets. Il n'y pas de petites manœuvres pour attirer les sponsors.

La traversée de la ville me semble durer une poignée de secondes tellement je suis absorbé, dans un état extatique et presque second. Je souris, charme, salue frénétiquement, me donnant cet air détaché et sur de moi dont raffolent les braves gens venus se masser sur le bord du parcours.

Les écrans géants, décidément bien utiles, me renvoient une image plus que satisfaisante de mon physique. Mon sourire est franc, amical, un brin joueur. Mes saluts sont dosés, intelligemment distillés à cette foule compacte.

Les projecteurs jalonnant le parcours éclaboussent la chaussée de lumière vive à mesure que la ville se laisse engloutir par la nuit. Et, comme prévu par mon styliste, je scintille. Littéralement. Je miroite doucement au gré des lumières, des flashs et des projecteurs, rappelant effectivement avec une précision stupéfiante les mouvements de la mer au soleil. Je déglutis et mes saluts se font moins vifs. Le Quatre et sa mer... Son odeur iodée et sa fraîcheur tout au long de l'année.... Et moi qui me retrouve là, dans cette ville immense et étouffante, polluée et surchauffée au possible, loin de chez moi... J'ai brusquement envie de vomir et me rattrape d'une main vacillante au bord char, enserrant instinctivement un de ces immondes coquillages factices de mes doigts devenus blancs.

Les chevaux, excités eux aussi par la frénésie ambiante s'engagent, à toute vitesse dans le Grand Cirque, ponctuant chaque foulée de hennissements nerveux.

J'ai respiration hachée et les visages souriants puis brusquement détruits de mes proches dansent devant mes yeux. Je suis incapable du moindre geste, crispé comme je le suis. Fini les risettes et les clins d'œil langoureux destinés à charmer la gente féminine de cette foutue Capital.

Les Hunger Games de Finnick Odair.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant