« Waouw »

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Quand j'ouvrai les yeux, les bras de Tolyas ne m'entouraient plus. Il avait dû se réveiller tôt. L'image du roi Ciryon sous les traits de Charles flottait dans ma tête. Et cette même question qui tournait en boucle. Comment allons nous faire pour retrouver Finn? J'avais l'impression qu'il comptait presque plus que ma famille alors que je le connaissais à peine. Cet inconnu m'avait sauvé la vie maintes fois et même si nous ne nous entendions pas très bien par moments, le lien que l'on partageait était fort. Je ne saurais comment le décrire mais je le ressentais.Lui aussi. Comme la fois où son contact m'avait fait mal à la tête, son regard était dément et il souffrait. Je sentais aussi qu'il n'était pas loin et j'avais l'impression de le voir et de l'entendre par moments. Mais j'étais stupide et je chassai ses pensées génantes. Je me levai de mon lit miteux pour au final me rassoir; je n'y voyais rien. Des taches noires. Une fois assise ma vue se stabilisa et Tolyas profita de ce moment pour rentrer en trombe dans la pièce. Il avait l'air fatigué. Il était fatigué. Son sourire habituel était de plus en plus faux et ses yeux cernés.
-POURQUOI IL N'Y A PERSONNE DANS CETTE BARAQUE? cria-t-il avant de s'asseoir à côté de moi.
Je haussai les épaules indifférente.
-Génial, je vais finir par croire que tout le monde nous fuit!
Il fit demi-tour et je le suivis jusqu'en bas.
-Il nous faut un plan. On ne pourra pas pénétrer facilement dans le domaine de Ciryon.
-Oui, et je vais avoir besoin de ton aide, dit-il en souriant.
-Je pourrais faire diversion mais tu devras empêcher les soldats de l'entrée de nous bloquer.
-Ça devrait être possible.
Nous étions installés sur une table de la grande salle au rez-de chaussé. Tolyas m'avait exposé son plan et je devais me servir de mes pouvoirs pour cela. Depuis que j'avais quitté la ville, mon pouvoir de garva n'avait pas été utile. Il était plus que nécessaire maintenant.
-Résumons. Je change mon apparence et tu fais diversion?
-Oui ne t'inquiète pas pour ça.
-Ensuite je pénètre par l'entrée en me faisant passer pour une servante.
-Et si tu échoues tu te sers de tes pouvoirs en appelant les esprits de la nature.
J'ai acquiescé la boule au ventre. J'allais devoir me dépêcher. Je n'avais pas le droit à l'échec, je n'avais pas le droit d'être humaine car être humaine signifiait montrer sa faiblesse.J'étais garva et mon pouvoir était bien au-delà des capacités des mortels. Mon père m'aurait dit d'être irréprochable, Dragomir d'être plus féroce que les ennemis, plus cruelle, pire. Mais je n'étais pas une machine de guerre. J'étais Norla.
-Oui je crois que je suis prête.
Il m'attrapa la main et la serra fort.
-Norla. S'il te plaît, prononce mon nom.
-Quoi?
-Je veux l'entendre de ta bouche.
-Mais pourquoi?
-Dis le. Juste dis le, je t'en supplie.
Je le regardai incrédule.
-Tolyas.
Il s'approcha de mon visage et je me crispai malgré moi.
Il ne le vit pas et prit mon visage dans ses mains.
-Puis te voler un baiser?
-Tol...
-Quoi? Nous nous reverrons peut-être pas Norla. J'ai peur tu sais, ce sont mes adieux.
-Mais Tolyas, ce n'est pas la fin.
-Je l'espère.
Je ne comprenais pas ce qu'il voulait me dire par là.
-Je t'aime. Un peu trop je crois. Mais l'amour est éphémère alors encore plus dans notre situation, j'aimerais faire en sorte qu'il soit immortel.
-Mais Tolyas tu ne comprends pas...
Il s'assombrit et me lâcha. Les larmes luisaient dans mes yeux. Je ne voulais pas le blesser maintenant. Il n'en avait pas besoin et je m'en voudrais toute ma vie mais je ne l'aimais pas comme lui m'aimait. 
-J'ai très bien compris, ne t'en fais pas.
Sa mâchoire se crispa.
-Non ce n'était pas ce que je voulais dire.
-Bien sur que si.
Les larmes coulèrent pour de bon, une nouvelle fois.
-Je ne veux pas de ta pitié!
Je l'attrapai par le bras. Son regard me foudroyait et je sentis la culpabilité m'envahir.
-Tolyas.
-Si je t'embrassais ça serait nous mentir à nous-même. Ça n'aurait pas le même effet. Je préfére que tu vive heureux avec une femme qui t'aime avec passion.
-C'est toi que j'aime avec passion et la passion est mauvaise. Trop forte, trop chaude, trop jalouse, trop. Je devrais peut-être t'aimer simplement. T'aimer avec amour mais je n'y arrive pas.
-Alors ne perds pas ton temps en excuses, je ne t'en veux pas.
Je voulais parler, lui expliquer mais ma peur formait un nœud dans ma gorge.
-Demain nous partirons à l'aube et nous attaquerons le soir. Sois prête et reposée. Bonne nuit.
Dès qu'il eut quitté la pièce je m'effondrai sur ma chaise en proie au désarroi. Mon cœur hurlait de douleur. Je ne supportais plus la douleur qui me détruisait. Je sentis mes angoisses renaître et je vis une tache sombre quand je me levai. Je me dirigeai vers la chambre, comme une zombie. J'avais l'impression que les événements s'enchaînaient, se suivaient en boucle. Les mêmes sans arrêts, sans même me laisser le temps de reprendre ma respiration. J'étais actrice de ma vie mais cette vie-là ne m'appartenait pas, j'étais comme un pantin. Pourquoi j'avais l'impression que tout était déjà écrit ? Déjà tracé?
Arrivée devant la porte, je m'écrasai contre un bloc, littéralement un bloc de muscle. Je regardais mes pieds honteuse quand soudain des bras se refermèrent autour de mes épaules. Ma joue était plaquée contre le torse de Tolyas, il caressait mes cheveux noirs d'un geste brusque. Mais quand il me serra plus fort je sus qu'il ne me voulait aucun mal.
Je m'endormis dans ce qui me semblait être mon lit et tombai dans un sommeil agité plein de réveil en sursaut et de cauchemars.

Garva Où les histoires vivent. Découvrez maintenant