Aqua Alba

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-Debout petite ronfleuse cria Eva en tirant sur mes couvertures. Je râlai.
-Laisse- moi dormir! Ma journée d'hier a été fatigante!

Elle me  sourit.

-Si fatigante! Les gardes ne t'ont même pas vu rentrer!
Je  me rallongeai.
-Tu oublies que cette journée sera tout aussi longue. C'est la journée d'Aqua Alba, reprit-elle.

J'émis un soupir de désespération.

-A quoi ça sert avec tout ce sang versé ces jours-ci? Il est trop tard pour prier..
-C'est une tradition, c'est comme ça.

Elle rajusta son collier de pierre à son cou.
A sa mort, notre mère nous avait laissé une chaîne avec une pierre chacune qui était censée nous protéger. La mienne était en chêne ou plutôt " pleurs de chêne" comme disait maman. Elle était dorée comme la sève qui coule des arbres et froide. Elle représentait l'esprit de la forêt: sauvage et mystérieux.
Eva sortit chercher du thé. Je me levai de mon lit.
Devant le miroir, ma peau était blanche, cadavérique et je ressemblais parfaitement à un spectre. Je me nettoyais rapidement et enfilais une robe aux multiples poches cachées pour y dissimuler mes couteaux.  J'avais choisi la plus simple de  ma penderie malgré leur extravagance. Elle était légère, blanche, serrée à la taille  par un corset marron et assortie d'une cape vert émeraude.
Je détestais particulièrement prendre soin de moi.
Mon style vestimentaire, si on pouvait l'appeler ainsi, se résumait  à des tuniques amples et des pourpoints noirs.Je nouai mes cheveux noirs en une tresse et rangeai une fiole verte dans une de mes poches intérieures. Eva débarqua à ce moment-là, un plateau de thé à la main. Toujours souriante, elle était tout ce que je n'était pas. Douce, chaleureuse, joviale et sociable. Elle me mit  une tasse dans les mains.

-Bois, ça te réveillera !

Je bus une gorgée et  reposai  la tasse.
Elle proposa de me maquiller mais je refusais. Je la laissais cependant attacher mon collier. Le résultat était plutôt satisfaisant. J'avais l'air de ce que j'étais ; une garva.

Mon pouvoir et mes capacités n'étaient  pas encore suffisants pour accomplir des missions mais je travaillais dur tous les soirs.
Je repensais à Charles assis sur son trône:

"Toi tu es à peine garva" avait-il dit.
C'était vrai , après tout mon pouvoir était limité et celui du Roi  était sans limite et éternel.

J'avais signé son contrat de mort hier soir en rentrant chez moi et je ne pouvais plus faire marche arrière.

-Tu recommences, lança Eva me tirant de ma rêverie. Son regard gris perle et ses cheveux blonds lui donnant un air d'ange.

-Excuse-moi ? 

-Essaie de tenir éveillée durant la cérémonie, répondit-t-elle en haussant les épaules.

Elle me tendit la main et nous dévalâmes les escaliers.Notre demeure était immense et lumineuse. De nombreuses  plantes, notamment des lierres, des fontaines et des bibliothèques envahissaient la maison.
En bas Rosie notre vieille nourrice discutait avec notre père. Oldin était un homme grand, mince et respecté. Enfant, il pouvait m'effrayer par son caractère lunatique et solitaire.En grandissant je me rendais compte que je devenais  comme lui. Il nous aimait et nous protégeait.

-Ah, vous voilà! s'exclama-t-il.

Eva se jeta dans ses bras.

-Vous êtes toutes les deux ravissantes.
Je restais en retrait comme à mon habitude et il vint vers moi.

-Dulcare garvia elni.

- Résiste, Bats-toi, Protège.

Il me sourit et me tapota gentiment l'épaule, un jeu entre père et fille depuis mon enfance. Rosie nous donna nos capes.

Garva Où les histoires vivent. Découvrez maintenant